REVIEW N° 21 | YEAR 2019 / 2

Transgenerational trauma: a linked pathology in an obesity clinic. From encrypted narcissistic “hyper adhesive” attachment to relationships as “bodily hyperbonding” or as “hyper detachment”


Transgenerational trauma: a linked pathology in an obesity clinic. From encrypted narcissistic “hyper adhesive” attachment to relationships as “bodily hyperbonding” or as “hyper detachment”

This article suggests a particular approach to the pathological link in families that present with physical symptoms. From the analysis of a paradigmatic clinical family situation, we show the repercussions of trans- and inter-generational trauma on the formation of links; and how a member of the family group then becomes its symptom bearer through her body suffering from obesity. From these configurations intersubjective relationships develop in the form of a polarity underpinned by the oscillating movements of the link (or indeed of the “non-link) depending on the maintained presence, or disappearance, of the symptom in the body of the family.

Keywords: psychic link, trauma, body symptomatology, family.


Traumatismes générationnels, une pathologie du lien dans la clinique de l’obésité. Du lien narcissique encrypté “hyper adhésif” à des relations  en “hyper-collage corporel” ou en “hyper-décollement”

Cet article propose un angle d’approche spécifique du lien pathologique dans les familles à symptomatologie corporelle. À partir de l’analyse d’une situation clinique familiale paradigmatique, nous montrons les répercussions d’un traumatisme trans- et intergénérationnel sur la structuration des liens; et comment un membre du groupe famille va alors en devenir le porte-symptôme à travers son corps en souffrance d’obésité. De ces configurations découlent des relations intersubjectives s’inscrivant dans une forme de polarité sous-tendue par des mouvements de bascule du lien ou au contraire du non-lien selon le maintien ou la disparition du symptôme dans le corps familial.

 

Mots-clés : liens psychiques, traumatisme, symptomatologie corporelle, famille.


Traumatismos generacionales, una patología del vínculo en la clínica de la obesidad. Desde el vínculo narcisístico encriptado “hiper-adhesivo” a relaciones corporales “hiper-despegadas”.

 

Este artículo propone un enfoque específico del vínculo patológico en las familias relacionado con la sintomatología corporal. A partir del análisis de una situación clínica familiar paradigmática mostramos las repercusiones de un trauma trans e intergeneracional en la estructuración de los vínculos, y como un miembro del grupo familiar se convertirá entonces en el soporte síntoma a través de su cuerpo que sufre de obesidad. De estas configuraciones se derivan relaciones intersubjetivas que se inscriben en una forma de polaridad sustentada por movimientos basculares del vínculo o por el contrario de no vínculo según el mantenimiento o la desaparición del cuerpo familiar.

Palabras clave: vinculo, trauma, sintomatología corporal, familia


ARTICLE

Introduction

Notre expérience clinique et de recherche auprès de sujets souffrant d’obésité nous a amenée à être à l’écoute des familles dont un enfant est porteur de ce symptôme. Nous avons ainsi pu observer un certain nombre de phénomènes dont une problématique de séparation majeure autant pour l’enfant que pour ses proches, mais aussi des résistances inconscientes au changement corporel pour la famille et des difficultés de communication; nous constatons également des relations soit en “hyper-collage”, convoquant un rapproché corporel important, soit totalement “distanciées”. Ces relations s’inscrivent paradoxalement dans un tout ou rien relationnel pouvant mener à des ruptures du lien. Cette configuration relationnelle nous a amenée à nous interroger sur la structure du lien dans ce type de famille. Ainsi, pour mieux comprendre ces enjeux psychiques inconscients, nous avons interrogé leur dynamique familiale grâce à une recherche sur la “famille et l’obésité”[1].

Pour résumer nos travaux, nous avons repéré chez ces familles un fonctionnement psychique typique, celui de la pensée opératoire (Sanahuja et al., 2013; Sanahuja et al., 2015) où subsiste chez la majorité d’entre elles, un verrouillage au niveau des affects, un défaut du préconscient, de créativité, de fantasmatisation et de symbolisation (Marty, 1963). Nous retrouvons une grande fragilité interne du groupe familial avec des problématiques d’oralité, de vide, de fragilité narcissique (Sanahuja et al., 2011) et du contenant à travers des enveloppes psychiques familiales altérées (Sanahuja et al., 2017). Le symptôme obésité a, pour les familles se trouvant dans cette configuration, la fonction de préserver une homéostasie du groupe qui permet de maintenir un minimum de différenciation et d’individuation pour les sujets obèses. Son atténuation impacte sa contenance rendant alors les sujets et leur famille plus vulnérables (Sanahuja et al., 2011; 2013; 2017). En outre, l’individualité est réduite au profit d’un corps commun indifférencié. Cette dilution des places et des fonctions crée un empiétement psychique, une problématique de séparation et des phénomènes d’emprise, propres à la dynamique psychique inconsciente familiale[2]. La fonction séparatrice du père est devenue inopérante. Nous observons souvent une omnipotence de la fonction maternelle. Toutefois, cette configuration psychique typique est sous-tendue par une transmission traumatique d’ordre inter- et transgénérationnel.

