REVISTA N° 24 | AÑO 2021 / 1
Rosa Jaitin, Écouter la filiation. Clinique et technique en thérapie familiale psychanalytique. Lyon, Chronique sociale, 2021. Note de lecture par Massimiliano Sommantico[1] Ce dernier livre de Rosa Jaitin nous offre tout d’abord l’opportunité de réfléchir encore une fois, prenant appui sur les approfondissements théoriques aussi bien que cliniques proposées par l’auteur, sur ce qu’on peut entendre par écoute du groupe familial en souffrance, mais aussi sur les méthodes utilisées par l’analyste familial pour cette écoute. Comme on peut le noter à la lecture de ce livre si riche, les références de Rosa Jaitin sont surtout liées à ses racines culturelles, mais pas seulement: l’Argentine, notamment la pensée de Pichon-Rivière, de Janine Puget et d’Isidore Berenstein, et la France, entre autres la pensée de René Kaës et celle d’André Ruffiot. Ces références majeures traversent tout le livre, aussi bien que la réflexion de l’auteur. Groupe interne, lien, alliance inconsciente, transmission, appareil psychique familial, sont les notions principales utilisées par l’auteur pour sa lecture, ou plutôt son écoute des processus de la filiation, cœur du livre. Mais partons du 1er chapitre, dans lequel l’auteur nous fournit sa définition de la thérapie familiale psychanalytique (TFP): «La TFP – nous dit-elle – est une méthode thérapeutique qui s’appuie sur une prise en charge groupale des symptômes d’un individu – on pourrait ajouter d’un ou plusieurs individus – comme expression d’une souffrance familiale – donc groupale – à traiter comme telle» (p. 21). C’est ici que l’auteur nous introduit aux présupposés historiques et théoriques de son approche d’écoute de la souffrance familiale. Dans le deuxième chapitre, c’est à proprement parler la filiation qui est au premier plan; la filiation dans ses rapports avec l’affiliation, dans ses composantes, notamment les organisateurs – les complexes, les imagos, les organisateurs culturels, mais aussi politiques – que l’auteur illustre de façon très pertinente et approfondie, particulièrement avec la référence à la question du fraternel. Une question très significative émerge du troisième chapitre, celle de la transmission, étroitement, voire indissolublement, liée à celle de la temporalité – ou plutôt des temporalités – qui caractérise(nt) l’espace psychique familial. Les quatrième et cinquième chapitres portent sur les blessures de la filiation, avec une attention particulière à des formes de souffrance qui peuvent caractériser les liens familiaux: il s’agira des pathologies du rythme, des nouvelles familles, des familles reconstituées, ou bien de mythes, de croyances, de fétiches, entre autres, sans oublier la notion proposée de “transmission somato-rythmique-imagoïque”. Le sixième chapitre est dédié aux secrets et à leur trame, en partant des études de Abraham et Torok. Question passionnante traversée par celle des espaces psychiques, de la négativité – dans toutes les formes – mais aussi question qui intéresse les traumatismes génocidaires, avec leur retombée sur le transgénérationnel et avec l’introduction de la notion de “parentalité morte”. À partir du septième chapitre, Rosa Jaitin traite des aspects plus techniques, en partant du dispositif et du cadre de la TFP. Elle nous rappelle les fonctions du cadre – contenante, limitante, symboligène et transitionnelle – aussi bien que les caractéristiques du dispositif: «la présence face à face et simultanée de différentes générations; la disposition dans un espace des différents membres de la famille…; la position d’écoute de l’analyste» (p. 164) ou des analystes, l’importance accordée à l’interdiscursivité familiale, c’est-à-dire à la chaîne associative familiale qui se déploie en séance. Une attention particulière est portée aux mouvements transférentiels, contre-transférentiels et inter-transférentiels – au champ transférocontre-intertransférentiel, dit Rosa Jaitin. Les huitième et neuvième chapitres nous permettent d’approcher la question des médiations culturelles, objet spécifique de ce numéro de notre Revue. Nous sommes ici confrontés à différentes formes de médiations thérapeutiques: animaux, jeux, dessins, arbre généalogique, plan de la maison. Majeure sera ici la référence aux notions winnicottiennes d’aire intermédiaire, de jeu, d’espace transitionnel, mais aussi d’utilisation de l’objet. Enfin, le dixième et dernier chapitre du livre, comme le dit son titre, est consacré aux nouvelles perspectives des liens de filiation. C’est l’ouverture du chantier à des recherches futures, à d’ultérieures explorations des émergences de l’impensable familial dans le cadre de la TFP. De ce livre, j’ai particulièrement apprécié l’accompagnement de chaque chapitre par des illustrations cliniques, aussi bien que par un “vocabulaire à retenir”, c’està-dire une sorte de dictionnaire théorico-clinique des concepts les plus significatifs soulignés et approfondis. Un outil important autant pour les étudiants découvrant la matière, que pour les professionnels engagés dans le domaine. Pour terminer, je voudrais reprendre les mots de René Kaës dans sa préface, lorsqu’il dit que ce livre est également une sorte de: «transmission par l’écriture de l’expérience psychanalytique» (p. 9). Moi aussi, je pense que ce livre nous bien montre la façon dont Rosa Jaitin pense la réalité psychique inconsciente du groupe familial, aussi bien que sa technique, c’est-à-dire notamment l’attention qu’elle porte, dans les différents dispositifs d’écoute, aux mouvements transférentiels, contre-transférentiels et inter-transférentiels. [1] Psychologue, psychanalyste SPI-IPA, psychothérapeute familial psychanalytique AIPCF-EFPP, Professeur Associé de Psychologie dynamique à l’Université de Naples Federico II. Rosa Jaitin, Écouter