REVIEW N° 11 | YEAR 2012 / 1
Summary
We had a dream of a child: the psychoanalytic therapy
As a mythopoietic setting for couples vith genetic problems
Nowadays, with the development of new technologies and knowledge in prenatal medical care, it is possible for a couple to make informed choices about pregnancy. When there is a hereditary disease in the family, for instance, it is possible to know the risk of transmitting the familial disease and to choose, before the conception, to have or not, a child. Or, during pregnancy, the couple can do a genetic testing to know about the health condition of their fetus. In the Genetics department of a central hospital, the authors assist some of these situations that have a great impact on the couple’s homeostasis. For this presentation, it will be discuss a clinical case of a couple that had a 50% risk of having a child with dwarfism, since the woman was dwarf herself. This dwarfism was transmitted by her dwarf father. Despite the risk of repetition, this couple decided to have their own child and not to have the prenatal diagnosis of the foetus. This type of dwarfism is not physically evident at birth and can only be expressed during childhood. When they finally decided to have the genetic testing to their 2-year old son, they were facing a couple crises and asked for psychotherapy. During the therapy, it was possible to identify social and transgenerational myths within the couple. We will notice how the woman’s family had organized narcissistic bonds to protect themselves from the rest of the community. According to the psychoanalytic approach, the authors will put to show the importance of the analysis of the transfer, counter-transfer and inter-transfer, as a privileged work, where the myths of this couple have resonated. As Eiguer (1) remind us the analysis of the counter and inter-transfer is as a “cornerstone” in the healing of the family.
Keywords: hereditary illness, dwarfism, organization of narcissistic links, transference, countertransference, intertransference.
Résumé
Nous avons revé un enfant : la thérapie psychanalitique comme un setting mythopoietique pour les couples avec une maladie génétique
Actuellement, avec le développement des nouvelles techniques et des nouvelles connaissances dans le domaine du Diagnostic Prénatal, il est devenu possible pour un couple de prendre des décisions informées à propos d´une grossesse. Quand il existe une maladie héréditaire dans la famille, par exemple, il est possible de déterminer le risque de transmission de la maladie et d´opter, avant la conception, d´avoir ou non des enfants. Ou alors, pendant la grossesse, le couple peut faire un test génétique pour savoir si le fœtus aura ou non la maladie. Dans le service de Génétique d´un hôpital central, nous assistons à des situations comme celle-ci, qui ont un grand impact dans l´équilibre homéostatique du couple. Dans cette présentation, on discutera un cas clinique d´un couple qui a 50% de risque d´avoir un enfant nain, parce que la femme est ellemême naine. Le nanisme avait été transmis par le père. Malgré le risque de répétition de la maladie, ce couple a décidé d´avoir un enfant, ayant donc opté de ne pas faire le diagnostic prénatal du fœtus. Ce type de nanisme ne se détecte pas à la naissance et n´est visible qu´après une période et aussi pendant l´enfance. Quand le couple a finalement décidé de faire un test génétique au fils âgé de 2 ans, ils traversaient une crise conjugale et ont donc demandé une thérapie. Pendant la thérapie, il a été possible d´identifier des mythes sociaux et transgénérationnels. Nous allons observer comment la famille de la femme a organisé des liens narcissiques pour se protéger du reste de la communauté. Suivant un abordage psychanalytique, nous allons mettre en évidence l´importance des analyses de la transférence, de la contretransférence et de l´intertransférence, comme un travail privilégié, où les mythes du couple résonnent. Comme nous l´a rappelé Eiguer (1), l´analyse de la contretransférence et de l´intertransférence sont la «pièce maîtresse» dans le traitement de la famille.
Mots-clés : maladie héréditaire, nanisme, organisation des liens narcissiques, transfert, contretransfert, intertransfert.
