REVUE N° 28 | ANÉE 2023 / 1

Relations amoureuses dans les années tardives


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Relations amoureuses dans les années tardives

Tomber amoureux à l’adolescence fournit le modèle de sentiments qui naissent aussi à un âge avancé. L’auteur souligne que les caractéristiques sont alors les mêmes qu’à l’adolescence et se propose d’en rechercher d’autres qui éclaireraient des aspects méconnus de la relation amoureuse. Sauf pathologie narcissique ou répétition masochiste, une profonde intimité se crée dans le couple à travers le partage du sentiment d’insécurité lié aux risques de l’âge (maladie, dépendance, limitation du temps de vie), à travers aussi le partage du monde interne de l’autre par la connaissance de son passé. Cette intimité admet une sexualité plus libre intégrant des éléments pervers polymorphes infantiles. Théorisant l’évolution de la constellation œdipienne la vie durant, l’auteur montre les cheminements croisés qui conduisent la femme vers la maturité sexuelle et l’homme vers une relation objectale approfondie. La situation idéale décrite isole des potentialités qui vont à l’encontre de l’idée conventionnelle selon laquelle l’amour passionné devient peu probable avec l’âge et permettent de mieux comprendre la psychopathologie amoureuse.

Mots clés : Relation amoureuse, constellation œdipienne, vieillissement, intimité, vie sexuelle.


Las relaciones amorosas en los años tardíos

Enamorarse en la adolescencia brinda el modelo de sentimientos que nacen también a una edad avanzada. El autor subraya que las características son entonces las mismas que a la adolescencia y se propone ubicar otros ejemplos que aclararían aspectos desconocidos de la relación amorosa. Salvo patología narcisista o repetición masoquista, una profunda intimidad se crea en la pareja a través del compartir el sentimiento de inseguridad ligado con los riesgos de la edad (enfermedad, dependencia, limitación del tiempo que resta), también el compartir el conocimiento de su pasado. Esta intimidad admite una sexualidad mas libre que integra elementos perversos polimorfos infantiles. Teorizando la evolución de la constelación edípica de toda la vida, el autor muestra los senderos cruzados que conducen la mujer hacia la madurez sexual y el hombre hacia une relación mas profunda. La situación ideal descrita aísla potencialidades que se oponen a la idea convencional según la cual el amor apasionado es poco probable con la edad y permite comprender mejor la psicopatología amorosa.

 

Palabras clave: Relación amorosa, constelación edípica, envejeciliento, intimidad, vida sexuelle.

 


Love relationships in the later years

Falling in love in adolescence provides the model for feelings which can also occur in later life. The author shows that the characteristics are the same as in adolescence and proposes to uncover others characteristics which illuminate some little known aspects of love relationships. Except in the case of narcissistic pathology or masochistic repetition, a deep intimacy is created through a shared feeling of insecurity related to the aging process and the passage of time, and also by sharing an internal world with the partner through the knowledge of his or her past. This intimacy allows more sexual freedom integrating polymorphous perverse infantile elements. By theorizing the activity of the œdipal constellation throughout the lifespan, the author shows the progression that brings women towards sexual maturity and men towards a deeper object relationship. The ideal situation which is described brings out potentialities which run counter to the conventional idea that passionate love becomes unlikely with age and allows a better understanding of psychopathology of patients in their love life.

Key words; Aging, intimacy, love relationship, oedipal constellation, sexual life


ARTICLE

Tomber amoureux constitue le premier stade dans le développement d’une relation amoureuse. Dans la littérature psychanalytique aussi bien que dans celle consacrée à la psychologie générale, ou encore dans la poésie et les arts, la représentation typique qui en est donnée se rapporte aux relations amoureuses des adolescents. Roméo et Juliette constituent le paradigme du fait de tomber amoureux, de l’idéalisation mutuelle des amants, ceux-ci réalisant, comme l’a suggéré Alberoni (1987), une

“révolution à deux”. Cependant, l’expérience clinique ainsi que l’expérience de la vie tout simplement, révèlent que le processus et l’expérience de tomber amoureux et d’établir une relation amoureuse passionnée ne se limite pas aux adolescents ou aux jeunes adultes, mais peut advenir à n’importe quel moment de la vie. Des relations amoureuses passionnées peuvent se développer à un âge avancé, avec toutes les caractéristiques des relations amoureuses de l’adolescence – l’idéalisation mutuelle et leur intimité sexuelle, leur rébellion implicite contre la vie quotidienne du groupe qui les entoure, contre le réseau social qui poursuit des activités de travail ordinaires tandis que le couple amoureux crée un monde secret, transcendant (Kernberg, 1995). Ces choses peuvent s’observer auprès de couples de plus de soixante ou soixante-dix ans, et probablement même au-delà. La question qui m’intéresse est de savoir si de telles relations amoureuses à un âge avancé présentent des caractéristiques particulières qui les différencient des relations des jeunes années, et si ces caractéristiques peuvent jeter une lumière sur des aspects de la relation amoureuse insuffisamment reconnus dans les observations portant sur les adolescents et les jeunes adultes.