À partir de nos observations cliniques, de ces résultats et de l’histoire de ces familles, nous supposons que, par le processus de transmission générationnelle, elles ont un lien impacté dont l’origine serait traumatique.

Rappel conceptuel: transmission du traumatisme généalogique et structure du lien

Il convient de rappeler quelques éléments conceptuels nécessaires pour notre propos. La transmission se fonde sur les notions d’après-coup et sur le concept du négatif, du manque, de ce qui a fait défaut. L’individu n’est que le maillon d’une chaîne intersubjective (Freud, 1914) inhérente à l’histoire familiale. Il s’inscrit dans cette dernière, dans laquelle circulent des traumatismes sous forme d’éléments bruts, non élaborés psychiquement par ses ascendants et dont il est également le dépositaire. Il devient aussi le réceptacle d’une organisation familiale sous-jacente et inconsciente marquée par le sceau du transgénérationnel. Ce processus de transmission s’opère par le biais des alliances inconscientes (Kaës, 2009) comme “le contrat narcissique[3] (Aulagnier, 1975) et ce que Kaës a nommé “le pacte dénégatif4. La transmission du traumatique généalogique génère des effets sur la famille: des deuils “non faits”, non élaborés peuvent traverser les générations et se traduiront sur certains membres à travers des souffrances psychiques, des comportements, des symptômes, des malaises. Ils “incorporent des données brutes” (Abraham et Torok, 1978) conduisant à la formation d’une partie clivée à l’intérieur du sujet, représentée par ce qu’ils nomment le “fantôme”. Tisseron (2012) parle d’objets ou d’évènements indicibles, innommables et impensables qui vont traverser trois générations par des effets ricochets et s’inscrire chez les descendants sous différentes formes symptomatiques[4]. Ces objets transgénérationnels constitués «d’éléments béta» traversent les générations, l’enfant en devient le dépositaire ce qui créé des inclusions psychiques. Il se construit ainsi dans le lien à l’autre, par le biais des mécanismes d’identification adhésive (Bick, 1967), projective et introjective, en premier lieu via le psychisme de sa mère elle-même porteuse de ces éléments encryptés. Le lien est, quant à lui, marqué par le sceau des alliances inconscientes (Kaës, 2009) infiltrées de ces objets bruts. Pour préciser, un lien est, selon Kaës, ce qui lie plusieurs sujets entre eux dans un ensemble. En effet, il n’y a pas de relation interindividuelle sans qu’au préalable ne se soit instauré un lien entre les sujets, lien psychique qui, secondairement, assure la continuité de la relation dans le temps et participe à la transmission familiale. Le lien est donc à la base de toute relation à l’autre, mais aussi de toute construction psychique individuelle. Le groupe famille a la spécificité de se constituer grâce aux liens corporels, aux liens du sang, de filiation, d’alliance, de consanguinité et avunculaire[5]. Il existe aussi deux types de lien selon Eiguer (1984). Le lien narcissique résulte de l’investissement narcissique, il s’articule dans le Soi familial. Puis le lien libidinal ou objectal, à la base de l’amour conjugal et familial, tient compte des projections et des désirs inconscients. Ce lien assure la pérennité du groupe en favorisant les interactions, notamment par l’historicité qu’il sous-entend. En ce qui concerne la construction du lien, il prend socle sur le soma. Il existe trois niveaux de lien, somatique, fantasmatique et symbolique. Celui qui nous intéresse est le plus archaïque, il est celui qui s’appuie sur le soma, un lien mimétique à l’autre reposant sur le sensoriel. Ce lien s’inscrit dans le lien de filiation narcissique (Guyotat, 1985) qui prend la forme de fantasme de reproduction du même, fantasme de clonage d’une transmission de “corps à corps”.

À travers un exemple familial paradigmatique de cette clinique spécifique, dont un enfant est porteur du symptôme obésité, nous montrerons que dans ce type de lien groupal prédominerait la tendance narcissique qui se déploierait alors sous un mode isomorphique primordial. Par la voie de la transmission psychique, ce lien se constituerait sur des bases traumatiques, lui donnant des configurations particulières, soit un lien narcissique encrypté “hyper-adhésif” où la relation serait dans un “hyper-collage”, dans le tout, le corps est alors convoqué à travers, entre autres, le symptôme obésité; soit dans une relation en “hyper-décollement”, dans le rien, marqué par un rejet important au moment de la perte du symptôme. De ces configurations découleraient des relations intersubjectives s’inscrivant dans une forme de polarité sous-tendue par des mouvements de bascule du lien ou, au contraire, du non-lien selon le maintien ou la disparition du symptôme dans le corps familial.