Resumen
Hemos soñado un niño. La terapia psicoanalítica como un setting mitopoiético para las parejas con una enfermedad genética
Actualmente, con el desarrollo de nuevas técnicas y de nuevos conocimientos en el terreno del Diagnostico prenatal, se ha vuelto posible para una pareja tomar decisiones informadas en lo que concierne el embarazo. Cuando existe una enfermedad hereditaria en la familia, por ejemplo, es posible determinar el riesgo de transmisión de la enfermedad y de optar, antes de la concepción, de tener o no hijos. O entonces, durante el embarazo, la pareja puede hacer un test genético para saber si el feto tendrá o no la enfermedad. En el servicio de Genética de un hospital central, asistimos a situaciones como esta, que tienen un gran impacto en el equilibrio hemostático de la pareja. En esta presentación, discutiremos un caso clínico de una pareja que tiene 50% de riesgo de tener un niño enano, porque la mujer es ella misma enana. El enanismo fue transmitido por el padre. A pesar del riesgo de repetición de la enfermedad, la pareja decidió tener un hijo, optando, pues, por no hacer el diagnostico prenatal del feto. Este tipo de enanismo no se detecta en el momento del nacimiento y no se ve sino después de un cierto periodo y también durante la infancia. Cuando la pareja decidió finalmente hacer un test genético al niño de 2 anos, atravesaban una crisis conyugal y pidieron una terapia. Durante la terapia fue posible identificar los mitos sociales y transgeneracionales. Observaremos como la familia de la mujer organizo los vínculos narcisistas para protegerse del resto de la comunidad. Siguiendo un enfoque psicoanalítico pondremos en evidencia la importancia del análisis de la transferencia, de la contratransferencia y de la intertransferencia, como trabajo privilegiado, donde los mitos de la pareja resuenan.
Como Eiguer nos lo recuerda, el análisis de la contratransferencia y de la intertransferencia son la pieza clave en el tratamiento de la familia.
Palabras claves: enfermedad hereditaria, enanismo, organización de los vinculos narcisistas, transferencia, contratransferencia, intertransferencia.
ARTICLE
Nous avons revé un enfant : la therapie psychanalitique comme un setting mythopoietique pour les couples avec une maladie génétique
ALEXANDRA SÁ, CARINA BRITO DA MANA
Introduction
Avec la révolution des techniques de Diagnostic prénatal, aujourd´hui il est devenu possible que les couples connaissent l´état de santé de leurs bébés, encore en phase de gestation. Si un couple a, par exemple, une maladie génétique diagnostiquée dans la famille, l´équipe médicale peut leur offrir la possibilité de réaliser un test génétique et de faire le diagnostic du fœtus. Si cette maladie est grave, et au cas où l´on confirmerait que le fœtus est affecté, par exemple, le couple peut alors choisir de continuer ou d´interrompre la grossesse jusqu´à un temps déterminé de gestation, qui dépendra de la loi de chaque pays.
Sans entrer en considérations sur les concepts génétiques, nous voudrions seulement rappeler qu´il existe des maladies héréditaires dont le risque de transmission est extrêmement élevé. Quand la transmission est du type autosomique dominant, le risque qu´un enfant d´un progéniteur malade soit affecté par la même maladie atteint-les 50%. Cela signifie qu´un couple qui pense avoir des enfants, doit se confronter à un jeu du type «pile ou face » à chaque fois que la femme essaiera de tomber enceinte. On comprendra donc que ces nouvelles techniques lancent un défi aux couples du XXIème (vingt et unième) siècle qui sont en risque de transmission d´une maladie génétique, car maintenant ils peuvent prendre des décisions sur leur descendance et sur la famille qu´ils veulent constituer.
Pour comprendre la décision ou l´indécision de ces couples d´avoir ou non un enfant, nous devons essayer de répondre à la question : que signifie pour le couple ou les familles respectives, interrompre ou continuer la transmission de la maladie sur la génération suivante ? Pour réfléchir sur ces questions, nous aimerions partager avec vous un cas clinique suivi en co-thérapie dans le Département de Génétique.
Cas clinique
Ana et Paulo, âgés de 36 ans, anthropologues, sont mariés depuis 6 ans. Ana est naine, elle mesure 1m31. Elle est blonde aux yeux bleus et est très féminine. Paulo est grand, il mesure près de 2 m, et est un peu dégingandé. Le couple a un fils, Mateus, âgé de 2 ans. Ana a une pseudoacondoplasie héréditaire qui lui a été transmise par son père, premier cas de nanisme dans la famille. Le risque qu´ Ana ait transmis la maladie à son fils est de 50%. Avant de tomber enceinte, le couple connaissait déjà ce risque et la décision d´avoir un enfant a été pondérée pendant plusieurs années. Le couple savait que la maladie pouvait être diagnostiquée pendant la phase fœtale à travers un test génétique. Cependant, le couple avait décidé de ne pas le faire. Comme cette maladie ne se manifeste pas dans la première enfance, le couple continuait à se demander si leur fils aurait ou non hérité du nanisme. La demande de thérapie a surgi au moment où ils ont décidé de faire le test génétique à Mateus.
