REVISTA N° 25 | AÑO 2021 / 2
Resumen
El tiempo de las sesiones
Freud había fijado el tiempo de las sesiones de análisis en 45 minutos. También había fijado 5 o 6 sesiones semanales, lo que le llevó a hablar de la «cascara del lunes». Hoy en día el IPA requiere 4 sesiones por semana para la cura clasica. Las psicoterapias psicoanalíticas para adultos o niños se practican más a menudo con una o dos sesiones por semana. Muchos terapeutas de pareja y familiares ofrecen una sesión cada quince días o incluso una vez al mes. La cuestión de la duración y el ritmo de las sesiones ha sido relativamente poco estudiada en nuestro campo. A menudo se evita la cuestión o se reduce a aspectos estrictamente organizativos. Los elementos de la realidad – que existen, por supuesto – no deben ocultar las verdaderas cuestiones técnicas y clínicas. En particular, esto plantea la cuestión del tiempo y la temporalidad, así como la cuestión de la elaboración y la perlaboración en el proceso terapéutico.
Palabras clave: las sesiones, encuadre, la frecuencia, duración, temporalidad.
Résumé
Le temps des séances
Freud avait fixé le temps des séances d’analyse à 45 minutes. Il avait fixé également 5 ou 6 séances hebdomadaires, ce qui l’amenait à parler de la “carapace du lundi“.
Aujourd’hui l’IPA demande pour la cure-type 4 séances par semaine. Des psychothérapies psychanalytiques d’adultes ou d’enfants se pratiquent le plus souvent avec une ou deux séances par semaine. De nombreux thérapeutes de couple et de famille proposent, quant à eux, une séance tous les 15 jours, voire une fois par mois.
Cette question de la durée et du rythme des séances a été relativement peu étudiée dans notre domaine. Elle est souvent évitée ou rabattue sur des aspects strictement organisationnels. Les éléments de réalité – qui existent, bien entendu – ne doivent pas occulter de véritables questions techniques et cliniques. Cela interroge notamment la question du temps et de la temporalité, tout comme la question de l’élaboration et de la perlaboration dans le processus thérapeutique.
Mots-clés: séances, cadre, temporalité, durée, fréquence.
Summary
The time of session
Freud had set the time for the analysis sessions to 45 minutes. He had also scheduled 5 or 6 weekly sessions, which led him to talk about the “Monday carapace”. Today the IPA asks 4 sessions a week for the cure-type. Psychoanalytic psychotherapies for adults or children are most often practiced with one or two sessions per week. Many couples and family therapists offer a session every 15 days, or even once a month. This issue of the sessions’ duration and frequency has been relatively little studied in our field. The question is often avoided or brought down to strictly organizational aspects. The elements of reality – which of course exist – must not obscure real technical and clinical issues. This raises the question of time and temporality as well as the question of elaboration and perlaboration in the therapeutic process.
Keywords: frame sessions, temporality, duration, frequency.
ARTÍCULO
«Je consacre à chacun de mes patients une séance quotidienne, les dimanches et jours de fêtes légales exceptées, c’est-à-dire environ six séances par semaine […] Lorsque les séances sont trop espacées, on court le risque […] de voir l’analyse perdre son contact avec la réalité et s’engager dans des voies latérales » (Freud, 1912, p. 85-86).
Pour parler de la reprise de l’analyse en début de semaine, Freud évoquait la carapace du lundi. Cela pose d’emblée la question d’un travail psychique qui peut être altéré et d’une nouvelle fermeture des matériaux inconscients émergeants.
Se référer à la technique psychanalytique de Freud dans un texte de 1913 pose d’emblée deux questions :
– Même en individuel, la pratique psychanalytique a évolué en interrogeant la question du cadre d’une part, et du contre-transfert d’autre part.
Si la thérapie familiale, tout comme l’analyse de groupe, pense d’autres lieux de l’Inconscient que la dimension intrapsychique découverte par Freud à travers l’Inconscient dynamique, jusqu’où et comment les thérapies psychanalytiques de couple et de famille peuvent-elles se référer à la cure-type ?
