REVIEW N° 24 | YEAR 2021 / 1
Summary
Photolanguage© in the psychosocial preparation of applicants for adoption
The purpose of this article is to discuss the relevance of the use of the Photolanguage© method, based on the contributions of Claudine Vacheret, in the psychosocial preparation of adoption applicants, taking as an illustration an experience developed at the Universidade Presbiteriana Mackenzie clinic in São Paulo, Brazil. There psychosocial adoption preparation groups are led by fifth year psychology students and supervised by a tutor. As a specific type of bond is established from adoption, which is intersected with subjective determinations and which directly affects the obstacles and success of adoptions, this article encourages a discussion of the applicants’ unconscious psychic dynamics during the adoption process. Because it is a clinical device, it can deal with the psychodynamic issues involved in this process. It was possible to observe that each participant in the group has a shared experience about what it means to adopt and how the mediation of photography in the group work offers a safe place for accessing new unconscious representations about what adoption is.
Keywords: adoption, Photolanguage©, groups, Psychology, psychosocial preparation.
Résumé
Le Photolangage© dans la préparation psychosociale des postulants à l’adoption
Le but de cet article est de discuter la pertinence de l’utilisation de la méthode Photolangage© à partir des contributions de Claudine Vacheret, dans la préparation psychosociale de postulants à l’adoption, en prenant comme illustration une expérience développée dans la clinique de l’Universidade Presbiteriana Mackenzie, São Paulo, Brésil. À partir des conditions de sécurité offertes par le dispositif de groupe, les participants sont confrontés aux multiples dimensions des images, des affects et des idées mobilisés dans le processus d’adoption qui est à la fois juridique et psychologique. Ce dispositif permet à chaque sujet du groupe de vivre, à partir de ses particularités, une expérience de groupe partagée sur ce qu’est l’adoption.
Mots-clés: adoption, Photolangage©, groupes, psychologie, préparation psychosociale.
Resumen
El Photolangage© (Fotolenguaje) en la preparación psicosocial de candidatos para la adopción
El objetivo de este artículo es discutir la relevancia del uso del método Photolangage© (Fotolenguaje), a partir de las contribuciones de Claudine Vacheret, en la preparación psicosocial de candidatos para la adopción. Se toma como base una experiencia realizada en la clínica de la Universidad Presbiteriana Mackenzie, en São Paulo, Brasil, donde funcionan grupos psicosociales de preparación para la adopción dirigidos por estudiantes de psicología del 5º año y supervisados por un profesor. Dado que a partir de la adopción se construye un tipo específico de vínculo atravesado por determinaciones subjetivas que influyen directamente sobre los obstáculos y los éxitos de la adopción misma, este artículo promueve una discusión sobre la dinámica psíquica inconsciente de los candidatos durante el proceso de adopción, además de proponer el uso de un dispositivo clínico que se ocupa de la psicodinámica involucrada en este proceso. Fue posible observar que cada participante del grupo ya tiene una experiencia compartida sobre qué es adoptar y cómo la mediación de la fotografía en el trabajo del grupo ofrece un espacio seguro para el acceso a nuevas representaciones inconscientes sobre qué es la adopción.
Palabras clave: adopción, Photolangage© (Fotolenguaje), grupos, psicología, preparación psicosocial.
ARTICLE
Introduction
Le but de cet article est de discuter l’utilisation de la méthode Photolangage© dans la préparation psychosociale de postulants à l’adoption, en prenant comme illustration une expérience développée dans la clinique de l’Universidade Presbiteriana Mackenzie, São Paulo, Brésil, où des groupes psychosociaux de préparation à l’adoption sont réalisés par des étudiants[1] de 5ème année[2] de psychologie et supervisés par des professeurs du stage de psychologie juridique[3]. Depuis 2009, la préparation psychosociale et juridique des postulants à l’adoption est obligatoire au Brésil (Brasil, 2009). Il s’agit d’une protection des enfants et des adolescents, car les situations d’adoption qui ont échoué peuvent engendrer «(…) de profondes séquelles qui pourront rester à jamais dans la vie de ces enfants» (Alvarenga et Bittencourt, 2013, p. 51). Lorsqu’ils sont menés à bien, les processus d’adoption peuvent être bénéfiques pour tous, les parents, les enfants et la société. S’agissant d’un thème complexe impliquant l’intervention de plusieurs disciplines, les psychologues doivent réfléchir sur leur rôle tout au long des différentes étapes du processus d’adoption. Pour Gondim et al. (2008), bien que très désirée, l’adoption reste marquée par plusieurs obstacles, parmi lesquels le manque de suivi psychologique, facteur qui rend ce processus difficile. Selon Veuillet-Combier (2018), les candidats sont souvent saisis d’inquiétudes et de questionnements d’ordre psychologique et ils ne savent pas à qui s’adresser.
Si, pour le droit, l’adoption est «l’acte juridique par lequel une personne en reçoit une autre comme enfant, indépendamment du fait qu’il existe entre elles une relation de sang ou similaire» (Pereira, 2007, p. 392), selon Oliveira (2017), «Du point de vue psychanalytique, l’adoption, à la différence du domaine juridique, est prise comme un mode de filiation singulière et symbolique par le désir de nommer un enfant» (p. 911). Veuillet-Combier (2018), outre les aspects sociojuridiques et administratifs, considère que le rôle du psychisme dans la construction du lien de filiation adoptive est de former un type spécifique de lien qui passe par des représentations intrapsychiques et intersubjectives.