La mutation ou maladie génétique, « cet » inconnu : dans le self, dans le couple et dans la famille
Jon Weil (2000), psychologue américain qui travaille et écrit sur les aspects psychosociaux dans le conseil génétique aux couples, rappelle que chaque élément du couple apporte avec lui pour la relation : modèles relationnels et expectatives acquises dans l´enfance ; normes sociales, culturelles, religieuses et expectatives sur la sexualité, la reproduction, les relations sociales et le mariage, mais aussi des déficits émotionnels, des traumas, et l´espoir de les compenser dans la relation avec l´autre. Dans ce sens, sera-t-il possible que l´adulte malade compense ses traumas et déficits, ses limitations et ses symptômes à travers une relation de couple?
Dans l´appui psychothérapeutique que nous avons réalisé chez les couples, il nous a paru que le lien du couple est une opportunité de cela-
même. Rappelons ce que nous dit Eiguer (2012), que dans la construction d´un lien intersubjectif, les éléments d´un couple connaissent le passé et le présent, les désirs et les aspirations, mais aussi les difficultés et les besoins de chacun. C´est cette connaissance mutuelle qui légitime l´union. De fait, connaître l´autre, quand celui-ci est malade, passe par connaître sa maladie, sa condition physique et psychique. Nous nous référons au principe Reconnaissance Mutuelle (Eiguer2012) et de l´état psychique de l´autre et de sa différence. Ainsi, à mesure que la maladie est connue par le conjoint, celui-ci prend pour lui la souffrance et le destin du partenaire malade, dans une attitude de
Responsabilité (Eiguer2012).
Nous croyons que, en construisant un lien intersubjectif de couple, le malade se sent accepté comme il est, se construisant dans une nouvelle identité de « nous-couple ». N´oublions pas que, dans d´autre choses, l´adulte qui est sain aussi, se compensera.
Cas Clinique
Nous avons dit ci-avant que le couple avait décidé de ne pas faire le test génétique au fœtus. Dans les séances, les raisons de cette décision sont apparues. D´un côté, Ana et Paulo avaient en commun le principe de la défense de la vie, étant donc contre l´avortement en général. D´un autre côté, Paulo expliquait comment pour lui la société était trop inflexible et résistante à la déficience. Il défendait que la «normalité » était seulement un concept, un mythe social. Nous croyons que cette position de Paulo dans l´acceptation de la maladie comme une différence, plus que comme une déficience, servait de défense à Ana, sachant, lui, qu´elle se sentirait toujours différente. D´ailleurs, il a même dit que l´interruption de la grossesse, au cas où l´enfant aurait été malade, serait pour lui un rejet d´ Ana. Au cours de la thérapie, Paulo a toujours utilisé l´expression «condition » pour se référer à la maladie de sa femme. En même temps, nous nous sommes rendu compte que Paulo lui-même avait toujours vécu assez exclu des groupes sociaux, même de sa famille. Ayant toujours été un enfant et un adolescent plus à l´écart, lui-même avait vécu dans une quasi nonexistence. En rencontrant Ana et sa famille, il appartiendrait finalement à un groupe social.
La clinique nous a montré que beaucoup de malades en génétique peuvent avoir vécu depuis toujours avec un sentiment d´ « être différents », de rejet et de « non appartenance » aux groupes sociaux. Les malades qui ont, par exemple, des altérations physiques provoquent la curiosité et le sentiment d´étrangeté chez l´autre. Si la maladie est chronique, alors le malade peut avoir vécu un long passé de consultations médicales et avoir été sujet à de nombreux processus invasifs et douloureux. Cette maladie peut être sentie comme menaçante aussi par le fait qu´on méconnaisse son évolution future, créant chez le malade et dans sa famille beaucoup de fantaisies effrayantes. Face à l´angoisse de la mort, à la rage d´être différent et à la fragilité corporelle de l´auto-image, nous ne nous étonnons pas de défenses narcissiques de ces malades. Si nous pensons que ces maladies sont héréditaires, alors le sentiment de non-appartenance peut être transversal aux générations. Cette plus grande fragilité de la famille pourra la mener à établir des liens narcissiques aussi entre ses éléments, comme forme de protection face à la communauté.