La question n’est pas nouvelle : doit-on parler de psychothérapie familiale ou de psychanalyse familiale ? Je ne reprendrai pas ici ce débat mais souhaite simplement souligner l’importance du cadre et du dispositif psychanalytiques permettant l’accès aux matériaux inconscients.
Les débats dans nos travaux portent le plus souvent sur des aspects métapsychologiques et cliniques en sous estimant la dimension technique. Pourtant, c’est un aspect fondamental, trop souvent négligé, qui vient faire écho aux méthodes de travail pouvant ainsi soutenir des débats épistémologiques au sein d’une association internationale comme la nôtre.
Force est de constater que la question de la fréquence et de la durée des séances n’a quasiment pas été étudiée dans notre champ. Dans les changements que nous vivons aujourd’hui, le maître mot est celui de l’adaptation. Nous en avons eu un exemple avec le coronavirus et la façon dont les analystes se sont adaptés à la situation.
L’adaptation peut parfois dériver dans un positionnement visant à éviter toute manifestation d’un transfert négatif potentiel. Et de cette adaptation à la séduction, il n’y a qu’un pas.
Je commencerai par poser les choses de façon un peu provocante: “Pourquoi des familles en thérapie ne viendraient-elles pas trois fois par semaine?” La seule réponse à cette question est toujours la même: “Ce n’est pas possible, les uns et les autres sont trop pris par leurs activités”. Bien sûr, la réalité existe, mais d’un point de vue psychanalytique, ce n’est pas une réponse.
Ce texte a plus pour ambition de poser des questions que d’y répondre. Je vais tenter de rester sur le terrain des processus psychiques et non sur celui de la réalité externe.
La fréquence des séances en analyse
Comme évoqué plus haut, et en postulant la cure-type comme point de référence, je commencerai par m’appuyer sur les débats entre psychanalystes.
Je laisserai de côté la durée des séances, même si c’est pourtant un point emblématique et conflictuel. Nous connaissons l’histoire de la rupture avec Lacan et toutes les controverses encore actives à ce jour. La durée fixe des séances pouvant être entendue du côté d’un repli de l’analyste derrière une position maternelle, la scansion pouvant être, elle, considérée comme un faux tiers paternel évitant le travail de contre-transfert.
Mais je voudrais d’ores et déjà poser un élément qui me paraît essentiel: que ce soit en termes de durée ou de fréquence des séances, il est difficile d’éviter des positionnements idéologiques qui conduisent à des directives péremptoires soutenues par le “narcissisme des petites différences”. La façon de pratiquer de l’autre remet nécessairement en question la sienne: la résistance est toujours chez l’autre.
Nous savons à quel point toute discussion soi-disant rationnelle peut recouvrir des dimensions affectives, elles-mêmes prises dans des sentiments d’appartenance. “Je pratique de telle ou telle façon parce que mon analyste faisait ainsi” ; “je pratique de telle ou telle façon parce que, dans MA société analytique, on pratique de telle ou telle façon”. J’ai ainsi en tête une collègue qui parlait d’un patient de cette façon: “Je lui ai proposé trois séances par semaine; il n’a pas voulu; il n’est pas prêt pour un travail sur lui-même”. Le cadre et le dispositif sont des attracteurs d’idéologie. Cette même idéologie s’appuie sur un idéal du Moi psychanalytique sous-tendu par un idéal de guérison. Par exemple, on pourrait vouloir “donner” plus de séances, comme si l’on voulait nourrir davantage le patient.
Le cadre que nous posons est indissociable de notre cadre interne qui, lui-même, s’appuie sur notre histoire et, encore une fois, nos appartenances.
Cet avertissement, je me l’adresse à moi-même, et il est bien entendu inutile, et sans doute impossible, de déterminer un dispositif unique pour tous et en tous lieux. Cela ne doit pas nous dispenser de nous interroger en évitant les truismes comme “chaque patient, chaque analyste, est différent”.