Attitudes embarrassées

La première observation qui frappe lors de l’exploration de cette question, est celle d’une résistance bien spécifique à l’égard même de cette exploration, dans le sens d’une attitude embarrassée, comme Martin Begmann (communication personnelle) l’a remarqué. En même temps se manifeste une certaine conscience de l’ombre portée sur la relation par le fait de la courte durée de vie restant devant elle, avec la maladie, l’incapacité et la mort comme perspective réelle, ceci étant très différent du thème de l’amour et de la mort dans l’adolescence, tel qu’il se reflète dans la littérature sur l’amour romantique. Ayant eu l’occasion d’étudier des relations amoureuses de patients âgés en thérapie, aussi bien que celles de couples bien portants, dans les soixante ou soixante-dix ans, et le privilège d’observer ces développements dans le cadre d’un réseau social d’adultes âgés, j’ai été frappé par certains points qui revenaient régulièrement au cours des relations amoureuses dans ce groupe d’âge.

Tout d’abord, l’intensité de l’expérience érotique de ceux qui tombent amoureux dans la seconde moitié de la vie est remarquable, et de fréquents témoignages d’adultes dans les 50, 60 et 70 ans indiquent que les expériences sexuelles trouvées dans leur nouvelle relation restaient inégalées par leurs expériences précédentes, même satisfaisantes. Les premières rencontres d’un nouveau couple sont souvent marquées par la timidité et l’insécurité, par les craintes typiques des femmes de ne pas être assez attirantes, de montrer la marque des ans à travers les modifications corporelles, leurs craintes de décevoir un nouvel amant par leur corps et par quelque inhibition sexuelle qu’elles éprouvent encore ou craignent d’éprouver à nouveau. Les hommes éprouvent des soucis semblables, craintes à propos de leur puissance, crainte de décevoir une femme pouvant avoir eu d’autres expériences sexuelles gratifiantes, craintes concernant leur aspect physique qui reflète leur âge.

Mais là apparaît une nette divergence entre les couples sains et ceux qui présentent des défenses pathologiques contre la blessure narcissique provenant d’une inadéquation sexuelle réelle ou imaginaire, ou des tendances masochistes graves. Ces personnes, et cela n’a rien de surprenant, se rétractent sur un mode défensif quand leur sécurité est mise à l’épreuve, dévaluent narcissiquement le partenaire, ressentent un nouvel engagement comme une invasion et une perte d’autonomie, ou se mettent à éprouver du ressentiment à l’idée de s’impliquer dans les schèmes et relations existentiels complexes d’une autre personne ayant une expérience de la vie à la fois complète et différente. Les patients gravement masochistes tendent à répéter leurs compulsions inconscientes à ruiner la nouvelle relation par leurs demandes intempestives ou par leur hypersensibilité à toute déception, par leur adhésivité infantile ou encore la poursuite d’attitudes sexuellement refoulées, rationalisée sous la forme d’un rejet conventionnel de l’érotisme à un âge avancé.

Les couples sains, par contre, peuvent avoir une expérience nouvelle et inattendue d’ouverture mutuelle, manifester une tolérance réciproque à l’égard de leur propre insécurité initiale, et peuvent développer leur aptitude à partager leurs sentiments d’insécurité avec un partenaire aimé. Ceci reflète une nouvelle ouverture à soi-même, ainsi qu’une aptitude croissante à une relation confiante avec le partenaire aimé. À un niveau plus profond, une idéalisation croissante du corps de l’autre se met en place, au fur et à mesure que l’appréciation portée à sa personne évolue vers une combinaison de désir érotique et de tendresse. Le sentiment initial d’insécurité et la timidité tendent à se résoudre rapidement par l’empathie et la compréhension mutuelles, et à évoluer en une expérience sexuelle intense et remarquablement libérée qui tolère l’intégration de la sexualité infantile perverse polymorphe dans leurs jeux sexuels, leurs fantasmes et leur “activité”.

Les couples aux stades tardifs de l’existence présentent une diminution typique des inhibitions dérivées des interdits inconscients de certaines activités sexuelles, avec la jouissance, par exemple, de jeux sexuels et d’activités orales et anales qui n’aurait pas été possible au cours de relations antérieures. On voit là une décroissance des pressions internes du surmoi, aussi bien que de la tendance à se projeter mutuellement des interdits surmoïques, décroissance qui résulte de l’intimité de leur communication concernant leurs craintes anciennes et leurs vieilles restrictions. Quand ils contemplent leur avenir, ils éprouvent avec acuité le passage du temps, la durée limitée de la vie, et la conscience du fait, selon les mots de Jacob Arlow

(communication personnelle), que le temps sera en fin de compte le “vainqueur” œdipien. Par protestation, ils se lancent dans une rébellion commune contre l’ultime adversaire œdipien. Concrètement, ils voient le temps qui reste comme trop court pour le gaspiller par des inhibitions ou pour remettre à plus tard des expériences. Ils peuvent aussi partager une vue plus mature sur l’irrationalité des prohibitions infantiles à l’égard de la sexualité, qui ont, à divers degrés, réglé leur vie dans le passé. Bref, ces couples peuvent faire l’expérience d’une expansion du domaine du moi, dans le contexte d’une sensation excitante de révolte contre les attitudes conventionnelles à l’égard de la sexualité à un âge avancé.