Cas Clinique
Nous ne vous avons pas encore parlé de la communication entre Ana et Paulo. Depuis la première séance, nous avons remarqué une asymétrie de pouvoir. A chaque fois que Paulo se référait à Ana, il utilisait des expressions comme « mon épouse bien-aimée » en même temps qu´il la caressait. Mais Ana se montrait fréquemment menaçante : elle s´impatiente, devient agressive, tend le doigt, ouvre grand la bouche, elle semble un animal qui menace de dévorer. Paulo devant cette expression, baisse les yeux. Souvent, nous avons l´impression d´être en train d´assister à une dramatisation, comme si nous étions au théâtre où chacun d´eux joue un rôle.
Nous entendons le rôle d´Ana comme celui de quelqu´un qui, sentant le risque d´être dévoré, dévore. Ceci nous mène à penser à la famille d´Ana qui a dû vivre avec le sentiment menaçant d´être dévorée par le groupe social.
Nous avons rêvé un enfant réparateur
Dans le service de génétique, assistant les couples en situation de risque de transmettre une maladie héréditaire, nous avons compris combien il est difficile pour un couple de prendre la décision d´avoir ou non, un enfant qui peut être malade. Peut-être une autre forme de réparation du narcissisme du malade serait qu´il rêve, d´un rêve partagé avec son partenaire, la création d´un enfant sain. Peut-être, ce rêve ne serait pas seulement de l´individu malade, peut-être le malade prétendrait-il compenser aussi le narcissisme de sa famille et donc voudrait-il réaliser un rêve, rêvé par ses ancêtres. L´enfant sain peut être le dernier espoir d´inclusion au groupe social, c´est à dire, il peut avoir une fonction réparatrice d´identité de la famille. Mes parents ont rêvé un enfant réparateur, mais comme je n´ai pas réalisé ce rôle, maintenant je peux seulement rêver un enfant sain qui répare leur narcissisme et le mien. Comme le réfèrent certains auteurs, Freud (1914/1996) et Kaës (2009), avant même qu´il soit conçu, un enfant est placé dans une position dépositaire du narcissisme parental, des rêves et des désirs non réalisés des parents et cela ne serait pas différent dans ce cas. Ceci nous remet dans le contrat narcissique de Kaës.
Cas Clinique
Quand le couple a dû choisir le nom de leur fils, ils se sont décidés pour Mateus. Ana et Paulo nous expliquaient qu´ils avaient choisi Mateus, de l´hébreu «Mattiyah » qui signifiait don de Dieu. Mateus, considéré comme l´apôtre.
Nous avons rêvé un enfant avec une nouvelle identité
Mais que pourrait représenter un enfant malade ? Est-ce que la maladie héréditaire pourra représenter la continuité d´une identité, comme un nom de famille qui traverse les générations ? Nous rappelons que les malades avec la même altération génétique ont, inclusivement, certaines caractéristiques, ou phénotype, qui les rend semblables physiquement, favorisant les ressemblances entre eux. Il ne serait pas étonnant que différents éléments de la famille, avec la même mutation, soient représentés comme identiques.
Il y a des années que l´on raconte une histoire dans le service de génétique et que nous voudrions partager avec vous. Dans l´Archipel des Açores, il existe une maladie neurologique appelée maladie Machado-Joseph, qui est sévère, progressive et handicapante. Or, cette maladie est transmisse de père en fils avec un risque de 50%. Il y a une île, l´île des Fleurs, qui est particulièrement petite et d´accès très difficile et comme le mariage entre ses habitants est très commun, la transmission de cette maladie est très élevée. Bien qu´il n´existe pas de preuve scientifique, les médecins disent que la population semble accepter la transmission de cette maladie avec sérénité, comme si la maladie était un trait commun.