La compréhension de la dimension des différentes topiques psychodynamiques du processus d’adoption ainsi que la proposition des dispositifs adéquats d’intervention dans ce domaine peuvent contribuer à améliorer les chances de formation d’un lien d’adoption réussi. Si le groupe est un dispositif privilégié pour travailler sur les liens, la psychanalyse des espaces psychiques coordonnés proposée par Kaës (2014) sera utilisée comme référence dans ces deux directions: offrir une référence théorique pour la compréhension des spécificités de la formation du lien intersubjectif de filiation adoptive; offrir un référentiel théorique pour le Photolangage© dans les groupes de préparation à l’adoption.
À propos des liens intersubjectifs dans l’adoption
L’intersubjectivité des liens d’adoption a déjà été soulignée par plusieurs psychanalystes: Anzieu (1987a; 1987b), qui a étudié le développement d’une enveloppe psychique dans les processus d’adoption tardifs; Dolto (1989), qui comprend que «l’adoption est le lieu que chaque parent donne à l’enfant, une place dans les deux lignées, une place dans le symbolique» (pp. 22-23); Benghozi (2007), qui montre un travail de (re)maillage dans la formation des liens d’affiliation tout au long du processus d’adoption.
Kaës (2015) propose une psychanalyse du troisième type qui considère trois espaces psychiques hétérogènes et connectés: l’intrapsychique, le lien et le groupe. Les liens intersubjectifs sont formés par des alliances inconscientes (Kaës, 2009), qui forment les étayages métapsychiques de la vie intrapsychique et des relations intersubjectives inconscientes entre les sujets singuliers et les groupes d’appartenance. Il s’agit des contrats, des pactes et des autres modalités d’accords établis selon les lois de l’inconscient et qui, par conséquent, ne sont pas régis par la logique du droit ou de la sociologie. En même temps qu’elles sont structurantes pour la vie psychique, ces alliances sont des organisations défensives; elles peuvent devenir pathogènes par leur rigidité: des pactes narcissiques qui, entre autres effets, immobilisent le “non-dit” dans le négatif, cristallisent les places de chaque sujet singulier par rapport à l’ensemble; et par leur instabilité, lorsqu’elles sont excessivement fragiles, elles compromettent la consistance des bases métapsychiques (Kaës, 2009). Quand elles sont pathogènes, les alliances inconscientes diminuent le potentiel symbolisant du “vivre ensemble”. Les alliances inconscientes sont des formations intermédiaires qui établissent des relations d’étayage avec des structures et des formations sociales et culturelles, avec, par exemple, les institutions, les lois formellement instituées et les mythes culturels. Certaines fonctions des formations intermédiaires sont de lier/séparer, médiatiser, transformer (Kaës, 2003).
L’accélération de la postmodernité favorise de constantes mutations dans la société, dans la famille, dans les relations entre les générations, compromettant les échanges entre les espaces psychiques et culturels. Les formations intermédiaires souffrent des effets de cette instabilité: Kaës (2003, pp. 15-16) évoque «(…) la mutation des structures familiales et la fracture des liens intergénérationnels; (…) Toutes ces transformations remettent en cause les croyances et les mythes qui assurent le fondement narcissique de notre appartenance à un ensemble social. Elles compromettent les fondements de l’identité».
Selon Veulliet-Combier et Binkowski (2017), les discussions autour du “mariage pour tous”, qui ont abouti à la modification de la législation française sur le mariage en 2013, ont évoqué le besoin de discuter “ce qu’est la famille”, “ce qu’est être père”, “ce qu’est être mère”, principalement en raison des débats sur l’adoption par les couples homoaffectifs. En même temps que cela nous confronte à la perte de certains étayages, penser à l’adoption dans un contexte de mutation des références familiales nous offre l’opportunité d’élargir et de complexifier la notion de “famille”, avec l’attribution et la prise des nouveaux rôles familiaux et des mythes qui organisent ces rôles.
Les mythes culturels et familiaux, en tant que formations intermédiaires, ont une importance centrale dans les questions narcissiques identitaires et dans la formation d’alliances inconscientes des familles, en ce qui concerne ses origines. Par leur potentiel de figurabilité «pour ce qui est mis en disponibilité dans le preconscient» (Kaës, 1999, p. 93), les mythes constituent une base pour les processus de symbolisation, lorsqu’ils sont suffisamment malléables offrant une réserve de “déjà-dits”; mais ils sont aussi les dépositaires du “non-dit”, et la cristallisation des mythes familiaux peut provoquer certains effets pathogènes.
Dans la filiation adoptive, des objets psychiques spécifiques sont mobilisés et englobent le partage d’un imaginaire entre les enfants et les parents, dans lequel la relation entre le mythe et la réalité constitue les bases du lien filiatif. Dans le processus d’adoption, nous trouvons souvent des familles qui n’ont pas fait le deuil de l’infertilité. Selon Veulliet-Combier et Binkowski (2017, p. 166), la condition de l’enfant à “être sauvé” de l’abandon de ses parents biologiques par la postulante à l’adoption résonne avec l’enfant qui vient “sauver” le couple de sa blessure narcissique dérivée de l’infertilité, leur permettant de devenir parents, ce qui organise le “mythe de l’enfant sauveur-sauvé”. Ce mythe familial ainsi que d’autres possibilités de configuration de constructions imaginaires dérivées des “sauvetages” impliqués dans les liens d’adoption forment un premier organisateur psychique des alliances inconscientes au début d’un processus d’adoption. Le contrat narcissique, dans sa dimension structurante, anticipe une place à occuper par l’enfant avant même son arrivée (Aulagnier, 1975).
