REVIEW N° 14 | YEAR 2015 / 1

LA RÉSONANCE DU RÊVE DANS LA PSYCHANALYSE DU COUPLE

Languaje: French
SECTIONS: ARTICLES


La résonance du rêve dans la Psychanalyse du Couple

Cet article est le résultat d’une communication qui cherche à démontrer l’importance de la résonance symbolique du rêve dans le processus  transférentiel et contretransférentiel du couple. Nous abordons aussi l’importance de l’analyse du processus intermédiaire (génogramme) pour comprendre l’impact de l’histoire familiale dans la vie actuelle. Nous croyons que l’interprétation de l’analyste et les reconstructions des patients se passent dans un processus évolutif inconscient en O, qui nous situent dans une position d’ouverture existentielle et dans un cadre d’événements communs de co-constructions psychiques.  Nous présentons une étude d’un cas clinique, un couple en psychanalyse, depuis 3 ans et demi, et nous révèle les quatre phases de leur processus analytique, et nous avons fait une courte explication de notre typologie générationnelle des familles de verre, dans la quelle nous la situons – familles ancres.

Mots-clés  : Résonance,  rêve, évolution en O, processus analytique, familles ancre


La resonancia del sueño en el Psicoanálisis de Pareja

Este artículo surge de una ponencia que pretende demonstrar la importancia de la resonancia simbólica del sueño en el proceso transferencial, intertransferencial y contratransferencial en un psicoanálisis de pareja. Abordamos la importancia del  análisis del proceso intermediario (genograma) para la comprensión del impacto de la historia familiar en la demanda, así como del mapa dinámico vincular, que interfiere en el proceso evolutivo del psicoanálisis: la rêverie  del analista, la interpretación  de los sueños posteriormente, las reconstrucciones narcisistas identitarias de los pacientes que ocurren en un proceso inconsciente evolutivo en O, colocándonos en una posición de apertura existencial y en un cuadro de hechos comunes a los intervinientes.

El psicoanálisis de la pareja estudiada ha sido interrumpido en el transcurso de la RTN (reacción terapéutica negativa) de uno de los cónyuges, después de tres meses e medio de trabajo regular, quincenal. Resaltamos cuatro fases en el proceso psicoanalítico, así como ilustramos la dinámica de la pareja de acuerdo con nuestra propuesta generacional de las familias de cristal, una vez que trabajamos las problemáticas que surgen de las – familias ancla.

Palabras clave: Resonancia, sueño, evolución en O, proceso analítico, familias ancla


ARTICLE

LA RÉSONANCE DU RÊVE DANS LA PSYCHANALYSE DU COUPLE[1]

ANA MARQUES LITO[2]

La résonance est un phénomène de communication inconsciente entre deux sujets ou plus, qui se constitue à la place de l’intersubjectivité par la pensée fluide, instinctive, figurative et imaginative qui découle de la rencontre dans le métacadre analytique du couple et de la famille (Anzieu, 1975; Foulkes, 1948).

La reconstruction psychanalytique de l’histoire familiale vient nous permettre le rêve, la rêverie, en association libre dans la recherche des phantasmes originaux et/ou des nœuds problématiques transgénérationnels condensés dans l’actuelle souffrance qui mobilise la demande. Ce sont des organisateurs psychiques et socioculturels qui ont figé la souffrance des sujets dans la bulle de temps (Lito & Ferreira, In Press).

Dans cette communication nous allons travailler un degré d’incertitude, d’imprévisibilité du processus clinique, dans la co-construction des vérités historiques du matériel associatif verbal, non verbal comportemental et onirique, à posteriori, fourni par le couple dans la rencontre avec l’analyste, qui s’est déroulée tous les quinze jours, pendant trois ans et demi.

L’attention flottante et l’interprétation des rêves vont nous permettre d’atteindre les processus de transformation de la cure analytique, dans les échanges projectifs, introjectifs du récit familial dans le néogroupe constituant.

Ainsi, l’analyse du génogramme de ce couple s’est révélée un processus intermédiaire du récit familial en identifiant dans le mapping générationnel l’hyper valorisation du couple parental, l’émergence d’un couple préœdipien fragilisé par une fantasmatisation conjugale dominée par des représentations fusionnelles et symbiotiques, dans une dynamique agressive passive avec une forte dépendance aux modèles familiaux hérités. La tonalité dépressive apparaît dans le corps groupal/familial, résultat des différentes positions de liens et interpsychiques de ce couple de patients submergés dans le même holding onirique familial (Ruffiot, 1981).