Peut-être cette croyance en la maladie comme une caractéristique normale peut-elle servir à rendre plus facile l´acceptation de celle-ci ?
Cette croyance partagée entre plusieurs générations serait un mythe qui permettrait d´assurer les liens entre les habitants. A partir de cet exemple, nous pourrions penser la maladie génétique aussi comme un marqueur identitaire dans une famille. Donc, avec la mutation génétique, il peut y avoir transmission d´une maladie mais aussi la transmission d´une identité, comme s´il s´agissait d´un gène psychologique.
Une nouvelle génération, en plus d´être le prolongement ou l´extension d´une famille, est la combinaison des deux. Dans ce cas, donc, nous assistons à une famille avec une maladie génétique, avec ce marqueur identitaire, et d´une autre sans marqueur. Comment la famille saine recevra-t-elle cette maladie génétique ou marqueur identitaire ? Et quand naît un enfant avec cette maladie, est-ce que cela est ressenti comme une attaque à l´identité de la famille dite saine?
Cas clinique
La grossesse de Mateus a été vécue sans l´appui de la famille de Paulo. Le couple avait déjà imaginé qu´un enfant ne serait pas bien accepté. En effet, les parents de Paulo évitaient de parler de petits-enfants. Le couple avait déjà senti ce message de non-acceptation d´Ana de la part de la famille de Paulo car la mère de celui-ci avait refusé d´aller au mariage. Au contraire, la mère d´ Ana, bien qu´elle était assez angoissée face à la possibilité d´avoir un petit-fils nain, s´est rendue disponible pour aider sa fille pendant et après la grossesse. D´ailleurs la mère d´Ana a déménagé pour aller chez le couple pour s´occuper du bébé. C´est la mère d´ Ana qui lui a donné les soins maternels. Aujourd´hui, Mateus appelle si bien Ana que sa mère «maman ». Le couple a pris conscience, au cours du travail thérapeutique, que le fils a aussi été un présent pour la mère d´Ana qui n´a pas eu une fille saine.
Nous aimerions ajouter quelques remarques finales à propos de la contretransférence et de l´intertransférence comme directrices de notre compréhension du cas. Comme Eiguer (2009,1987) nous le rappelle, l´analyse de la contretransférence et de l´intertransférence sont une «pièce maîtresse» dans le traitement de la famille.
Contre-transférence
Dans une séance, l´une de nous a échangé plusieurs fois les noms de Paulo et de Mateus, ce qui a beaucoup irrité Ana. Dans cette séance, le couple nous racontait l´épisode suivant :
Cas clinique
Ana, Paulo, Mateus et la mère d´ Ana sont allés au supermarché. A un moment donné, Ana, en regardant les choses, et pendant un très bref instant, a été distraite et a perdu de vue Mateus, pensant qu´il avait disparu. Effrayée, Ana a couru dans les travées en appelant Mateus, sans obtenir de réponse. Quand elle l´a retrouvé, il était caché, en silence, dans une petite maison pour jouer, elle s´est mise en colère, lui a donné une fessée et l´a grondé. Ana a partagé avec nous la peur que Mateus ait été enlevé par un inconnu, mais aussi son sentiment d´impuissance envers lui qui courait beaucoup plus vite qu´elle et qu´elle ne pouvait pas le rattraper.
Cet épisode nous a rappelé le processus de séparation-individuation (Mahler, M., Pine, F. & Bergman, A. 1975/2002) de Mateus. Maintenant, à deux ans, il utilise la mobilité comme manière de gérer l´approximation versus séparation de l´Objet. Cet échange de noms de la part de la thérapeute nous a permis de penser que Paulo aussi serait en train de faire un processus d´autonomisation face à Ana au cours de la thérapie. Cette donnée serait importante pour penser avec Ana combien elle est effrayée quand l´Autre se sépare, autonomise ou est différent d´elle.
Cas clinique
Dans une séance, nous avons compris que Paulo ne s´était pas inscrit dans un cours de Maîtrise qu´il désirait faire, parce qu´Ana, qui voulait aussi le suivre, était immobilisée à ce moment-là à cause de sa grossesse. Le couple expliquait que cela n´aurait pas été juste pour Ana.