Vignette clinique: la famille B

La famille vient consulter dans le cadre d’une thérapie familiale pour le symptôme de leur fille qui est en obésité. Ombeline a 6 ans, elle se présente comme une petite fille qui parle comme un bébé et qui recherche toute l’attention. Elle est l’aînée d’une fratrie de deux enfants. Elle a une petite sœur qui vient de naître. L’arrivée de sa sœur et l’entrée au CP ont été difficiles pour elle. Elle grignote beaucoup.  La thérapie dure deux ans à raison d’une séance tous les quinze jours en présence de l’ensemble de la famille soit le couple et leurs deux enfants.

L’arrivée d’Ombeline

Le couple se connaît depuis plus de 20 ans.

L’accouchement a été difficile pour Madame et l’allaitement s’est mal passé aussi, ce qui a provoqué une difficulté à créer du lien avec sa fille. Le père, quant à lui, dès la naissance, prend auprès de sa fille une fonction “maternelle”[6], en s’occupant d’Ombeline. Il lui dispense tous les soins (biberon, change, bain…). Il est omniprésent. Il l’a surinvestie ainsi que la grand-mère paternelle prenant également beaucoup de place. La mère se retrouve alors évincée de ce trio durant les premières années de vie de sa fille. Cette configuration laisse penser que, de manière fantasmatique, le père fait un enfant de “réparation” à sa mère en lien, comme nous allons le voir, au parcours d’enfant de Monsieur, celui d’“enfant malade”. Ce dernier a été hospitalisé une grande partie de son enfance, son pronostic vital étant engagé. Il a vécu des hospitalisations en dehors de sa ville, imposant des séparations de longue durée d’avec ses parents. Monsieur porte psychiquement les séquelles de ces séparations infantiles, imprégnées d’angoisse de mort. Cela se manifeste concrètement, d’une part, par un seuil d’angoisse et d’émotivité extrêmement élevé, nécessitant un traitement; d’autre part, par des angoisses de séparation éprouvées auprès de sa fille quand il a fallu la laisser à la crèche, à l’école maternelle, à l’école primaire, etc. Outre cet élément “d’enfant malade” à valence traumatique, d’autres événements intergénérationnels marquent l’histoire de cette famille. La mort est importante du côté de la lignée maternelle, celles de la grand-mère de madame, de son père et de son cousin.

Couple père/fille aînée/couple mère/fille cadette

Ombeline, à l’âge de 3 ans, se fait hospitaliser pour une intervention bégnine. Cette hospitalisation aura un impact traumatique tant sur le père que sur la fille.

À partir de cet événement, Monsieur dormira avec sa fille. De plus, père et fille forment “un couple fusionnel”. Ils prennent les décisions ensemble. Ils dorment dans un lit à une place où ils sont collés. Madame est mise à l’écart. Elle verbalise sa souffrance en séance et souhaite que ceci cesse. Elle veut que son mari revienne à nouveau dans le lit conjugal. Situation qui réactive l’histoire de Madame: quand ses parents se sont séparés, elle a, elle aussi, dormi avec son père. Elle ne veut pas que sa fille vive cette situation. Le père, quant à lui, éprouve une réelle difficulté à se séparer de sa fille la nuit. Il évoque à plusieurs reprises le fait que ce n’est pas le moment, invoquant qu’il a besoin de sa fille. Ombeline semble être son objet contraphobique. Il s’appuie sur elle sans prendre conscience des conséquences sur son développement psychique. Madame, elle, dort avec son autre fille. Elle prend conscience qu’elle est en train de faire la même erreur que son mari.

Les parents reconnaissent leur besoin d’être dans un corps à corps avec leur enfant, source affective et de sécurité pour eux. Ils ont besoin de les serrer dans leurs bras et d’être tactiles avec eux, de les toucher, de les coller et de leur faire des câlins, “ce dont ils n’ont pas bénéficié en étant petit”, diront-ils. Selon eux, ils ont vécu l’absence et l’indisponibilité psychique de leurs parents, ces derniers étant tous deux divorcés. “Du rien affectif éprouvé petit”, ils passent “au tout affectif” avec leurs enfants. Ils ne veulent pas qu’ils vivent leurs ressentis. Nous notons une confusion des identités où les enfants sont à ce moment-là psychiquement leurs continuums. Ils réparent ainsi leur propre histoire avec leurs enfants.

