Les modèles de thérapies psychanalytiques de couples et de famille

Ezequiel A. Jaroslavsky (Buenos Aires), Irma Morosini (Buenos Aires)

Les concepts d’interfantasmatisation (D. Anzieu) et d’appareil psychique groupal (Kaës R.), que nous appelons Appareil Psychique du Lien à la suite de Marcos Bernard (M. Bernard, 1991 et 1999), permettent d’expliquer plusieurs phénomènes inconscients qui se manifestent dans les liens de groupe, de couple et de famille : appareil psychique familial (A. Ruffiot), lien mère/fils, etc. Cet appareil psychique du lien serait la résultante d’un jeu complexe d’entrecroisement de projections et d’introjections qui lie l’ensemble comme un tout et dans lequel les sujets du lien s’entraident et se consolident psychiquement, tout en produisant des processus concomitants de transmission et de transcription psychique entre eux. Des alliances inconscientes se forment dans chaque lien : contrats narcissiques (P. Aulagnier,1975) et pactes dénégatifs (R. Kaës, 2000). 
Ainsi, cet appareil psychique du lien joue, dans les familles et dans les couples, le rôle de processeur de codes qui transcrit au niveau intrapsychique ce qui opère dans l’espace intersubjectif (I. Morosini, 2006).

Dans les familles et les couples connaissant des vicissitudes pathologiques, les phénomènes régressifs prédominent avec leurs effets d’effacement des discriminations, de déficit des échanges verbaux symboliques et de désubjectivation de leurs membres (E. A. Jaroslavsky, 2005).

La technique d’abord dans les thérapies familiales (TFP), de couple (TPC) et de relation père ou mère/fils, requiert un cadre stable (J. Bleger, 1971), le déploiement transférentiel et la réflexion sur le contre-transfert de la part de l’équipe thérapeutique. L’utilisation de ces données, qui opèrent dans le champ du lien thérapeute/patient, et le déploiement de la chaîne associative groupale sur invitation à l’association libre favorisent la verbalisation, éventuellement complétée par des formes de jeu, d’expressivité créative (emploi de masques, modelage, marionnettes) et de mise en scène psychodramatique.
L’idée de base est de faire de l’espace thérapeutique un espace transitionnel (D. Winnicott, 1971) et intermédiaire (A. Eiguer, 2006) qui opère comme facilitateur de processus de verbalisation, de symbolisation, de subjectivation et de discrimination de leurs membres tout en soutenant l’émergence de fantasmes secondaires, permettant ainsi l’élaboration de deuils et de traumas transmis transgénérationnellement.

Notre défi est de mettre au jour ce qui est resté caché et dépourvu de signification sans avoir pu accéder à l’espace mental, mais demeure dans la mémoire collective parentale et familiale et pourra affleurer dans un contexte adéquat. 

Cela peut se faire au moyen de la parole et/ou du jeu qui sollicitent des rêves, fantasmes et associations propres aux membres présents de la famille. Les graphiques, dessins, jeux dramatiques stimulent au niveau préconscient des souvenirs, des sentiments et des expériences qui permettent le déploiement de la chaîne associative du lien, rendant possible le travail de liaison émotionnelle et de compréhension. La fonction du psychanalyste est aussi bien contenante qu’interprétative en fonction de la situation.

Le cadre de travail implique des rencontres qui vont d’une fois par semaine à deux fois par mois. Nous ne proposons pas de fréquences plus espacées au cours de l’étape initiale de travail. La durée de chaque séance doit être stable et oscille entre une ou deux heures (pour les couples et les familles selon la situation et les besoins de ceux-ci).

Le travail avec les familles et les couples exige de l’équipe thérapeutique un cadre de travail clair associé à suffisamment de plasticité et de ressources techniques. Un nouveau groupe (néo-groupe) se forme entre les membres de la famille et l’équipe thérapeutique (E. Granjon, 2006) Les modifications obtenues non seulement sur le symptôme mais aussi dans les modes de relation en famille et leur persistance dans le temps nous font penser qu’il s’agit de véritables changements psychiques.