Dans les oeuvres de Freud (1925) à propos du Négatif et des Constructions en Analyse (1937), aussi bien que le concept de l’inconnaissable de Bion (1970) placent l’interprétation de l’analyste et les reconstructions des patients selon les lois de l’inconscient, dans un processus évolutif en O, ce qui nous situe dans une position d’ouverture existentielle et dans un cadre d’événements communs aux intervenants.

Ainsi, notre interprétation est un événement actuel dans une évolution en O, et l’ultime réalité, la chose en soi, une partie qui n’a pas encore été révélée, l’inconnu qui attend la révélation.

Dans le processus que nous allons analyser si d’un côté on trouve la révélation du rêve comme une interprétation du processus analytique transférentiel, intertransférentiel et contretransférentiel que le couple fait pendant l’analyse, d’un autre côté cela se constitue comme un message prémonitoire.

Dans ce sens le partage des rêves dans l’analyse et la rêverie de l’analyste nous a permis l’éveil à l’imaginaire où les images de la réalité subjective des rêveurs se présentent comme un  produit sensoriel et figuratif, où la représentation symbolique  est transformable, du point de vue économique et topique et duquel nous avons pu accéder, à posteriori, non seulement à la confirmation de la valeur prédictive du rêve révélé, comme d’un autre côté confirmer quelques transformations de l’appareil psychique conjugal.

Dans le travail du couple, nous avons vérifié une considérable évolution individuelle dans la dyade conjugale, ce qui permet aux interlocuteurs  dans l’espace du néogroupe couple-analyste, une croissance identitaire dans le monde réel à travers un cadre d’échanges projectifs, d’introjections et même d’intériorisations qui se sont manifestés dans la progressive différenciation entre le Moi et le non Moi, par l’affirmation narcissique dans l’axe générationnel, dans les processus de filiation et  d’affiliation de chacun  et entre eux.

Cependant, par l’analyse actuelle nous pouvons considérer que le processus transférentiel – intertransférentiel – contretransférentiel était encore traversé par l’idéalisation et immaturité du néogroupe constitué une fois que l’imposition des conditions du setting et de l’accord thérapeutique, préalablement établis, ont été confondues et rejetées par un élément du couple ce qui conduit à l’impasse thérapeutique, à la réaction thérapeutique négative (RTN).

La RTN qui s’est matérialisée pendant l’interruption abrupte de l’analyse du couple par un des éléments, soutient l’hypothèse que l’espace analytique ainsi comme la personne de l’analyste étaient vécus et confondus comme un tiers, omnipotent, modèle d’identification intrusive, cible de rivalité et de jalousie dans le triangle couple/analyste. La fonction contenant a été surmontée par le désespoir du patient en reconnaissant la douleur et la culpabilité de son absence à la séance fixée pour le travail clinique du couple. Le psychanalyste à  été surpris par l’expérience vivante de l’attaque au cadre et au lien, à la violence du rêve prémonitoire précédemment révélée.

Qui sont Amália et João ?

Amália et João sont un couple, parents de deux filles adolescentes, une de 15 ans et l’autre de 11 ans. Ils racontent que la vie en famille est devenue trop difficile au début de leur mariage car la naissance et le développement des filles à été traversé par beaucoup de maladies, qui ont perturbé la stabilité du couple. La première fille est née lorsqu’ils sortaient ensemble en tant qu’amoureux et comme dit Amália ironiquement “ma fille aînée à été conçue pendant les entraînements” (elle rigole). Ils se marient après la naissance de celle-ci. Les deux filles ont eu depuis leur plus jeune âge des problèmes respiratoires et des allergies (bronchiolite et asthme) déjà contrôlés chez la plus âgée, qui a été prématurée. Un syndrome d’Asperger, chez la plus jeune, qui n’a jamais été confirmé, la rendu un bébé très difficile qui pleurait beaucoup pendant la nuit. Seulement récemment ils dorment dans leur chambre conjugale la porte fermée. Ils racontent qu’ils sont souvent allés aux urgences à l’hôpital et chez le médecin, quelques hospitalisations et des périodes d’angoisse et de solitude dans la dyade parentale/conjugale, parce que leurs familles d’origine des deux n’ont pas pu les soutenir.

À présent, Amália parle de ses filles comme étant des jeunes qui ont des bons résultats scolaires et ont l’air de correspondre à l’idéal narcissique maternel.