Le père ne veut pas que sa fille grandisse, dans un déni des cycles de la vie, il la maintient à une place de Bébé. Ainsi le père d’Ombeline entretient une relation de dépendance, lui permettant de retarder la séparation avec son corollaire: les angoisses qui font écho à son passé. Il lui parle alors comme à un bébé. Au début des rencontres, elle avait encore une tétine et prenait le biberon. Au moment où sa petite sœur naît, elle perd sa place de bébé, les parents arrêtent le biberon et enlèvent les tétines. L’arrivée de Marine permet aussi de dé-fusionner le père et la fille durant une courte période. Dans le sens où le père s’occupe aussi de Marine, ce qui vient en quelque sorte faire tiers, séparant a minima le père d’Ombeline. Toutefois, Monsieur éprouve de la culpabilité vis-à-vis de sa fille aînée à l’idée qu’elle puisse en souffrir.

Évolution du lien, des places et des symptômes durant la thérapie

Les parents prennent conscience, à travers leur discours sur leur propre histoire, du lien “fusionnel” qu’ils ont mis en place avec leur enfant et de ses répercussions sur l’état psychique de ces derniers. Pour exemple, ils se sentent responsables des symptômes d’Ombeline. Aussi, cette conscientisation permet de faire bouger les places et les liens durant un temps éphémère. Madame retrouve sa place d’épouse. Son mari réintègre après trois années le lit conjugal. Elle ne veut plus que ce soit sa fille qui décide de tout. Le couple s’autorise à partir en week-end et à laisser leurs enfants aux grands-parents. Les espaces parental, conjugal, familial et individuel commencent à s’équilibrer précairement, ce qui agit en concomitance avec une évolution des liens marqués par des mouvements alternant du “dé-fusionnement” au “re-fusionnement”. Ombeline s’est fait des amies, elle arrive à jouer seule dans sa chambre, et à dormir chez ses grands-parents, etc. Les troubles du comportement alimentaire ont également cessé. Elle n’est plus en obésité. Au niveau scolaire, ça se passe beaucoup mieux. Elle ne présente plus de résistance pour aller à l’école. La séparation du soir va se faire progressivement, aboutissant toutefois à une rechute. En effet, au fur et à mesure qu’Ombeline grandit, se distancie, se sépare, elle arrive à dire à son père: “Va-t’en de mon lit… je suis grande maintenant”, “Marine dans sa chambre… moi dans ma chambre… les parents dans leur chambre”. Cependant, pour ce père, ce mouvement d’autonomie réactive son angoisse et il le lui exprime: “c’est difficile de voir ma fille grandir”, “t’aime plus ton papa, tu m’abandonnes… tu vas quitter papa pour un autre… quand tu auras un amoureux que feras-tu de ton papa?”, “tu es malheureuse”. Pour le père, cette séparation est douloureuse: “Ombeline retourne dans sa chambre, c’est difficile pour moi”. Mais, à cette période, ils déménagent. Déstabilisée par le changement, en fragilité de contenant et imprégnée par le discours culpabilisant de son père, Ombeline régresse. Elle intègre le lit conjugal pendant la nuit. Elle dort avec ses deux parents, la mère préserve sa place. Elle développe d’autres symptômes corporels qui peuvent témoigner du malaise qu’elle peut ressentir, où son désir d’autonomie ne peut être entendu et réalisé. Elle se racle la gorge, renifle, cligne des yeux. Symptômes qu’elle rejoue en séance. Elle occupe l’espace avec le bruit. De plus, elle ne supporte pas que sa mère lui impose des limites. Elle est très sensible et anxieuse comme son père. Il arrive au père de pleurer en séance. La mère[7], dans ces moments de décontenancement familial, enveloppe, réunit et contient le groupe. Dans une inversion des rôles et des fonctions, c’est elle qui met des limites et qui tente de sécuriser l’ensemble du groupe.

Suite à cet épisode, Ombeline, dans le cadre des séances, évolue progressivement et reprend sa place de petite fille. Elle réintègre son lit. Les parents mettent davantage de limites et sont en accord. Le père arrive à dire non à sa fille. Cependant, dans un mouvement de bascule, Marine occupe beaucoup de place auprès de son père, il est dans un collage permanent auprès d’elle alors qu’Ombeline se rapproche plus de sa mère et aurait également tendance à la coller. Suite à cette évolution, ils décident d’arrêter la thérapie durant un certain temps. Jusqu’à ce qu’ils reprennent rendez-vous pour les mêmes problématiques nocturnes davantage accentuées: les quatre dormant dans le même lit. À ce moment-là, Madame, grâce à sa prise de conscience, se pose comme interdictrice, grâce au lien avec le thérapeute, ce qui va favoriser une distanciation progressive entre les membres, le lien sera moins dans le collage. Chacun réintègre sa chambre, sa place et sa fonction, sachant que cet équilibre reste précaire. Le moindre changement peut à nouveau faire chavirer le lien dans les extrêmes.

