Les modèles de thérapies psychanalytiques de couples et de famille
Note sur la thérapie familiale psychanalytique (TFP)
Le soma est individuel ; la psyché, elle, est d’essence groupale
Gérard Decherf (Sceaux, France) et André Ruffiot (Grenoble, France)
La thérapie familiale psychanalytique, théorisée, expérimentée et introduite en France dès 1969, est une extension de la psychanalyse, à partir du modèle des cure-type individuelle et groupale. Il s’agit donc d’une modalité thérapeutique reprenant les grands fondements cliniques freudiens (règles d’abstinence, de neutralité bienveillante, appel des rêves…) en y ajoutant des éléments de cadre propres à accueillir le groupe familial (règle de présence bi-générationnelle notamment).
Son enseignement et sa diffusion dans les années 70 reflètent les constats réalisés sur le plan clinique concernant la nature groupale familiale des souffrances psychiques, comportementales, psychosomatiques… souvent en rapport avec des problématiques non élaborées au niveau transgénérationnel. Nous avons éprouvé le besoin de nous démarquer des pratiques systémiques, et plus tard cognitivo-comportementales qui, selon nous, ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension inconsciente du fonctionnement familial. Le dispositif groupal de la TFP donne en effet accès à des processus et des formations psychiques spécifiques de l’inconscient familial, notamment ceux issus de la transmission psychique, difficilement mobilisables par d’autres techniques.
Le développement pratique et conceptuel de la TFP conduit ainsi à envisager une large gamme de ces indications thérapeutiques « groupales » spécifiques, sur la base d’une hypothèse théorique centrale : l’existence d’un appareil psychique familial, fondement matriciel de toute individualité psychique (le nous précède le moi, ce dernier étant considéré comme enraciné dans le corporel). Le traitement des cas « lourds » de la clinique (psychoses, anorexies, pathologies des limites, addictions, perversions…) passerait en ce sens par une nécessaire prise en charge du groupe familial dans sa globalité.
Lors des séances, les patients sont invités à exprimer, sur le mode de l’association libre, tout ce qui leur vient l’esprit, dans une double perspective de mise en lien et en représentation des fantasmes originaires organisant le groupe famille. Le cadre ainsi proposé permet la mise en route d’un travail de symbolisation indispensable à l’évolution de cette souffrance familiale, travail rendu possible par un étayage transférentiel sur le néo-groupe (famille plus thérapeutes). Sont de la sorte réactualisés dans le transfert, à partir des interrelations dans le groupe de soin, les insuffisances et dysfonctionnements profonds de la psyché familiale (défaut de contenance, indifférenciation, parentalité confuse). Ce cheminement psychique collectif autorise ainsi, à travers l’espace transitionnel de soin, une autonomisation des individualités psychiques et la reprise d’une activité mythopoïétique plus fonctionnelle, nécessaire à l’équilibre psychique de toute famille.
L’avenir nous révèlera sans doute que le soin de toute affection mentale (et peut être organique) grave nécessite l’écoute analytique régulière du groupe familial.
Bibliographie
G. Decherf, E. Darchis (2000) Aspects cliniques de la fonction parentale in Rivage, n°12.
G. Decherf, L. Knera, E. Darchis (2003) Souffrances dans la famille, Paris, In Press.
A. Eiguer (1983) Un divan pour la Famille, Paris, Le centurion.
A. Eiguer, E. Granjon,A. Loncan (2006) La part des ancêtres Paris, Dunod.
F. André (1986) L’enfant insuffisamment bon, Lyon, PUL.
E. Granjon (2006) Le néo groupe in Le Divan Familial, Paris, In press.
C. Joubert,F. Fustier (1999) A la recherche de la mémoire familiale, Le Divan Familial, Paris, In Press.
R. Kaës et al. (1993) Transmission de la vie psychique entre générations, Paris, Dunod.
A. Ruffiot et al. (1981) La thérapie familiale psychanalytique, Paris, Dunod.
S. Tisseron et al. (1995) Le psychisme à l’épreuve de générations, clinique du fantôme. Paris, Dunod.