“elles sont comme moi j’ai toujours été, elles sont de bonnes élèves, bien qu’elles n’aiment pas étudier, ce sont des filles intelligentes, coquines avec des caractéristiques de leader à l’école”

Amália est une femme affable, de taille forte, avec une certaine masculinité dans l’allure, avec un rire facile et histrionique. Avec une facilité pour communiquer, elle prend toujours l’initiative et la parole quand elle peut. Amália est une femme qui est venue vivre à la capitale, venue du Nord (du Portugal) avec une amie quand elle avait 20 ans pour fuir d’une dynamique familiale problématique. Elle est venue travailler dans un café du quartier d’une autre amie où elle a connu son futur mari. Amália a étudié au long de sa vie professionnelle et peu après ce travail rudimentaire dans la restauration elle entre dans une multinationale et réalise une ascension  dans sa carrière en informatique et est aujourd’hui dans un poste de chef intermédiaire, dirige une équipe d’hommes, avec une position mise en évidence avec une bonne rémunération. Elle gagne plus que son mari. Amália est la fille d’une phratrie de 4 enfants. Sa mère a toujours eu de sérieux problèmes psychiatriques PMD (psychose maniaco-dépressive) avec des épisodes dépressifs graves et d’autres maniaques qu’elle n’a jamais travaillé. Famille différenciée de la société du Nord. Le père, entrepreneur, homme patient et coopératif qui a procuré la stabilité au foyer. Amália à grandit inscrite dans une famille élargie, en s’identifiant particulièrement avec une tante “mater familles” qui a toujours travaillé et pris soin de tous les enfants qu’elle a eu.

Amália nous ramène de profondes peines avec sa famille d’origine, elle s’est sentie “oubliée” au milieu de ses frères parce que les deux plus âgés ont été les plus investis émotionnellement. Elle raconte qu’elle n’a jamais senti les bras de sa mère, elle était toujours malade à crier, à se plaindre et à la contrarier et chaque fois qu’elle pouvait. Ses frères, au contraire, avaient des privilèges parce qu’ils étaient plus âgés et garçons, ils avaient de l’argent de poche ce qu’elle n’avait pas. Elle devait mendier et s’est sentie exclue, ses plus grand frères étaient l’espoir de la famille. Intelligente mais rebelle elle a décidé de quitter la maison et se faire à la vie… Amália raconte qu’elle a beaucoup de problèmes de santé, des problèmes endocrinologiques avec tendance à l’obésité, ménopause précoce, douleurs musculaires, réactions allergiques alimentaires et de peau, des plaintes qu’elle-même dit :

“ je pense que se sont des problèmes psychosomatiques qui je traîne depuis longtemps, qui me donnent un malaise et je ne sais pas comment les résoudre, je laisse traîner, il y en a eu aussi d’autres importants”

Nous croyons que les maladies psychosomatiques d’Amália viennent fréquemment accompagnées de dissociation du corps féminin. Elle refuse la réalité qui appelle l’activité symbolique du féminin dans le couple conjugal.

João est un homme de grande taille et fort avec un air de fugitif, un visage triste, immobile et rigide qui accompagne le discours de la femme se maintenant silencieux et attentif. Je le sens contraint, avec une posture lourde et abattue. Il accepte mes interpellations et se sent reconnu quand je le convoque à participer. Cela nous est clair qu’il prétend être invisible, ce qui fait transparaître sa rétraction narcissique.

João est le plus jeune fils d’une phratrie de 2 frères dans laquelle la sœur plus âgée de 4 ans, n’a jamais travaillé, elle a un diagnostic de schizophrénie – qui est accompagnée par un psychiatre. João nous raconte que ses parents ont toujours eu de sérieux problèmes conjugaux, que de nos jours encore quand il y a des crises ils appellent leur fils. La conflictualité est fréquente et disruptive. Père et mari abandonniques, nous soupçonnons de périodes d’alcoolisme et d’agressivité, déconnectés du groupe familial dues aussi à sa profession (chauffeur de bus de longs trajets). Actuellement retraités, ils se maintiennent dépendants de João. Amália se plaint des permanentes exigences et intromissions que la famille de celui-ci réalise. Et de forme soumise et immédiate qu’il répond aux demandes. Amália est jalouse et rivalise avec sa belle-mère et sa belle-sœur. João nous racontent qu’il s’est défendu des folies de la famille. Il habitait solitairement dans les alentours de Lisbonne :

“J’ai toujours eu mon monde… à 13 ans je venais le matin à Lisbonne et je revenais seulement le soir, j’allais à l’école et j’ai pratiqué du sport fédéré et de compétition… je n’ai jamais eu beaucoup d’amis et… ni de petites amies. Amália a été la seule femme que j’ai eu et que j’ai (il rit vers elle avec prudence) jusqu’à ce qu’elle veuille, oui on dirait qu’elle en a marre de moi ! ”