Traumatismes générationnels: lien narcissique “encrypté” et relation en “hyper-collage corporel”

Dans sa configuration psychique groupale, cette famille est imprégnée par “la jouissance” et “la mort”, ce qui va déterminer aussi l’organisation des liens familiaux. Les liens s’inscrivent alors dans une dimension “incestuelle” où prime le “corps à corps”. Ils sont englués mais aussi encryptés et envahis par l’histoire familiale trans- et intergénérationnelle. Le fonctionnement familial est marqué par l’histoire générationnelle des parents imprégnée par la mort fragilisant ainsi leur soi familial et donnant aussi l’impression qu’il n’y a plus de temporalité. Le temps s’arrête et les traumatismes se cristallisent dans les dyades père-fille aînée/mèrefille cadette et vice-versa. Dans cette famille au fonctionnement narcissique, règne un fantasme de tous d’être dans le même corps amalgamé, confus, pour ne pas mourir. Le fantasme de corps commun annihile les individualités et crée un sentiment d’interpénétration rendant les limites floues. Nous le retrouvons sur leur arbre généalogique où prédomine le flou qui apparaît à travers la mise sur le même plan de la famille nucléaire, indiquant une indifférenciation des générations. Mèrefille cadette/père-fille aînée (sur le dessin, Ombeline est entre ses parents et porte sa sœur) sont sur la même strate renvoyant à une confusion des rôles, des fonctions et des places. Ce noyau nucléaire, surtout à travers les dyades père-fille aînée et mère-fille cadette, représente le socle, le soi familial et l’assise narcissique de cette famille. Tout repose sur eux, sur ces deux “couples”, évoquant une forme d’incestualité et où prédomine l’absence de séparation retrouvée dans l’exemple concret du père dormant avec Ombeline et de la mère avec Marine, où ils ont besoin d’être dans un “corps à corps”, source de sécurité interne pour le groupe. De plus, cette configuration familiale “floue” renforce aussi les liens du groupe dans une dimension narcissique où priment le pôle isomorphique et le collage “corporel” à l’origine de l’indifférenciation et des confusions entre les membres. Dans ce sens, cette famille a des difficultés à s’ouvrir sur l’extérieur. Ils n’ont plus d’amis, le groupe familial se suffit à lui-même. Les parents s’occupent uniquement de leurs enfants. Ce sont les enfants qui régissent la vie de cette famille, ils l’emportent sur l’espace couple, tout est fait en fonction d’eux (repas, sorties, activités). Ces éléments renvoient à une enveloppe psychique familiale qui présente un pareexcitation rigide, véritable écorce par rapport à l’extérieur alors que la surface d’inscription est floue, déformée, encryptée par cet héritage familial qui n’a pas pu être verbalisé et travaillé en séances. En effet, sur l’arbre généalogique existe des traces du transgénérationnel représentées par des zones inconnues, des zones vides, des zones raturées symbolisant des fantômes, des non-dits et des secrets… De plus, cette surface d’inscription est marquée par une confusion des limites et un manque de contenance. La famille va donc rechercher, en réaction à son faible niveau de sécurité interne, une sur-contenance, d’une part, au travers d’un surinvestissement des liens narcissiques dans une “hyper adhésivité” avec des relations intersubjectives en “hyper collage” en “corps à corps” et, d’autre part, en mettant en place une enveloppe psychique carapacée où l’étranger pourrait être une source de menace de cet équilibre fragile. Cette “hyper-adhésivité” des liens a aussi des répercussions sur leur difficulté d’inter-fantasmatisation, d’imagination et de mise en pensée de leurs vécus traumatiques. La dimension opératoire occupe le devant de la scène psychique où les éléments factuels prennent beaucoup de place, entravant leur communication. Nous nous retrouvons alors sur un registre défensif en lien avec les non-dits, les traumatismes non élaborés. Leur difficulté de mise au travail ensemble est aussi liée au maintien du pacte dénégatif dans le sens où les membres font corps commun en s’agrippant à cette “hyper-adhésivité” dans le lien. Ils luttent ainsi contre la dépressivité, des angoisses de mort et d’effondrement. Nous-même, au niveau contre-transférentiel, éprouvons ce flou, ce vide qui se manifeste par une difficulté à penser les séances, qui sont imprégnées par un discours répétitif, figé autour du porte-symptôme et en arrière-plan du symptôme familial[8]. Concrètement, Ombeline occupe le devant de la scène thérapeutique à l’image de la place qu’elle a dans sa famille et toutes les préoccupations sont centrées sur elle. La thérapie s’inscrit dans une forme de circularité, une répétition du même, laissant peu d’espace pour l’interfantasmatisation et où il nous est difficile d’accéder au passé et au transgénérationnel.