L’arrivée d’un nouveau membre dans une famille nécessite toujours la réorganisation des liens préalablement établis afin qu’il puisse occuper une place dans l’ensemble. Entre autres, l’héritage biologique, les caractéristiques psychologiques, l’état de santé ne répondront certainement pas à certaines ou à plusieurs des attentes narcissiques des postulants. Lorsque ces premières constructions imaginaires, même si elles sont structurantes, ne peuvent être soumises à un travail psychique de transformation, elles peuvent se cristalliser. La rigidification des alliances inconscientes est une source de malaise psychique des sujets singuliers d’un groupe, de même qu’elle menace la consistance et la sécurité du lien de filiation adoptive.
À propos du Photolangage©
Les groupes de médiation
L’utilisation des objets médiateurs a suscité l’intérêt des psychanalystes dans des situations où la libre association par les mots, à partir du cadre établi à l’origine par Freud, produisait des effets cliniques limités. Le travail précurseur de Milner sur le médium malléable est un jalon à l’utilisation des médiateurs dans le contexte clinique.
Au Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique, CRPPC, lié à l’Université Lyon 2, des chercheurs tels que Kaës, Vacheret, Roussillon, et Brun, entre autres, ont étudié le potentiel symbolisant offert par les médiateurs thérapeutiques dans le contexte clinique de la psychanalyse: «Du côté des médiations thérapeutiques, c’est essentiellement le registre du préconscient qui est sollicité, souvent pour accroître les possibilités de jeu avec les images et les mots: l’activité du préconscient consiste précisément à lier les images, les affects et les représentations de mot» (Brun, 2013, p. 214).
Selon Kaës (2003), concernant le préconscient, c’est un espace intrapsychique où les transformations de certains contenus et les processus psychiques inconscients ont lieu dans le retour à la conscience: «c’est à ce système que s’ajoute la capacité associative, traductrice et interprétative de la psyché» (Kaës, 1999, p. 92). Le préconscient assure une fonction intermédiaire fondamentale pour la vie psychique, en intégrant les pulsions dans l’espace intrapsychique et avec les espaces sociaux. Castanho (2011) souligne le caractère paradoxal de la culture contemporaine, où coexistent un grand nombre d’images en circulation et la déficience des processus de figurabilité, compromettant ainsi la fonction des intermédiaires du préconscient. En ce sens, «la compréhension de Kaës de la figurabilité, du préconscient et de la culture est une référence importante pour la compréhension métapsychologique des groupes avec des objets médiateurs en psychanalyse» (Castanho, 2008, p. 195). Les groupes de médiation sont des groupes médiatisés par certains moyens sensoriels (sons, objets plastiques tels que le modelage) ou par des objets culturels préconstitués (tels que la photographie) qui permettent la mobilisation et la modification de processus psychiques non modifiables autrement ou qui sont plus efficacement modifiés à partir de ces objets médiateurs (Kaës, 2007). Selon Vacheret (2004) et Brun (2013), la matérialité de l’objet met en jeu, dans le dispositif clinique, différentes sensorialités, mobilisant différents types de figurabilités propres à chaque médium malléable. Dans le cas du Photolangage©, la photographie, par sa capacité à évoquer des images inconscientes, comme les images du rêve, est l’objet médiateur choisi.
La méthode Photolangage©
Le Photolangage© est une méthode de travail de groupe initialement développée par des psychologues et des psychosociologues lyonnais dans les années 1960. Baptiste et Belisle ont d’abord utilisé les photographies de manière intuitive pour faciliter la parole dans des groupes ayant des difficultés à s’exprimer verbalement (Vacheret, 2010). Prenant pour référence la psychanalyse de groupe, notamment les œuvres d’Anzieu et de Kaës, Vacheret a développé le Photolangage© comme une méthode thérapeutique et de recherche.
Le cadre de ce dispositif est bien défini et consiste à poser une question à laquelle chacun doit répondre à l’aide d’une photographie. Ce travail est réalisé en deux temps: une question est posée au groupe et chaque participant doit choisir individuellement, parmi plusieurs photos disponibles, celle qui répond à la question; en groupe, chaque participant doit présenter sa photo au moment où il le souhaite. Après la présentation, les autres participants seront invités à parler de ce qu’ils considèrent comme semblable et différent quant à la photo présentée (Vacheret, 2008).
Le cadre est immédiatement intériorisé par les participants, et il permet de construire rapidement un contenant psychique groupal. Selon Kaës (2007), la fonction contenante d’un groupe délimite les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, créant ainsi une peau psychique commune qui maintient l’ensemble dans une unité. Cette fonction permet d’établir un espace de confiance afin que le groupe fonctionne comme un dépôt de pulsions, de désirs, d’angoisses et de projections. La consistance des deux “garde-fous”, la question et les photographies, délimite les frontières de ce dispositif spécifique, et l’animateur doit assurer que ces frontières sont respectées lorsque le groupe se dégage des photographies ou de la question. Dans ces conditions, il est possible de supporter la destructivité pulsionnelle qui se manifeste dans la situation de groupe (Vacheret, 2008).