 

Le Processus Psychanalytique du Couple

 

  • 1ère phase: Premières consultations, analyse de la demande manifeste et transformation des plaintes individuelles en la demande manifeste du couple. La chose en soi de la demande du couple conjugal est pensée et transformée en chose-vivante, dans une évolution de O – Contrat Thérapeutique (régularité et payements) – séances hebdomadaires, pendant le deux premiers mois.
  • 2ème phase: Mapping des liens, identifier les nœuds problématiques trans-générationnels (Lito & Ferreira, in press), capacité de rêverie du psychanalyste face au récit historique familial-Génogramme des familles ancres (Lito, in press).
  • 3ème phase: Évolution du processus analytique du couple (rêve de prémonition de João et transfert positif d’Amália) – amélioration de la dynamique conjugale et familiale.

Mouvements de résistance au corps néogroupal psychothérapeutique constitué (2ème rêve d’Amália).

– Drop out analytique (confirmation du rêve de prémonition de João).

  • 4ème phase: Situation actuelle – recommencement du processus (?). Dans la co-construction du génogramme le long de la phase initiale du processus analytique nous avons développé des idées à propos de la carte générationnel des liens qui ont supporté le conte onirique familial, la mythopoïése et nous avons revisité les narratives conscientes et préconscientes familiales.

C’est Amália qui nous capte l’attention et qui nous fait le discours explicatif de la raison pour laquelle ils sont là avec nous. Nous interpellons João et celui-ci à beaucoup de difficultés à articuler les idées et à développer la conversation. Celui-ci impose un temps qui se prolonge au point de gérer une certaine tension dans les séances, et une angoisse chez Amália qui la pousse à parler pour lui et, s’avance à clôturer les idées du mari. Elle verbalise la raison pour laquelle elle vient à cette consultation :

“je crois qu’il est temps de nous occuper de notre vie comme couple…j’en ai marre, marre que ce soit moi à pousser la maison, il ne prends aucune initiative, il fait seulement ce que je lui dit, je sors et je dois laisser des repas prêts avant de partir sinon ils mangent de la nourriture faite, de la nourriture en retard et achetée… c’est moi qui dois promener le chien personne le fait, etc. etc. j’en ai marre docteur, soit il change soit notre vie termine, je n’en peut plus… j’ai envie de fuir, disparaître… ”

 

João apparemment indifférent, il écoute ces plaintes et on le sent dévasté par la protestation. Il nous semble que cette protestation est répétitive et fréquente. Il le reconnaît, et interpellé par nous répond à l’ultimatum de sa femme.

“Oui, je n’ai rien à dire, je suis d’accord avec Amália c’est vrai qu’elle est la force de la maison… les filles aussi ne m’obéissent pas je dois tout répéter… d’ailleurs tu dis qu’avec nos filles tout va bien mais ce n’est pas vraiment le cas. Avec toi c’est la même chose… c’est difficile qu’elles fassent ce que tu leurs demande de faire, parfois ça crie tellement que je reste loin, loin je ne veut même pas me mettre entre vous… à leur âge mais c’est aussi normal vous ne trouvez pas docteur? ”

 

Contretransférentiellement nous sentons une empathie envers cet homme soumis et narcissiquement très fragile, aussi médiqué et suivi en psychiatrie avec une dépression. C’est avec souffrance et effort qu’il communique et exprime ses pensées. Son discours est lent dans la conversation, parfois il nous semble perdu à l’intérieur de lui-même. Nous sentons également que pour Amália il lui est difficile d’accepter l’indifférence du mari et vient à la consultation de couple pour que nous le traitions à lui, changez-le “ qu’il devienne plus adéquat socialement et avec de l’initiative”.

Ces situations sont très communes dans les demandes de psychanalyse du couple et/ou des familles. La demande manifeste est clivée par rapport au groupe et, contient une demande latente, un désir et la représentation d’omnipotence d’un qui annihile l’autre. Un c’est le sain et l’autre le patient : une position et un lien sado-masochiste que fait l’alliance du couple.

 

Le psychanalyste de couple et de famille comme personne avec son propre récit familial, son équation personnelle et la mythopoïése à laquelle il ne peut échapper, ne peut pas rester menotté dans la clivage de la demande, de la dyade conjugale aussi bien pour son propre contretransfert.