la filiation. Clinique et technique en thérapie familiale psychanalytique. Lyon, Chronique sociale, 2021. Note de lecture par Massimiliano Sommantico[1] Ce dernier livre de Rosa Jaitin nous offre tout d’abord l’opportunité de réfléchir encore une fois, prenant appui sur les approfondissements théoriques aussi bien que cliniques proposées par l’auteur, sur ce qu’on peut entendre par écoute du groupe familial en souffrance, mais aussi sur les méthodes utilisées par l’analyste familial pour cette écoute. Comme on peut le noter à la lecture de ce livre si riche, les références de Rosa Jaitin sont surtout liées à ses racines culturelles, mais pas seulement: l’Argentine, notamment la pensée de Pichon-Rivière, de Janine Puget et d’Isidore Berenstein, et la France, entre autres la pensée de René Kaës et celle d’André Ruffiot. Ces références majeures traversent tout le livre, aussi bien que la réflexion de l’auteur. Groupe interne, lien, alliance inconsciente, transmission, appareil psychique familial, sont les notions principales utilisées par l’auteur pour sa lecture, ou plutôt son écoute des processus de la filiation, cœur du livre. Mais partons du 1er chapitre, dans lequel l’auteur nous fournit sa définition de la thérapie familiale psychanalytique (TFP): «La TFP – nous dit-elle – est une méthode thérapeutique qui s’appuie sur une prise en charge groupale des symptômes d’un individu – on pourrait ajouter d’un ou plusieurs individus – comme expression d’une souffrance familiale – donc groupale – à traiter comme telle» (p. 21). C’est ici que l’auteur nous introduit aux présupposés historiques et théoriques de son approche d’écoute de la souffrance familiale. Dans le deuxième chapitre, c’est à proprement parler la filiation qui est au premier plan; la filiation dans ses rapports avec l’affiliation, dans ses composantes, notamment les organisateurs – les complexes, les imagos, les organisateurs culturels, mais aussi politiques – que l’auteur illustre de façon très pertinente et approfondie, particulièrement avec la référence à la question du fraternel. Une question très significative émerge du troisième chapitre, celle de la transmission, étroitement, voire indissolublement, liée à celle de la temporalité – ou plutôt des temporalités – qui caractérise(nt) l’espace psychique familial. Les quatrième et cinquième chapitres portent sur les blessures de la filiation, avec une attention particulière à des formes de souffrance qui peuvent caractériser les liens familiaux: il s’agira des pathologies du rythme, des nouvelles familles, des familles reconstituées, ou bien de mythes, de croyances, de fétiches, entre autres, sans oublier la notion proposée de “transmission somato-rythmique-imagoïque”. Le sixième chapitre est dédié aux secrets et à leur trame, en partant des études de Abraham et Torok. Question passionnante traversée par celle des espaces psychiques, de la négativité – dans toutes les formes – mais aussi question qui intéresse les traumatismes génocidaires, avec leur retombée sur le transgénérationnel et avec l’introduction de la notion de “parentalité morte”. À partir du septième chapitre, Rosa Jaitin traite des aspects plus techniques, en partant du dispositif et du cadre de la TFP. Elle nous rappelle les fonctions du cadre – contenante, limitante, symboligène et transitionnelle – aussi bien que les caractéristiques du dispositif: «la présence face à face et simultanée de différentes générations; la disposition dans un espace des différents membres de la famille…; la position d’écoute de l’analyste» (p. 164) ou des analystes, l’importance accordée à l’interdiscursivité familiale, c’est-à-dire à la chaîne associative familiale qui se déploie en séance. Une attention particulière est portée aux mouvements transférentiels, contre-transférentiels et inter-transférentiels – au champ transférocontre-intertransférentiel, dit Rosa Jaitin. Les huitième et neuvième chapitres nous permettent d’approcher la question des médiations culturelles, objet spécifique de ce numéro de notre Revue. Nous sommes ici confrontés à différentes formes de médiations thérapeutiques: animaux, jeux, dessins, arbre généalogique, plan de la maison. Majeure sera ici la référence aux notions winnicottiennes d’aire intermédiaire, de jeu, d’espace transitionnel, mais aussi d’utilisation de l’objet. Enfin, le dixième et dernier chapitre du livre, comme le dit son titre, est consacré aux nouvelles perspectives des liens de filiation. C’est l’ouverture du chantier à des recherches futures, à d’ultérieures explorations des émergences de l’impensable familial dans le cadre de la TFP. De ce livre, j’ai particulièrement apprécié l’accompagnement de chaque chapitre par des illustrations cliniques, aussi bien que par un “vocabulaire à retenir”, c’està-dire une sorte de dictionnaire théorico-clinique des concepts les plus significatifs soulignés et approfondis. Un outil important autant pour les étudiants découvrant la matière, que pour les professionnels engagés dans le domaine. Pour terminer, je voudrais reprendre les mots de René Kaës dans sa préface, lorsqu’il dit que ce livre est également une sorte de: «transmission par l’écriture de l’expérience psychanalytique» (p. 9). Moi aussi, je pense que ce livre nous bien montre la façon dont Rosa Jaitin pense la réalité psychique inconsciente du groupe familial, aussi bien que sa technique, c’est-à-dire notamment l’attention qu’elle porte, dans les différents dispositifs d’écoute, aux mouvements transférentiels, contre-transférentiels et inter-transférentiels. [1] Psychologue, psychanalyste SPI-IPA, psychothérapeute familial psychanalytique AIPCF-EFPP, Professeur Associé de Psychologie dynamique à l’Université de Naples Federico II.RESEÑA DE LIBRO
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