Le cadre soutient un travail psychique qui peut se déployer dans un espace de jeu entre le processus primaire et le processus secondaire. Il s’agit d’une médiation entre différentes topologies intrapsychiques (entre inconscient, préconscient et conscient) ainsi qu’entre l’intrapsychique et l’intersubjectif. La liaison entre ces différentes topiques nous ramène à une deuxième fonction du dispositif, la fonction contenante du groupe, qui (re)lie les pensées aux affects. (Vacheret, 2014). Le groupe peut traduire en mots une souffrance qui ne pouvait pas être annoncée auparavant et qui a besoin d’une métabolisation.
Par la diffraction du transfert (Kaës, 2007), le groupe dans son ensemble (participants, animateurs, photographies) contient et transforme les images, les idées, les angoisses, les pulsions, les fantasmes et les désirs issus de la pluralité des imaginaires mis à la disposition de chacun de ceux qui font partie du groupe, pour tous ceux qui sont là. Ainsi, on peut considérer une troisième fonction du groupe de Photolangage©: la fonction de production imaginaire (Vacheret, 2004).
L’imaginaire joue une fonction d’intégration pour la psyché (Vacheret, 2014), et Anzieu (1978) a démontré que le groupe est à la fois générateur et porteur d’un imaginaire groupal spécifique. Et, en ce sens, la photographie peut être un déclencheur de cet imaginaire car elle privilégie l’image visuelle: elle évoque des souvenirs associés à des images liées à différents sens, comme la mémoire visuelle, olfactive et auditive, autrement dit ce que Freud nomme la représentation de chose, mode de pensée le plus proche de l’inconscient (Freud, 1900). Nous pouvons observer dans les groupes de Photolangage© comment une image peut évoquer d’autres sensorialités, comme le goût et l’odorat. Vacheret parle d’image sensorielle, théorisée en termes de pictogramme par Aulagnier (1975) ou en termes de signifiant formel selon Anzieu (1978). Ces images sont inscrites “aux confins du corps et de la pulsion”, très proche des premières traces mnésiques, et liées à des affects: images et affects ne se détachent jamais. S’ils sont indissociables, ils peuvent être déconnectés des représentations. En réactivant la fonction préconsciente, le Photolanguage© permet de rétablir ces connexions (Vacheret, 2008).
La photographie, en raison de sa matérialité, a un caractère médiateur, puisqu’elle est, simultanément, un élément culturel et social qui acquiert des éléments qui peuvent être associés de manière symbolique. En ce sens, la consigne est que la personne doit faire son choix en silence, et qu’elle peut “être choisie par une photographie”, lorsque cette photographie est devenue une image qui lui évoque “une histoire, un souvenir, un affect”, qui peut être plus ou moins accessible à la conscience. Une photo choisie comme objet médiateur devient, par l’investissement pulsionnel dont elle est l’objet, une image propre à mobiliser les images intérieures, associées à l’affect qui les soutient.
Cette photo sera présentée au groupe et tous écouteront attentivement. Ils pourront tous parler d’eux-mêmes à travers une photographie, dans un espace de sécurité pour que leur imaginaire puisse être confronté à ce qui est produit dans la situation du groupe: ils parleront tous des photos et non directement de chaque participant. En partageant le même stimulus visuel, tout le monde aura pu voir cette même photographie, mais chacun à sa manière. Par la confrontation avec d’autres représentations, le groupe offre les voies d’une représentation symbolique par la constatation que chaque perception est différente de l’autre et que, par conséquent, la perception n’est pas égale à la “chose elle-même”, en détachant l’imaginaire de la réalité. Le médiateur dans le groupe favorise l’activation des protoreprésentations (les signifiants formels), en mettant en images ces vécus corporels d’abord impensables et indicibles, ressentis par le sujet comme étrangers à luimême. L’effet en est la constitution d’un écran pour la projection des fantasmes, c’est-à-dire une enveloppe psychique qui permet que le sujet se distingue en distinguant les autres (Brun, 2013).
Le travail en groupe produit un imaginaire commun aux multiples facettes où les diverses images, individuelles et partagées, vont s’agencer, s’organiser et se transformer par l’associativité déclenchée dans cette situation. C’est un travail de transformation exercé par un appareil psychique formé dans la situation du groupe, à partir des échanges intersubjectifs entre les appareils psychiques individuels. Ainsi, l’animateur du groupe ne procède pas de manière interprétative, comme cela se fait traditionnellement dans la psychanalyse, mais accompagne ce qui est produit dans cette situation, en mettant à la disposition du groupe son propre appareil psychique afin de potentialiser la capacité de production de symbolisation à partir de ses propres associations.
À la fin du groupe, la photographie choisie par chacun ne sera plus vue de la même manière, car bien que la matérialité de la photo reste la même, les images internes, touchées par les images externes, ont été transformées. De même, la thématique travaillée par la parole passe aussi par un processus de transformation C’est dans le préconscient que l’imaginaire va se déployer, s’exprimer et se produire. Le travail effectué par le groupe, basé sur les images et les mots, favorise l’activation de la fonction intermédiaire du préconscient, contribuant par son potentiel de figurabilité, à relier l’image (représentation de chose), l’affect qui lui est associée et le mot (représentation de mot).