Discussion: symptôme obésité une pathologie du lien

Cet exemple clinique paradigmatique nous amène à penser que, pour ce type de famille où le symptôme obésité est présent, les liens pathologiques trouvent leur ancrage dans la dimension traumatique transgénérationnelle et intergénérationnelle. Cette dimension a des répercussions sur l’appareil psychique le rendant “dysfonctionnel” dans la mesure où “ses capacités de contenance, de pareexcitation et d’élaboration sont mises à défaut” notamment par le phénomène qu’évoque Aubertel (2006), un téléscopage entre un événement actuel et un événement du passé non suffisamment élaboré par les générations précédentes. Ce dysfonctionnement fragilise également le socle narcissique familial. Dans notre exemple clinique, nous supposons que l’hospitalisation d’Ombeline est venue réactiver les angoisses archaïques du père liées aux effets de ses nombreuses hospitalisations quand il était enfant. Ce télescopage, entre autres, aurait fragilisé l’appareil psychique familial altérant ses enveloppes psychiques, le Soi familial, et entravé les identifications primaires nécessaires à l’investissement, rendant alors les liens encryptés et pathologiques. Concrètement, il n’arrive pas à prendre sa place de père du fait de l’envahissement de ses angoisses. En effet, notre exemple clinique nous permet de constater qu’il existe une configuration des liens psychiques spécifiques en “hyper-adhésivité” à valence archaïque et destructrice à l’origine du symptôme obésité porté par un membre du corps familial. Dans le sens où nous partons du principe que le sujet est un groupe intériorisé (Kaës, 2005) et qu’il rassemble des parties du Soi familial. Nous supposons que, comme pour Ombeline, ces sujets souffrant d’“obésité”, incorporent par le processus d’identification projective et adhésive (Bick, 1968) des éléments traumatiques généalogiques nommés “béta” sans que ces derniers soient transformés. Ils vont contaminer le Soi du sujet mais également les liens intersubjectifs qui sont encryptés. Ces liens encryptés sont alimentés par l’infiltration d’éléments bruts comme des protopensées et des proto-émotions (Aulagnier, 1975) qui viennent, par un processus d’inclusion, faire des trous dans la psyché et se loger dans la sphère somatique du sujet. Le symptôme obésité vient alors colmater un vide interne et les brèches du transgénérationnel mais aussi celles de l’intergénérationnel. Ainsi, le corps réel du sujet obèse vient combler un vide lié aux générations antérieures et actuelles, en relation avec un télescopage de celles-ci (Faimberg, 2003) dans lequel les identifications inconscientes muettes, notamment adhésives, opèrent. Ces identifications font le lien entre les générations et l’objet de l’identification et transmettent des éléments fondamentaux traumatiques de l’histoire interne de la famille qui ont des répercussions sur la structure du lien intersubjectif. Au niveau du groupe famille, ces éléments font trou dans l’appareil psychique familial, fragilisent son socle narcissique de base et ouvrent aussi la voie à cette “symptomatologie” corporelle. La somatisation et le corps font lien entre les membres sous forme à nouveau d’identifications adhésives et d’empiétements psychiques. Ce défaut d’investissement primaire a un impact sur les modalités de liens qui peuvent s’exercer dans des polarités opposées, soit des liens “serrés” ou dans le “rejet”, en référence au concept de position narcissique paradoxale de Caillot et Decherf (en Aubertel, 2006). Pour notre population, nous souhaitons apporter une nuance quant à ces polarités: il existe un lien à la base narcissique et encrypté qui va donner une configuration de relation opposée soit “serrés” soit dans “le rejet”, tout dépend de l’évolution du symptôme dans l’économie psychique familiale. Concrètement, les membres du groupe famille semblent être dans un lien en trop-plein d’affectivité, ce que nous retrouvons dans notre exemple clinique. Cette configuration prend son origine, entre autres, dans des relations intersubjectives narcissiques au travers des liens vécus comme symbiotiques. Le lien objectal et le lien narcissique se voient alors fragilisés et déséquilibrés, renforçant le pôle isomorphique. Le lien s’inscrit alors dans un lien de filiation narcissique (Guyotat, 1985) qui prend la forme de fantasme de reproduction du même, fantasme de clonage d’une transmission de “corps à corps” que nous observons dans cette famille[9]. Ce lien où prime