– pouvoir avoir de l’empathie avec l’un et prendre parti de celui-ci, court le risque de réaliser une coalition contretransférentielle négative avec l’autre. Nous faisons attention à la neutralité et à l’équidistance.

Amália défie son destin et nous sentons son imposition vers l’intrusion. Elle s’efforce à nous démontrer son intolérance face à la dévitalisation de son mari,  elle nous menace avec sa demande paradoxale “ou il change ou je me sépare”. Nous travaillons justement ce paradoxe de la demande manifeste et transformons le désespoir et l’imposition intrusive et pré-traumatique d’Amália dans le risque des conséquences du changement qu’elle impose.

Nous utilisons pour cela un certain humour, si João change, alors il serait différent de l’homme avec qui elle s’est mariée et de qui elle est tombée amoureuse. La réaction d’Amália a été la négation de notre hypothèse un peu provocatrice, mais qui postérieurement s’est confirmé.

Nous interprétons avec le couple conjugal comme traîtres les projections contenues dans les exigences de Amália et dans la résistance passiveagressive de João. Comme tous les deux contribuaient à une dynamique suspendue aux deuils ajournés provenant de leurs nœuds problématiques trans-générationnels, des mémoires et rancunes des histoires familiales de chacun. Les expériences et événements de la vie familiale originelle de chacun des conjoints restent dans l’espace interphantasmatique conjugal comme un vécu non vécu, un vide. La souffrance en silence et somatisée pour les deux,  précurseur de liens narcissistes pathologiques d’attaque-fugue. Jusqu’à quel point ne contribuent-ils pas à reproduire la famille ancre de laquelle ils ont été victime ?

Voyons:

  • Quelles mémoires individuelles et familiales sont-elles répétées dans les difficultés actuelles ? – Familles Ancre ?
  • Ne sont-ils pas saturés des exigences qu’ils ont sentis en tant que couple parental et maintenant plus tranquilles avec un quotidien familial, ne sont-ils pas en train de vivre une période vide (nous pensons au manque de para-excitation libidinale) ?

 

  • Est-ce que la menace qui plane dans votre mariage : la maladie et les séparations fréquentes de la profession d’Amália, des vécus inespérés, abrupts et déstabilisateurs pour le groupe ne seraient-ils pas en train de déstabiliser le continuum familial ?

 

Contretransférentiellement nos interrogations – interprétations ont été éclaircissantes, contenantes et ont trans-formé le néogroupe coupleanalyste dans un travail de groupe, après la première phase.

Le couple a créé une empathie envers nous, ils se sont sentis en sécurité. Ils on avoués que nos interrogations–constructions ont été justes, elles ont été adéquates à leurs inquiétudes et se sont senti reconnus, ils ont baissé la tension conjugale inscrite dans la demande d’aide. Dès que nous avons commencé à donner un nouveau sens aux contenus manifeste aux événements significatifs communs aux parties impliquées, dans une évolution en O, ce qui a fait Amália et João sentir qu’il y avait du matériel et une partie de leurs expériences de vie qui n’avaient pas encore été révélées, pensées ensemble et ont été curieux des nouvelles significations, et de révélations inconscientes.

Malgré que nous fussions l’étranger nous avons été reconnus dans l’espace onirique du couple et comme étant capable de comprendre leurs besoins, un port de sécurité.

Rappelons-nous une des familles de verre que nous avons trouvées dans notre typologie. Les Familles Ancre se caractérisent comme étant “filles” des Familles de Verre ou familles de deuxième génération. Les Familles Ancres se caractérisent comme étant les “filles” des Familles de Verre ou familles de deuxième génération. Elles basent le fonctionnement de l’appareil psychique familial (Ruffiot, 1980), notamment les fonctions du couple conjugal/parental en suppositions phantasmatiques fatalistes qui perpétuent la cohésion, la solidité, le bon ou le mauvais, d’interaction paradoxale, qui tend à élire ou à maintenir un porte-symptôme, qui centralise toute l’attention, et qui préserve la position générationnelle d’union et d’expiation du groupe familial.

Celles-ci sont des groupes familiaux idéalisés comme une unité harmonieuse et une sûreté utopique, mais vécues comme pseudo-unies et pseudo-cohésives.