Comme nous le savons, l’IPA propose quatre séances par semaine. En France, la SPP pense l’analyse possible à trois séances. Bien entendu, on peut penser au décalage entre la fixation intemporelle du patient à son symptôme, d’une part, et au temps chronologique, réel, du dispositif analytique, d’autre part. Mais, par rapport à la fréquence des séances, je souscris à ce qu’en dit Michèle Perron-Borelli (1997, p. 1750): «On ne peut concevoir aucun processus analytique qui ne prenne en compte la succession et l’enchaînement des séances. Nous savons bien toute l’importance de ce qui se passe, se prépare, se refoule ou s’élabore, dans l’intervalle de temps qui sépare deux séances». Cela ramène à la question de la perlaboration. Est-ce que les séances trop rapprochées empêcheraient l’appropriation du processus par le patient ou, au contraire, le soutiendraient? C’est, bien entendu, un point essentiel qui pose la question des capacités de représentation. En anticipant sur la thérapie familiale, nous pourrions nous demander ainsi si une chaise vide représente véritablement un membre absent dans une famille psychotique où font défaut les capacités de symbolisation. Là encore je m’appuierai sur Michèle Perron-Borelli qui dit: «La présence réelle de l’analyste est bien ce qui tout à la fois induit la plus grande charge économique d’activation pulsionnelle du transfert et permet, par la médiation actuelle de la parole, une interaction psychique effective entre l’analysant et l’analyste. La notion d’actualisation prend ici, dans ce temps de présence-absence, toute sa valeur et toute sa force efficiente» (1997, p. 1752).
Pour nous, groupalistes, cela renvoie aux effets de présence d’Ophélia Avron et de la tension énergétique favorable à l’ouverture de la psyché.
La fréquence des séances en thérapie familiale psychanalytique
L’évocation d’Ophélia Avron permet de faire le pont avec l’approche psychanalytique des groupes et des familles. Bien souvent, nous nous situons dans des réflexions topiques ou dynamiques. Dans ces deux cas, la contenance va être convoquée mais dans une perspective statique. Or la dimension économique est tout à fait essentielle. Dans des configurations traumatiques, la “sauvagerie pulsionnelle“ ne peut être en quête de contenant qu’après avoir trouvé une butée, un pare-excitation. Les travaux de Bleger, mais aussi de Winnicott, soulignent les fonctions essentielles du cadre. Je pense que nous pouvons y inclure les rencontres réelles avec le ou les analystes. Je rappelle que l’indication princeps des thérapies familiales psychanalytiques concerne les familles dites psychotiques. La discontinuité est à l’œuvre et les processus d’introjection très difficiles, voire impossibles.
La séance est une expérience où – comme le disait Bion – il y a un échange avec un homme ordinaire dans une situation extraordinaire. Pourtant, le processus analytique ne se limite pas aux séances. Même si elles en constituent l’axe central, et que la parole de l’analyste est censée faire œuvre de vérité, le travail psychique s’effectue aussi ailleurs. Mais, pour cela, il doit constamment se confronter à un tiers, en l’occurrence l’analyste.
J’évoquais, plus haut, la référence à un modèle, à savoir celui de la cure-type. Lorsque les thérapies familiales psychanalytiques sont apparues, elles se sont elles-mêmes référées au modèle de l’analyse de groupe. Ainsi, Ruffiot évoquait une cure de parole, sous-estimant alors toutes les expressions non verbales. Mais surtout, dans la consigne, il était demandé – comme pour les groupes – que toutes les communications en dehors du temps de séance soient rapportées.
Or il est tout à fait clair que les couples et les familles vont échanger entre eux “en privé” sur le contenu des séances. Au fond, le contenu lui-même importe peu. L’important est l’espace qui se crée, fût-il très conflictuel. Cela favorise un déplacement qui permettra, par la suite, un dégagement sur une autre scène. Les couples et les familles nous font souvent part de crises survenues à la maison entre les séances. Celles-ci constituent, bien souvent, des décharges avant de se construire en messages. Le sens qu’elles peuvent prendre ne se révèle que dans l’actualité du transfert. Le lieu de l’analyse est le lieu de dépôt où, très progressivement, les disputes, voire les rages, vont se transformer en conflictualité psychique.