le soma est spécifique. Il est archaïque et engendre un corps commun familial dans lequel règnent une confusion des limites psychiques, un défaut de créativité, de fantasmatisation ainsi que du vide, renforçant le “collage corporel”. Comme l’évoque Aubertel (2006) «Dans ces familles, on trouvera donc des relations de corps-à-corps, dans une sorte d’agrippement à enjeu vital, habillées dans des explications rationnelles souvent liées au comportement de l’autre ou des autres» (p. 66). En d’autres termes, l’autre existe par sa présence, mais il ne peut être pensé, comme si l’absence était synonyme non seulement de perte mais aussi de rupture de lien. C’est ainsi que le formule le père à Ombeline: “t’aimes plus ton papa, tu m’abandonnes” quand elle lui exprime son désir de dormir toute seule. En outre, les angoisses de séparation imprégnées par celles de mort et d’effondrement peuvent être tout à la fois la cause et la conséquence de la création d’un tel lien. De plus, la fonction séparatrice du père comme constatée dans cette famille est devenue inopérante par absence ou par faiblesse de l’omniprésence maternelle. Toujours dans le sens d’Aubertel (2006), «La construction d’un espace transitionnel permettant l’instauration d’un lien “bien tempéré” n’a pas pu se faire, et il faut, répétitivement vérifier la concrétude du lien dans un corps à corps réel, et dans un éprouvé sensoriel actuel. La représentation d’un objet-lien, la permanence de l’autre ne sont pas suffisamment établis pour obtenir un statut psychique et il faut donc expérimenter réellement l’existence de l’autre et l’existence de soi dans l’autre» (p. 65). De plus, cette dilution des places et des fonctions bien identifiées va créer un empiétement psychique, une problématique de séparation et des phénomènes d’emprise interne à la dynamique familiale. Se substituent alors des relations en “hyper-collage corporel” ou, au contraire, selon le contexte des relations en “hyper-décollement”, dans un tout ou dans un rien, où la bonne distance n’est pas appréciée, renvoyant ainsi à un problème d’accordage dans le lien matérialisé par un lien/non-lien. Deux mécanismes de défenses opposés peuvent s’enclencher avec ce type de lien encrypté narcissique “hyper-adhésif”; si le sujet reste dans le corps familial en maintenant son symptôme, le mécanisme de défense d’intrajection (Aubertel, 1982) opère et les relations sont dans un tout et relèvent de l’indifférenciation favorisant un “hyper-collage corporel”. Le pôle isomorphique est alors renforcé, phénomène que nous avons pu observer pour la famille. Toute tentative d’individuation est vécue par la famille comme une attaque, elle lutte contre toute différenciation. La dimension isomorphique prime, l’espace groupal occupe le devant de la scène familiale au détriment de l’espace individuel, tendant alors vers une indifférenciation dans le lien pour assurer une sécurité de base afin de faire face aux angoisses d’effondrement. Par contre, si le sujet se différencie du groupe, en “perdant” son symptôme, peuvent s’activer alors une situation de rejet et le mécanisme de défense d’extrajection (Aubertel, 1982). À ce moment-là, opère la rupture du lien, la relation vit un mouvement de bascule: “d’hyper-décollement”. Il n’y a plus de relation: nous sommes dans le rien. Ce phénomène est surtout observé quand le sujet se dégage de ses troubles du comportement alimentaire, quand il vit un changement psychosomatique sans l’accompagnement de la famille. En effet, en même temps qu’il perd du poids, s’enclenche son processus de subjectivation. Il commence alors à se différencier et à se séparer de son groupe primaire. La famille perd par conséquent son homéostasie et de sa contenance apportée par le symptôme. Elle peut alors en réaction de défense réagir en faisant vivre au sujet “portesymptôme” un phénomène d’éjection de son groupe d’appartenance. Il devient “bouc émissaire permettant que la famille resserre autrement les liens. Elle ne le reconnaît pas dans sa subjectivité et sa différence. Elle maintient ainsi son pôle isomorphique. Pour reprendre sa place dans sa famille, le sujet récupère alors son symptôme. Dans un mouvement de bascule, se remettent alors en place l’adhésivité dans le lien narcissique et la relation en “hyper-collage” entre les membres. Par ce processus, nous pouvons aussi expliquer les nombreuses rechutes lorsque l’objectif vise seulement à la perte de poids et que la famille n’est pas suffisamment prise en compte.