Amália et João, tous les deux fugitifs des respectives familles d’origine se sont choisis comme partenaires dans le désir d’indépendance mutuel, dans le désir idéalisé de survivre ensemble face à l’abandon primordial dont tous les deux ont été victime. L’héritage est maintenant projeté dans les difficultés conjugales. La précocité des fonctions parentales (soudaine grossesse d’Amália dans une période amoureuse et de retour à la capitale et le début de la cohabitation matrimonial) ajoutées à la résonance négative et accumulées des processus mythopoïétiques inconscients appartenant à leurs familles d’origine – Familles Ancres ont développé des solutions sacrificielles sadomasochistes, qui compromettent l’établissement des liens narcissiques objectaux (Eiguer, 2008).

Suite au travail analytique, nous analysons ensemble état amoureux conjugal qui se caractérise par des dynamiques réactives, d’attaque fugue de la part d’Amália, dès que celle-ci se rend compte qu’elle est liée à João, le long de la période amoureuse d’un an, pendant laquelle celui-ci s’est déclaré et à fait la demande d’aller habiter ensemble. Amália accepte un travail dans sa ville d’origine, et le laisse à Lisbonne. João est allé passer tous les week-ends au Nord pour être auprès de sa bien-aimée mais celle-ci ne reconnaît pas sa tendresse ni son effort et son dévouement. Amália nous transmet que “s’il m’aimait s’était son obligation, moi je travaillais je ne pouvais pas et je ne veux pas être dépendante de lui”. Nous sentons que la réponse réaction d’Amália nous révèle une moquerie sadique et perverse du souvenir de cet épisode.

João se fâche avec elle, se libère dans la séance et révèle réellement la douleur à laquelle il a été soumis. L’exigence omnipotente d’Amália fait réagir des ressentiments à João, ce qui provoque une série de crises conjugales. Amália disparaît ne rentre pas à la maison après la séance et ne répond pas au téléphone. La crise s’installe à nouveau, entre les séances. Amália était prête à se séparer du mari par ingratitude de celui-ci face à l’effort que celle-ci a fait pour maintenir la famille unie.

João se sentant en sécurité dans le néogroupe constitué coupleanalyste, assume le leadership et nous surprend :

 

“Moi je ne quitte pas la maison, je n’abandonne pas mes filles ni ma famille et c’est toi qui doit sortir de la maison si tu veux, tu dois te soigner parce que personne dans la maison ne supporte plus tes cris”

Ces affirmations surgissent explosives et cathartiques face à la colère menaçante de la rupture d’Amália. Ils ont rallumés les mouvements pervers de compétition, les liens tyranniques qu’ils ont tous les deux vécus dans leurs groupes familiaux originaux. Ils les transmettent et les véhiculent tel comme dans le quotidien conjugal :

“Plus tu cries, moins je fais, plus je m’isole, et je deviens plus rigide…mais maintenant quand je me sens attaqué, je ne te fuis pas ni ma famille comme je l’ai déjà fais…”

 

“Effectivement cela est arrivé quand j’étais jeune par rapport á mes parents… mais maintenant je veux rester… ça s’est déjà passé dans ma vie je ne veux plus fuir mais, tu comprends?!”

 

Ils projettent mutuellement les angoisses infantiles et développent en miroir, en identification projective pathologique, les difficultés de chacun : ils répètent dans le processus transférentiel-

contretransférentiel phantasmatique et l’analyste retient la crise de João avec Amália évoquent et évacuent l’abandon originaire et le répètent dans le cadre par les mécanismes pervers narcissiques (nous sommes arrivés à faire deux séances en une semaine).

Amália se maintient en silence nous sentons son impuissance en silence. Elle s’émeut finalement. Elle vit avec nous les limites que João impose et que probablement elle n’avait jamais ressenti à la maison ni dans sa famille d’origine, n’étant pas reconnue ni respectée, oubliée par l’investissement maternel, attaquée par les crises explosives et dépressives de celle-ci, insupportables pour elle, en l’absence d’un père contenant, celui-ci était passif et périphérique, parce qu’il travail et, que probablement ça a été cette accumulation de frustrations et de douleurs sans noms qui ont poussé Amália à venir vivre à Lisbonne quand elle avait 20 ans.

 

João se révèle un  homme qui renaît, père contenant et sûr qu’Amália n’a jamais ressenti jusqu’à présent. João validé par le processus transférentiel et  contretransférentiel positif, empathique et maternel développé au long de notre travail a délivré  et a transformé la colère destructrice d’Amália.

Il lui a rappelé l’effort qu’il a fait pendant la période qu’il l’a visitée au Nord pendant qu’elle a fuit pour aller travailler. Il lui a rappelé des épisodes démonstratifs de sa loyauté et coopération. Malgré tout il veut rester avec elle, parce qu’à l’intérieur de lui il a désiré construire avec Amália la famille qu’il n’a jamais eu ni ressenti, comme il nous l’a dit :

“la famille que je n’ai jamais eu…maintenant je ne veux pas perdre ce que nous avons conquit, même avec tes manies et plaintes, sinon nous ne faisons rien ici….”