À propos des groupes de préparation à l’adoption
Le métacadre, le cadre et la tâche
La préparation psychosociale à l’adoption précède la soumission du requérant à l’avis du Pouvoir Judiciaire, c’est, par conséquent, un processus extrajudiciaire, dont le cadre doit être établi sur différentes bases régissant les institutions juridiques, même s’il est mené par le psychologue judiciaire dans le cas des Tribunaux. Bien qu’il établisse une relation avec la structure institutionnelle légale, le métacadre de ces groupes devrait être situé dans le domaine de la santé mentale. Selon Scorsolini-Comin et Santos (2008, p. 118): «Du point de vue psychologique, de nombreux fantasmes et préjudices imprègnent la trajectoire du processus d’adoption (…) ce qui indique la nécessité d’enquêter de manière approfondie sur les significations attribuées à cette expérience par les parents qui ont adopté ou ont l’intention d’adopter».
L’objectif, dans ce cas, est de: «(…) promouvoir des réflexions sur des questions qui sont liées au processus d’adoption, telles que: la motivation, les attentes, les conceptions, les fantasmes, le secret, la révélation, la différence entre l’enfant idéalisé et l’enfant réel, le temps d’attente, la paternité et la maternité» (ScorsoliniComin, Amato, Santos, 2006, p. 46).
De par son caractère réflexif, la préparation psychosociale peut être un espace de travail privilégié lorsqu’elle devient un moment suffisamment sécurisé pour travailler sur les conflits potentiels, les ambiguïtés, les peurs, les fantasmes et les questions des postulants à propos de l’adoption, sans obligation de l’évaluation de ceux-ci qui se produira au cours de la procédure judiciaire. Confondre les logiques de ces deux métacadres compromet l’objectif et la sécurité de la tâche à accomplir à ce moment-là.
Le cadre qui soutient la tâche proposée dans le dispositif abordé dans cet article doit être basé sur l’écoute du candidat à l’adoption afin de l’aider à mieux comprendre ses motivations et ses résistances, conscientes et inconscientes, à adopter, ainsi que, selon Veuillet-Combier (2018), de mener un travail sur les représentations intrapsychiques et intersubjectives, favorisant ainsi un processus psychologique de transformation de ces représentations.
Pourquoi un dispositif psychanalytique de groupe?
Selon Sequeira et Stella (2014, p. 70) «La préparation des candidats à l’adoption implique la discussion des aspects psychosociaux et juridiques, culturels, éducatifs et la réflexion sur les préjugés et les discriminations qui imprègnent l’imaginaire social». Nous pensons que la discussion de ces points ne devrait pas se limiter aux aspects rationnels puisque, selon Paiva (2005, pp. 73-74), lors de l’évaluation des postulants, «les déterminations subjectives associées aux motifs qui ont donné lieu aux procédures devraient également être observées». Il s’agit d’un travail psychosocial qui vise à contribuer à la formation de liens intersubjectifs de l’adoption, liens simultanément intra-, inter- et transsubjectifs. Par conséquent, nous sommes confrontés à la nécessité d’utiliser un dispositif de groupe qui tient compte, en même temps: de la singularité de chaque sujet du groupe dans sa dimension intrapsychique, des liens intersubjectifs d’un groupe familial composé pour l’ensemble de ces sujets, des croisements transsubjectifs de la culture et de l’inter/transgénérationnalité de ce groupe familial. Le dispositif des groupes de Photolangage© peut se charger de cette tâche car c’est une méthode établie à partir d’une grande rigueur théorique comme démontré ci-dessus.
Les groupes de préparation à l’adoption psychosociale mis en place à l’UPM
Ces groupes de préparation psychosociale des postulants à l’adoption sont proposés depuis 2016. Les candidats sont guidés vers l’UPM par les psychologues du Forum avant d’être évalués. Le profil des participants est principalement constitué des couples hétéro- et homo-affectifs et de postulants à l’adoption unilatérale et monoparentale, qui recherchent dans l’adoption une alternative à la maternité et à la paternité biologiques en raison d’une hypofertilité ou d’une infertilité.
Le travail est mené en groupes fermés de douze participants, en huit réunions de 1h30 chacune. Les séances d’information et de réflexion sont alternées. Bien qu’ils soient prédéfinis, les thèmes peuvent être modifiés en fonction de la dynamique de chaque groupe. En général, les thèmes suivants sont abordés: motivations de l’adoption; qu’est-ce que la famille?; mythes et vérités de l’adoption; aspects juridiques de l’adoption; les lois brésiliennes sur l’adoption; qui sont les enfants et les adolescents enregistrés pour l’adoption?; qu’est-ce que l’adoption?; éclaircissement des doutes sur le processus d’adoption.
Le Photolangage©, est utilisé depuis 2017, dans les séances où l’objectif spécifique est travaillé sur les thèmes “qu’est-ce que la famille?” et “qu’est-ce que l’adoption?”. Pour utiliser cette méthode, il est nécessaire que les étudiants effectuent une formation préalable de douze heures avec un formateur qualifié, selon les directives de la méthode.