Alors, quelle fréquence ?
J’avais écrit que j’apporterais plus de questions que de réponses. De façon empirique, et en m’appuyant sur une pratique clinique qui commence à être assez longue, je vois mal comment parler d’un travail psychique avec un couple ou une famille à moins d’une fois tous les quinze jours au minimum. C’était, d’ailleurs, ce que pouvait préconiser André Ruffiot, puis d’autres auteurs comme Alberto Eiguer. Personnellement, une fréquence hebdomadaire me semble souhaitable. Avec des séances espacées, les patients commencent par un bulletin d’information. Ils racontent, mais de façon factuelle, et non dans un processus de narrativité.
Notons qu’il convient de distinguer les psychothérapies en libéral et en institution. Dans ce dernier cas, l’institution – éventuellement via un consultant – assure une continuité et une contenance. L’intimité du libéral suscite un investissement où les “effets de présence” sont encore plus prégnants.
Le travail de perlaboration entre les séances nécessite une forme de “vérification” que ce qui est déposé n’est pas perdu.
Lorsqu’il m’arrive de recevoir une famille dont des membres habitent à l’étranger, et que je ne peux voir qu’une fois par mois, voire encore moins, je pense qu’il est plus pertinent de parler d’entretiens familiaux. Là encore, précisons bien les choses. Il n’y a pas un dispositif meilleur qu’un autre; tout dépend, bien entendu, de la souffrance psychique du groupe et de la façon dont nous imaginons pouvoir l’aider au mieux.
Des entretiens ou des consultations avec une forme d’étayage du fonctionnement mental qui permettent de favoriser un meilleur espace du préconscient sont tout à fait utiles. Si nous avons pour ambition des changements structurels du groupe, c’est-àdire d’accueillir une confusion et une indifférenciation pour favoriser, par la suite, la subjectivation, nous avons besoin de rencontres fréquentes avec les patients pour tisser, par l’expérience de la séance, une nouvelle enveloppe psychique. C’est un rythme régulier et suffisamment fréquent qui va permettre une véritable introjection du processus.
C’est ainsi qu’un couple, après un assez long travail, pouvait me dire en plaisantant:
“Maintenant, on va faire du Robert à la maison”.
Conclusion
Il est question ici des avancées en thérapies de couple et de famille. Je pense que, pour avancer, il faut s’appuyer sur des bases solides. La question qui reste valable aujourd’hui est celle de continuer de penser un cadre le plus adapté possible au travail psychique; je note que cette question de la fréquence des séances n’a, à ma connaissance, quasiment été jamais abordée. J’insiste pour réfléchir et travailler davantage sur les aspects techniques au niveau de leurs aménagements mais aussi de leurs invariants.
Bibliographie
Avron, O. (2007). L’émotionnalité rythmique et ses dysfonctionnements. In É. Lecourt (sous la dir. de), Modernité du groupe dans la clinique psychanalytique (pp. 261-279). Toulouse: Érès.
Bion, W. (1962). Aux sources de l’expérience. Paris: Presses universitaires de France, 1979.
Bleger, J. (1979). Psychanalyse du cadre psychanalytique. In R. Kaës, A. Missenard, R. Kaspi et al., Crise, rupture et dépassement (pp. 257-275). Paris: Dunod, 2013. Eiguer, A. (1983). Un divan pour la famille. Paris : Le Centurion.
Freud, S. (1913). Le début du traitement. In La technique psychanalytique, pp. 80104. Paris: PUF, 1981.
Perron-Borelli, M. (1997). Actualisation du passé, virtualité de l’avenir, RFP, 61 5, 1749-1756.
Ruffiot, A. and all. (1990). Le groupe-famille en analyse. L’appareil psychique familial, in La thérapie familiale psychanalytique, Paris : Dunod.
Winnicott, D.W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. In De la pédiatrie à la psychanalyse, pp. 285-291. Paris: Payot, 1969.