La crise conjugale résolue, des périodes cycliques d’approximationséparation se sont développées, parfois des séances où les améliorations étaient évidentes dans un climat d’entente et de décisions conjointes, parfois d’autres séances où il y a avait tendance à répéter les difficultés initiales, ce qui nous indiquait le sentiment d’impasse thérapeutique,  ou même la RTN.

Dans ce va-et-vient contretransférentiel la jalousie, l’envie révélée par Amália était claire par rapport à l’analyste aux transformations réussies de João, malgré la révélation de changements significatifs : plus féminine, elle maigrit, peint les ongles, prend plus soin d’elle-même et nous sentons qu’il y a eu un processus identificateur avec l’analyste. Cependant elle met encore en question l’utilité de l’espace thérapeutique malgré qu’elle soit moins déprimée et plaintive, João plus actif dans la vie familiale, quand surgit le 1er  rêve d’Amália et de João.

 

(Amália) “Cette nuit j’ai survolé toute la ville de Lisbonne, c’était incroyable, quelle sensation”… (Elle rit)

(João)  “Moi je n’ai jamais de rêves, je ne sais pas si je rêve ou pas, mais la seule fois que j’ai fait un rêve et que je m’en suis souvenu c’était en rêvant et ce n’était pas bien du tout… (Il se lève de la chaise et exemplifie), comme ça avec les bras près du corps je volais, comme ça raide et on aurait dit que j’allais tomber, après je ne se sais plus…”

Si Amália fait un rêve transférentiel positif et révélateur des ses améliorations, João nous montre combien il est encore prisonnier de son monde intérieur. Amália plaisante avec lui et nous dit que voler comme ça lui semblait plus comme un missile, idée que nous avons accepté silencieusement. Pourtant, en interprétant mieux l’image et la résonance de ce rêve avec le groupe de supervision, nous comprenons que ce missile pouvait aussi représenter l’œil d’un ouragan comme un superman qui veut se développer, se libérer – comme Amália.

Amália relie le rêve du missile à un épisode du week-end où tous les deux étaient chez des amis et, que malgré le fait que ce soient des amis de longue date, les difficultés de socialisation continuent. Amália provoque le mari avec sa rigidité et le sent comme un poids mort en termes sociaux : il est capable de rester silencieux toute la soirée.

En séance postérieure un deuxième rêve d’Amália surgit, qui manifeste clairement sa difficulté de reconnaître et accepter le (re)naissance de João. Plus João se libère et s’assume comme homme, mari et père actif et dynamique, plus Amália à tendance à déprimer, à nous mentionner qu’elle n’a envie de rien, à la maison elle se fixe sur l’ordinateur à jouer pendant la soirée, ce qui nous veut dire dans le transfert que ce que nous faisons n’est pas encore suffisant.

“Je me voyais pendant le rêve que je faisais, c’était comme dans un film : j’étais dans un hôpital et j’avais tout oublié, le cerveau avait gonflé, et je ne me souvenais de rien et je ne comprenais pas ce qu’il se passait mais les personnes parlaient avec moi, le médecin et l’infirmier. Je parlais avec eux en espagnol courant, et après un autre médecin est venu en anglais et j’ai parlé couramment en anglais et après ils me montraient des personnes et moi je ne les reconnaissais pas, personne…, mais petit à petit j’ai identifié mes filles, vaguement leurs visages mais je n’ai pas reconnu João… quelque chose de très étrange… un médecin m’a dit que ma mémoire allait revenir et que j’avais une allergie…..” (Une allergie au mari et à nous)

L’impasse dans le processus analytique du couple que nous étions en train de vivre a été activée par la projection de l’envie d’Amália du néogroupe constitué. Celle-ci doit devenir malade, pleine de pensées et sans désirs d’amour ni mémoires pour pouvoir sortir de son masochisme destructeur. Nous avons travaillé comme il était difficile pour elle l’évolution du mari, les initiatives de celui-ci, la croissance et autonomie des filles et même la perte de la place mise en évidence qu’elle a toujours eu, contrôleuse et leader de la famille. Elle vit l’impossibilité d’être bien, heureuse et plus libre de responsabilités.