Intertransférence
A la fin d´une séance, l´une de nous commentait perplexe comment elle avait passé beaucoup de temps à admirer les bottes de l´autre cothérapeute, sans comprendre cette fixation. Elle commentait aussi combien elle aurait aimé en avoir de semblables. A ce propos, nous avons ri de la situation mais tandis que nous discutions de la séance, entre nous, il a été évident que le sentiment de jalousie entre thérapeutes reflétait peut-être une différence ressentie entre le couple dans la capacité versus incapacité de locomotion. Souvent, Ana nous a décrit ses incapacités et se mettait en colère avec Paulo parce qu´il n´utilisait pas les outils/capacités qu´il avait pour compenser ses difficultés à elle.
Cas clinique
Ana raconte comment il est impossible pour elle de faire de longues promenades à pied et fait remarquer que Paulo aime beaucoup en faire. A cela, Paulo répond, en même temps qu´il caresse son bras: «Si ma très chère bien aimée ne peut pas en faire, alors je n´ai aucun intérêt à aller me promener ». Ana a répondu agressivement : «Paulo, si, moi, je ne peux pas y aller, toi, tu dois y aller ! Tu n´as pas encore compris qu´il y a des choses que je ne peux pas faire ? » La phrase nous a paru ambivalente.
Pensées Finales
Bien que le couple ait demandé la thérapie quand ils ont décidé de faire le test de diagnostic de l´enfant, tous les deux reconnaissaient que les conflits conjugaux augmentaient depuis la naissance du bébé.
La concrétisation du désir du couple d´avoir un enfant paraissait donc être entrée en conflit avec le terrible risque d´avoir conçu un enfant malade.
Malgré le fait que le thème des disputes soit à cause de la difficulté de partager les tâches ménagères (avec Ana qui accuse et Paulo qui reconnaît son manque de responsabilité), il est devenu évident que la dispute avait à voir avec les rôles tenus par chacun d´eux. Le couple vivait dans le doute d´être capable, l´un comme l´autre, de faire en sorte que leur fils soit accepté dans les groupes sociaux : famille et communauté, au cas où il serait malade.
Si au début de la relation, Ana et Paulo paraissent avoir partagé, au niveau de la Ressemblance (Eiguer 2012), le sentiment de nonappartenance aux groupes sociaux, pour des différentes raisons, maintenant cette égalité se transformait en doute inquiétant de réussir ou non à se compenser de cette limitation et de sauvegarder le fils d´une telle exclusion.
Au niveau onirique du lien intersubjectif, comme un résultat de Echo (Eiguer 2012), le couple a espéré réaliser les désirs du Moi-Idéal, les ambitions et les projets, rêvant les rêves de l´autre : Nous avons rêvé un enfant.
Dans cette présentation, nous avons cherché à réfléchir sur la contribution de la théorie psychanalytique de couple et de famille pour la compréhension du processus inconscient des couples qui, en plein XXIème siècle, donnent continuité ou décident d´interrompre la transmission de caractéristiques de famille dans une génération suivante.
Bibliographie
Eiguer, A. (2009). “Les mythes de la famille et du thérapeute
familial et leur deconstruction” in Le Carnet Psy, 3, 134 (p.31-35).
Weil, J.(2000).Psychosocial Genetic Counselling., Oxford: University Press.
Eiguer, A. (1987). Le parenté fantasmatique. Paris: Dunod.
Eiguer, A. (2012). “Marital disagreement and struggle for recognition.” Communication personnelle au congrès de EFPP, Athènes, Mai 2012.
Freud, S. (1914/1996). “Sobre o Narcisismo: uma Introdução” in Sigmund Freud, Obras Completas. Vol. 14. Rio de Janeiro: Imago.
Kaës, R. (2009). “Les alliances structurantes primaries” in Les Alliances Inconscientes (pp. 55-76). Paris: Dunod.
Volkan, V. (2012). “Large-group trauma at the hand of the ‘Other’, transgenerational transmission and chosen traumas.” Communication personnelle au congrès d’EFPP, Athènes, Mai 2012.
Mahler, M., Pine, F. & Bergman, A. (1975/2002). O Nascimento Psicológico da Criança: Simbiose e Individuação (2ª reimpressão). São Paulo: Artes Médicas.