Séquence clinique d’un groupe: l’adoption, qu’est-ce que c’est pour vous?
Répondez à l’aide d’une photographie[4]
Prenons comme illustration des fragments d’un groupe de Photolangage© qui a eu lieu à l’UPM. Ce jour-là, la question est: “l’adoption, qu’est-ce que c’est pour vous? Répondez avec une photo”. Le dossier utilisé dans cette séance a été élaboré par Abud (2017) et a été choisi parce qu’il illustre la réalité ethnique de la société brésilienne. Une centaine de photographies du dossier brésilien, avec des photos en couleur et en noir et blanc, ont été mises à disposition. Neuf participants étaient présents, quatre couples et une personne sans son partenaire. Une séance de Photolangage© avait déjà eu lieu dans ce groupe auparavant, lors de laquelle les participants avaient été invités à répondre à la question “une famille, qu’est-ce que c’est pour vous?”.
La première photographie (photo 1) présentée par Daniela dans le groupe est celle d’une situation idéalisée sur ce que serait l’adoption, où prévaut un sentiment de confort et de protection.
Photo 1
Mais bientôt, le climat de protection est rompu par la présentation de la deuxième photographie (photo 2).
Photo 2
Bernardo dit que la chaleur de la photo qu’il a choisie représentait “la chaleur qu’il aimerait donner à l’enfant à adopter”, ce qui évoquerait une “situation opposée au froid d’être seul dans une institution”. Bernardo souligne qu’il est la chaleur et que le feu de la photo représente “la rencontre de l’enfant avec la famille adoptive”. Bernardo a déjà trois enfants adultes avec sa compagne (Barbara), également présente dans le groupe. Barbara avait l’intention de faire une adoption unilatérale, mais Bernardo voulait l’accompagner dans le groupe et Barbara a approuvé son initiative.
Bernardo montre la dissociation entre son angoisse, liée à ses images internes inconscientes sur l’adoption, mobilisées par la photographie; et sa pensée consciente, mobilisée par la question, exprimée par ses paroles. Bernardo peut présenter son angoisse au groupe et à sa partenaire sans en parler, en construisant, par rationalisation, une narration acceptable pour lui, mais ici pour le groupe et sa partenaire, sur ce qu’est l’adoption. Ainsi, un incendie est verbalisé comme la chaleur qu’il voudrait donner à l’enfant. Parler de “sauver un enfant du froid de la solitude générée par sa condition d’abandon” révèle, paradoxalement, que l’adoption peut présenter un nouveau danger pour l’enfant: l’ambivalence des sentiments suscités chez les postulants. Cela peut également être dangereux pour les liens conjugaux: nous voyons sur l’image la silhouette de deux personnes qui se détachent l’une de l’autre. L’inconscient de Bernardo livre un autre indice de ses fantasmes sur son mariage, par un lapsus: il parle souvent de donation au lieu d’adoption[5], indiquant que l’adoption c’est donner quelque chose, probablement de soi-même, pour faire plaisir à sa partenaire. Mais la donation confronte Bernardo à l’ambivalence des affects, et la photographie montre l’agressivité potentiellement destructrice des liens mobilisée dans cette situation.
Si nous devions nous contenter de faire confiance à ce que dit Bernardo sur ce qu’est l’adoption, sans l’aide d’une photographie, nous ne pourrions probablement pas accéder aussi rapidement à l’ambivalence des affects. Ainsi, Bernardo occupe une fonction phorique pour le groupe (Kaës, 2007): il est le porte-parole de l’angoisse sur l’adoption qui n’est pas seulement celle de Bernardo, mais celle que l’adoption suscite chez beaucoup des présents. Il semble, pour le groupe, que l’adoption ne soit pas aussi sûre qu’il y paraît dans la première photo. Bernardo met le groupe dans une impasse en présentant une image, un mot et un affect qui ne sont pas liés, tout en révélant une facette mise en négatif par le groupe sur ce qu’est l’adoption. Comme l’incendie, l’angoisse de Bernardo se propage dans le groupe et l’affect mobilisé doit y être lié. En raison de son potentiel symbolisant, le groupe offre des moyens de figuration à l’affect, à partir de l’établissement de nouvelles associations et liaisons par le biais du travail de l’appareil psychique groupal. La fonction conteneur du groupe est incarnée par un participant, qui renomme cette image pour dénoncer l’incendie qui est là et qu’il faut contenir: il faut éteindre ce feu, car il peut se propager rapidement. Mais l’angoisse est grande, et un participant signale que les personnes sur l’image se sentiraient impuissantes devant le feu. Il parle d’un sentiment partagé de paralysie dans le groupe. L’indignation et le désespoir produits par la dissociation de Bernardo sont exprimés par l’un des participants, disant que les personnes sur la photo “seraient déconnectées et n’auraient pas conscience de la gravité de la situation”. Le désespoir apparaît ici dans le discours d’un autre participant, qui dit que “le feu a peut-être tout détruit” et qu’il n’y avait, peut-être, “plus rien à faire”. Le groupe est pris par l’angoisse qui paralyse. L’associativité produite dans la situation de groupe mobilise les défenses nécessaires pour contenir le feu/angoisse, mais, d’abord, il faut nommer le feu de la photographie comme un incendie et non pas comme de la chaleur. L’un des participants demande de l’aide, disant qu’il faut “appeler les pompiers”. Dans une réparation maniaque, il dit qu’“ils auraient peut-être déjà contourné le feu”. Il n’y aura pas de pompier pour sauver le groupe de cet incendie, c’est le travail du groupe qui doit contenir le feu. Un travail psychique de liaison et de transformation se produira par les associations qui sont déployées dans le groupe, où la capacité de transformation de l’appareil psychique de chacun des participants est mise à la disposition de l’appareil psychique groupal. Il est évident que le travail des animateurs sera fondamental dans ce processus car ils devront mettre leurs propres capacités associatives à la disposition du groupe.