Voici qu’en Juin de cette année-ci, après 3 ans de travail, après une séance à laquelle le couple à manqué et l’analyste remet la règle du contrat, payer la séance manquée. Une réaction brutale surgit chez João, il se lève de la chaise comme un missile, celui dont le rêve nous avait révélés, ou le superman en action, quand confronté avec la règle. – “Moi je ne paye pas, moi je ne paye pas!”

Je n’arrive presque pas à le dissuader, il prétend abandonner la salle et quitter la séance. Amália cherche à le calmer. Il finit par écouter perturbé. Il finit par nous dire que nous l’avons déjà beaucoup aidé, il se sent beaucoup mieux – il n’est plus sous médication psychiatrique, il se connaît mieux et reconnaît qu’il est capable de grandir seul parce qu’il a appris beaucoup avec nous. João continue ferme dans sa décision. Il affirme à nouveau catégoriquement qu’il ne reviendra pas aux consultations, cependant nous avons maintenu et informé le couple que nous maintenions la consultation suivante, en les attendant tous les deux. La tension qui s’est ici révélée pourrait être résolue, pourrait être resignifiée et calmée.

João a confondu l’espace thérapeutique avec un espace familial inconditionnel. Il devrait comprendre les raisons pour lesquelles l’analyste lui présente la règle du cadre. Il confond l’amour inconditionnel maternel avec le travail de l’analyste. Dans cette suite Amália se présente à la séance suivante toute seule et nous dit qu’elle le connaît très bien et qu’elle suppose qu’il va prendre beaucoup de tempos à revenir.

4ème phase: follow-up téléphonique

Nous avons parlé avec João la semaine passée. Il est resté très enthousiaste avec notre contact mais avec certaine résistance. Nous avons proposé que ce soit lui à inviter Amália a réalisé une séance sans compromis pour “le point de la situation”.

Nous croyons que la position de pouvoir acquise par les améliorations de João, dans sa rigidité psychique viendra se constituer comme des dispositifs défensifs et offensifs par rapport à sa femme et à l’analyste. Il s’empêche inconsciemment de revenir et continuer l’analyse qui lui plaît. João prétend manifester sa non soumission aux femmes, processus qui se répète, dans le néogroupe couple-analyste, qu’il a vécu dans sa famille d’origine. Quand il était jeune, il sortait tôt le matin de chez lui et revenait le soir pour fuir à sa mère dominatrice et à sa sœur malade de schizophrénie.

Après cette explosion d’attaque au lien et au setting, l’arrogance et les revanches du noyau dépressif de João semblent bloquer tout recommencement de travail analytique.

Cependant, nous attendons… !

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Bibliographie

Freud, S. (1925). A NEGATIVA. In: O ego e o id e outros trabalhos. Freud, Traduzido sob a direção geral de Jayme Salomão. Rio de Janeiro: Imago, 1996. (Edição Standard Brasileira das Obras Psicológicas Completas de Sigmund Freud, v.  XIX, p. 261-269).

Freud, S. (1937). Construções em análise. In: Moisés e o monoteísmo, esboço de psicanálise e outros trabalhos. Tradução sob a direção de Jayme Salomão. Rio de Janeiro: Imago, 1975. (Edição Standard Brasileira das Obras Psicológicas Completas de Sigmund Freud, v. XXIII, p. 289-304).

Anzieu, D, (1975). Le groupe et l’inconscient. Paris : Dunod.

Bion, W. (1970). Atenção e Interpretação. Rio de Janeiro: Imago.

Eiguer, A. (2008). Jamais moi sans toi. Paris: Dunod.

Foulkes, S. H. (1948) Introduction to Group Analytic Psychotherapy. London: Heinemann.

Lito, A. M. (2010). As Famílias de Vidro: Discursos Inacabados…Mosaico, 46,20-25.

Ruffiot, A. (1981). Le groupe-famille en analyse. L’ appareil psychique familial. In A. Ruffiot et al. (Orgs.). La thérapie familial psychanalytique (pp. 1-98). Paris: Dunod.


[1] Communication présentée dans le 1er  Colloque International de Lisbonne organisé par la POIESIS e par l’AIPCF intitulé ‘Le Rêve dans la Psychanalyse du Couple et Famille’.   

[2] Doctorat en Psychologie Clinique, psychanalyste et professeur  à l’ISPA et ISCSP-UL ; Membre  du groupe fondateur  de la POIESIS.  Rua Tomás da Fonseca, nº 44 – 9º C Lisboa.

anamarqueslito@gmail.com


International Review for  Couple and Family Psychoanalysis

IACFP

ISSN 2105-1038