Pour conclure

Cette souffrance du lien nous amène à réfléchir aux aménagements thérapeutiques à proposer pour ces familles porteuses d’une symptomatologie corporelle. Dans la rencontre avec ces familles, c’est souvent la question de la parentalité qui est convoquée au-devant de la scène thérapeutique et leur difficulté en tant que parents à mettre des limites psychiques, corporelles et éducatives à leurs enfants qui auront un impact sur la configuration des liens intersubjectifs où la dimension narcissique va imprégner la dynamique du groupe. Notre travail consiste dans un premier temps à transmettre une sécurité de base grâce à l’étayage apporté par le(s) thérapeute(s) et par le cadre proposé dans la thérapie familiale psychanalytique. En proposant un contenant suffisamment sécure, nous pouvons par la suite rendre cette parentalité fonctionnelle. Cela suppose l’intégration et la transmission des différences fondatrices sexuelle et générationnelle afin que les parents puissent assurer de manière plus structurante le développement psychique, physique et affectif de leurs enfants, leur permettant ainsi une adaptation dans le social. Et c’est en travaillant le contenant familial, que nous assistons à une modification du contenu qui se manifeste par des mouvements psychiques et par un rééquilibre des places et des fonctions. Ce changement s’effectue par la mise en mots de leurs vécus et de leurs éprouvés qui aide alors les parents à prendre conscience des répercussions de ces derniers sur leurs enfants. Nous pouvons ainsi revisiter les premières constructions identitaires participant au processus de différenciation et de subjectivation au sein de la famille. Cette verbalisation favorise l’instauration de limites physiques, éducatives et psychiques permettant au groupe de diminuer son pôle isomorphique et de laisser la possibilité aux membres de tendre vers l’homomorphie. Et c’est à l’intérieur du néo-groupe crée avec le(s) thérapeute(s) que le travail de différenciation peut se faire. Cette question du regard extérieur vient faire également Loi. Nous pensons avec et pour eux, ensemble à travers le néo-groupe, tout ce qui n’est pas du registre secondaire. Cet espace thérapeutique proposé permet alors aux membres de se séparer progressivement et de vivre un défusionnement dans le lien psychique et corporel.


Bibliographie

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[1] Recherche-Action (2010-2014): “Prise en charge de l’adolescent obèse hyperphage-boulimique et de sa famille”: subvention Fondation de France (20000 euros) (dirigée par le professeur Patrice Cuynet). Il s’agit d’une étude longitudinale visant à comprendre pourquoi les adolescents hospitalisés dans un centre d’amaigrissement reprennent le poids perdu une fois de retour dans leur famille. Cette étude s’effectue sur 18 mois. Nous avons rencontré en binôme les familles à trois temps de la prise en charge: début de l’hospitalisation de l’adolescent (phase I), fin de l’hospitalisation (phase II) et un an après la sortie du centre (phase III). Nous avons mené des entretiens à chaque phase et fait passer des épreuves projectives groupales (“génographie projective” ou dessin libre de l’arbre généalogique et “spatiographie projective” ou dessin de la maison imaginaire aux phases I et III en vue de les comparer).

[2] L’illustration clinique qui va suivre nous permettra de mieux étayer les résultats de la recherche.

[3] Le contrat narcissique est une alliance de base, à l’œuvre lors de la naissance de l’enfant, afin de lui donner une place et de le faire reconnaître comme appartenant au groupe familial. La naissance acte la continuité de la lignée de la famille, elle inscrit l’enfant comme faisant partie d’une généalogie. L’enfant porte les mythes et les idéaux de la famille, il est porteur d’un héritage familial. 4 Dans sa filiation, le sujet est dépositaire d’une partie non pensée; ce que la génération précédente n’a pas transformé sera transmis à la suivante.

[4] (Cfr. Serge Tisseron, 2012). La première génération, celle de l’événement traumatique, va favoriser chez le sujet un clivage. Il devient porteur d’une crypte, c’est-à-dire une inclusion dans le Moi faite par des fantasmes d’incorporation. L’indicible se met en place. La deuxième génération: l’enfant de ce parent qui a une crypte va construire son psychisme avec la crypte du parent. L’enfant va se construire clivé: une partie sera avec la crypte du parent. L’évènement n’est plus indicible, il est devenu innommable car le contenu est ignoré, seule l’existence du secret est ressentie. L’enfant est porteur de “fantômes” qui retentissent sous diverses formes symptomatiques. La troisième  génération: l’existence même du secret est ignorée et impensable. Un trou est transmis et c’est le corps se met à fonctionner comme un haut-parleur de la psyché qui émet des parasites, des bruits de fond (psychose, somatisation, etc.).

[5] Le lien de l’enfant à la famille de la mère: lien avunculaire (entre l’oncle maternel et son neveu, présent dans les cultures étudiées par l’anthropologie et ayant un rôle majeur dans l’éducation de l’enfant des sociétés matrilinéaires principalement, celles où la fonction du père biologique est reléguée à la procréation). L’oncle maternel a une fonction paternelle, d’autorité, de conseil, etc.).

[6] Ce que nous retrouvons souvent dans ces familles: quand le père prend sa place, c’est pour occuper une fonction maternelle.

[7] La mère de Madame a vécu avec un homme immature. C’est elle qui dominait. La mère de Monsieur a vécu la même configuration mais avec un beau-père sévère.

[8] La difficulté pour les parents et les enfants de dormir seuls et le besoin d’être dans un “corps à corps permanent”.

[9] Le père se met au même niveau que sa fille dans une indifférenciation des cycles de la vie, mère et père reproduisent la même situation, Ombeline vit la même situation que sa mère au même âge: celle de dormir avec son père, etc.

International Review for  Couple and Family Psychoanalysis

IACFP

ISSN 2105-1038