À partir de la photographie, le groupe renvoie à Bernardo son image, comme un miroir qui lui reflète l’affect qui a été mis en négatif, offrant à Bernardo la possibilité de se percevoir, car, jusqu’alors, son angoisse ne lui était pas accessible par la parole. Nous ne savons pas ce que Bernardo a fait de son expérience, mais le potentiel de figurabilité offert par le médiateur (photo) lui permet d’accéder à un travail de connexion entre l’image, la parole et l’affect dans la situation du groupe. Quand Bernardo présente sa photo dans le groupe, il ouvre la boîte de Pandore et, donc, offre à tous la possibilité de travailler sur les propres incertitudes inhérentes à la situation et sur les affects qui les accompagnent, jusqu’alors mises en négatif. Pour l’associativité produite dans cette situation spécifique, Luisa présente la photographie 3 pour dire qu’elle a des difficultés à prendre soin des plantes et qu’elle “n’a que des plantes en plastique”[6] chez elle.
Photo 3
Luisa a manifesté des doutes quant à l’adoption tout au long du groupe de préparation. L’angoisse d’un participant, de ne pas savoir comment sera l’enfant adopté, est figurée par la plante qui cache le visage de l’enfant: “il n’est pas possible de savoir comment est l’enfant”. Cette image évoque, dans le groupe, également la stérilité, ainsi que les mythes associés à une famille “normale”: “une plante qui n’est pas standard sur les photos car elle n’a pas de fleur”. La présentation de cette photographie est très importante pour la continuité du travail du groupe car elle permet à plusieurs fantasmes et mythes des inconscients postulants associés à l’adoption, jusqu’alors mis en négatif, de gagner une place sûre dans le groupe. La photographie suivante (4), présentée par la stagiaire Sylvana, est souvent choisie dans les groupes de Photolangage©, quand nous demandons: “Qu’est-ce que l’adoption?”.
Photo 4
La pulsion de mort apparaît encore projetée sur la plante qui est arrachée du sol, et permet de figurer la déliaison dans le groupe. La figure renvoie le groupe au sentiment de solitude, dans une identification avec l’enfant à sauver: “cette botte semble être abandonnée”. L’immobilité face à la stagnation du projet de parentalité est associée à des difficultés à grandir dans cette circonstance: “L’arbre a grandi sans se déployer, ainsi qu’une personne qui reste stagnante au fil du temps sans se développer”.
Progressivement, le travail du groupe favorise l’entrelacement entre la pulsion de vie et la pulsion de mort par la métaphore de la plante qui était initialement brûlée, mais qui apparaît maintenant comme une pousse solitaire à planter pour qu’elle puisse se développer. Le climat évolue vers une position dépressive et le groupe essaie de réparer l’objet détruit, en cherchant à passer d’une position passive à une position plus active. La pousse évoque le déracinement de l’enfant à adopter, ainsi que la nécessité d’effectuer un travail de “greffe” (Dolto, 1989), travail qui permettra de faire des réparations pour le tissage des liens filiatifs d’adoption. Pour que l’adoption fonctionne, il faut que la greffe fonctionne, il faut que l’enfant prenne racine dans l’arbre de l’accueil, son histoire doit être tissée dans la relation avec les parents adoptifs (Dolto et Hamad, 1989). Et pour accueillir un enfant, «les parents doivent régler leurs comptes avec leurs filiations, leurs héritages et leurs désirs» (Sequeira et Stella, 2014, p. 76).
Par la suite, le groupe peut parler du mythe de l’enfant “sauveur” du narcissisme des parents adoptifs, ainsi que de l’affect suscité par cette situation: Tadeu présente la photo 5 avec des larmes dans les yeux: il est ému en s’imaginant dans une scène comme celle-ci, avec son futur fils, car il aime voyager et aimerait pouvoir le faire avec un fils. Le vide laissé par l’impossibilité d’avoir des enfants biologiques gagne sa place dans le groupe, ainsi que le désir d’adopter. Les mains serrées de l’enfant et de l’adulte illustrent l’espoir que l’adoption puisse établir des liens affectifs.
Photo 5
Après une certaine élaboration du “mythe de l’enfant sauveur” et des affects associés à ce mythe, l’image du feu peut être reprise plus doucement dans la photographie 6 présentée par la stagiaire Manuela.
Photo 6
Elle dit que la flamme allumée représente la transformation, comme celle qui se produit lors de la cuisson des aliments, ou de l’incendie, selon la manière dont le feu est manipulé. Otavio, un participant qui a choisi la même photographie, dit que cette flamme est “une chose subtile et peut représenter de grandes transformations”. Le cadre fermement établi dans le groupe soutient l’enveloppe psychique groupale et assure sa fonction contenante, formant une “marmite” qui permet au feu des affects, d’abord excessivement dangereux, de “cuire” les nouvelles représentations qui s’y produisent. L’appareil psychique du groupe peut exercer sa fonction de liaison et de transformation: un participant dit que le feu transforme le sable en verre, ce qui “peut faire de beaux récipients”. L’angoisse est là, elle n’a pas été déniée, mais la restauration de la fonction de conteneur du préconscient lui permet d’exercer, par les liaisons qui s’établissent, sa fonction de pare-excitation, où la restauration de la capacité de pensée permet de transformer le potentiel destructeur de l’affect en puissance créatrice.
Enfin, la photographie 7, souvent choisie dans les derniers moments des groupes de préparation à l’adoption, a également été présentée dans ce groupe par Andrea.
Photo 7
Un membre a dit que le soutien des pieds par les mains se fait de manière légère. (Dans un autre groupe, un des participants, en choisissant cette photo, avait dit que se préparer à une adoption, c’est faire une “gestation qui se passe en dehors du ventre”). Cette image peut donner de la figurabilité à la fonction contenante des liens de filiation, formés par l’entrelacement des maillons d’une chaîne intergénérationnelle, qui soutiennent les liens intersubjectifs. L’un des participants rappelle que tenir les pieds d’un bébé agité peut le calmer, en référence à la fonction de conteneur que les liens exercent. Grâce au développement d’un terrain de jeu suffisamment sécurisé qui a préservé le contenant, le conteneur et les fonctions imaginaires du groupe, le feu dangereux devient une flamme et le groupe peut se calmer. Dans ses derniers moments, le groupe arrive à une image qui représente bien l’expérience vécue par le groupe et, en même temps, ce qu’est “adopter”: le tissage des liens (les mains), qui, de par leur fonction d’enveloppe psychique, offrent la sécurité nécessaire pour soutenir un processus de développement (le bébé).
Conclusion
À partir des conditions de sécurité offertes par le dispositif de groupe Photolangage©, les participants sont confrontés aux multiples dimensions des images, des affects et des idées mobilisés dans le processus d’adoption. Cependant, il ne s’agit pas d’une expérience totale, qu’ils devraient tous vivre de la même manière. Ce dispositif permet à chaque sujet du groupe de vivre, à partir de ses particularités, une expérience de groupe partagée sur “qu’est-ce qu’adopter?” Le groupe offre un espace de jeu, dans lequel chacun crée, à sa manière, avec l’aide du groupe, ses propres associations entre des affects et leurs représentations. L’adoption ne représente pas la même chose pour tous, et cela doit être respecté au sein du groupe. Chacun devrait prendre ses propres décisions sur ce qu’il convient de faire à propos de l’adoption. Mais la rencontre avec des perceptions différentes peut donner accès, en même temps, à la manière dont chaque sujet se représente (ou non) ce qu’est “adopter” et avoir à sa disposition l’accès à de nouvelles représentations qui sont offertes par le travail psychique du groupe.
Bernardo a pu parler de ses inquiétudes à travers une photographie et a eu, de cette façon, l’espace nécessaire pour élaborer son angoisse, donnant ainsi de la figuration à l’affect suscité dans cette situation. Il pourra donc mieux s’approprier ce qu’il va faire pour résoudre l’impasse que représente, pour lui, la question de l’adoption/donation proposée par Barbara La sécurité du dispositif de médiation permet à Bernardo d’accéder à sa destructivité à travers une photographie, qui fait le lien entre l’image, la parole et l’affect. Si elle n’avait pas été élaborée, l’angoisse de Bernardo quant au processus d’adoption aurait pu déborder directement dans les entretiens. Le groupe de Photolangage© offre donc un espace pour que ces éléments bruts puissent être transformés, à partir de la réanimation de la fonction préconsciente qui est de faire médiation entre les différentes topologies psychiques intrapsychiques, intersubjectives et transsubjectives.
Dans certains cas, nous avons déjà observé qu’après avoir participé à ces groupes, certains postulants ont mis le projet d’adopter en attente, car ils ont pu constater que la décision d’adopter devait être mieux réfléchie, leurs motivations profondes ayant été ébranlées.
Un bon travail préparatoire peut réduire le taux de refus des candidats, ou des engagements trop rapides, mais des recherches approfondies doivent être menées afin de confirmer cette hypothèse. Un autre facteur à examiner à propos de ces groupes serait de savoir s’ils pourraient offrir un support tout au long du processus juridique à d’autres moments du processus d’adoption.
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[1] La session de Photolangage© présentée dans ce travail a été animée par les étudiants Manuela Falcão et Sylmara Vianna.
[2] Dans le système universitaire brésilien, la 5ème année serait équivalente au master professionnel en Europe.
[3] Actuellement, cette équipe est composée des enseignants Fernando da Silveira, Flavia Blistein, Marcelo Neumann et Isadora de Souza.
[4] En présentant cette session à Vacheret, elle a commenté que la question aurait dû être “adopter”, et non: “adoption”, impliquant le sujet dans l’action d’adoption.
[5] En langue portugaise: adoção (adopter), doação (donner).
[6] Giuseppe Lo Picollo a suggéré que ce serait peut-être aussi une allusion concernant de vrais enfants conçus biologiquement et des “faux” enfants (en plastique) adoptés.