En fait, la moralité conventionnelle dirige les interdits sexuels tant contre la sexualité infantile en supposant l’“innocence” de l’enfance, que contre la vie sexuelle des personnes âgées, dont l’érotisme est souvent dépeint comme honteux, décadent ou ridicule. L’idée de nature culturelle selon laquelle l’intimité sexuelle nécessite des corps parfaits des adolescents reflète la projection des interdits œdipiens éprouvés par les enfants qui supposent que leurs parents ne jouissent pas de relations sexuelles, et par les jeunes adultes qui font la même supposition concernant leurs parents qui prennent de l’âge. La morale conventionnelle, le reflet de l’interdit et de la culpabilité œdipiens, culturellement partagée ainsi que la culpabilité dénient de la sorte une jouissance sexuelle complète en dehors du domaine d’âge étroit qui lui est assigné dans les images préparentales qui se forment dans l’enfance et le début de l’adolescence.

La rébellion implicite contre l’idée conventionnelle d’un comportement contrôlé, mesuré, soucieux de bien présenter, et dépourvu de passion, de la génération âgée, s’exprime à travers le jeu érotique du couple âgé et par l’excitation face à la liberté sexuelle du partenaire, une excitation accrue par le contraste entre cette liberté et le comportement social conventionnel du dit partenaire. Il se peut fort bien que le contraste entre la version étriquée de l’intimité sexuelle tolérée par les clichés conventionnels et la réalité de la relation secrète du couple sexuel atteigne son point culminant au cours des relations amoureuses de l’âge avancé. La collusion érotique du couple âgé rejoue les formes que la révolte œdipienne prend au cours de l’adolescence, mais désormais imprégnée d’une prise de conscience élaborée de cet écart existant entre les comportements adultes conventionnels, et le monde privé de l’extase et du ludique.

Cette révolte œdipienne peut à présent balayer les restes d’interdits sexuels et pousser à la recherche d’extrêmes de plaisir jusqu’à présent inexplorés, ceci par défi porté à la limitation du temps.

Idéalisation du corps

L’idéalisation du corps de la personne aimée peut en outre inclure des aspects liés à l’âge, ceci en relation avec l’image des figures œdipiennes, glissement qui, en incorporant l’histoire d’une vie dans l’appréciation esthétique du corps, va à l’encontre des normes conventionnelles de la beauté. Un patient avait, durant son adolescence, admiré l’épouse d’un ancien professeur idéalisé. Il avait eu une relation sociale avec ce couple beaucoup plus âgé, et avait toujours été effrayé par les critiques sévères de l’épouse du professeur, qu’il se rappelait accompagnées d’une expression particulière de ses yeux entourés de rides. Environ quarante ans plus tard, il rencontra une femme, dont l’intelligence aiguë et la grâce l’avaient tout d’abord attiré, et dont il tomba amoureux. Séparé d’elle pendant de longues périodes en raison des obligations professionnelles qu’elle avait dans d’autres parties du pays, il passait beaucoup de temps à contempler sa photographie dans son studio. Il aimait particulièrement l’expression de son visage, les rides autour de ses yeux, dont ellemême s’était plainte à un moment donné, inquiète de son vieillissement. Il lui avait affirmé que ses yeux étaient une des choses les plus attirantes en elle. Il ne prit conscience que quelques semaines plus tard, au cours d’une séance, du fait que ce qu’il aimait dans ses yeux se trouvait en résonance avec l’image de l’épouse de son professeur, rattachant ainsi son amante à son adolescence et à la reviviscence de sa romance œdipienne.

Donald Meltzer (Meltzer et Williams, 1988) a suggéré que l’idéalisation infantile libidinalement investie de la surface du corps de la mère est à l’origine de l’aptitude au sentiment esthétique ; la contrepartie de cette idéalisation est la projection de souhaits et de craintes agressifs vers l’intérieur du corps de la mère, ceci menant à un large spectre de craintes hypocondriaques potentielles, ainsi qu’aux manifestations les plus primitives de l’angoisse de castration chez les patients à psychopathologie sévère, infiltrée d’agressivité. J’ai suggéré dans un travail précédent (1995) que cette constellation dynamique explique la plus grande crainte qu’ont les hommes du corps vieillissant de la femme, comparée à celle des femmes à l’égard du corps vieillissant de l’homme, qui peut, au contraire, évoquer les composantes érotiques des désirs œdipiens de la femme. Chez les deux participants à une relation érotique à un âge avancé, nous pouvons constater que l’idéalisation de l’autre inclut à présent des manifestations du processus de vieillissement en soi, ceci peut-être en tant qu’idéalisation sublimatoire des manifestations du temps, précédemment craintes car représentant symboliquement les effets de l’agression.

On peut considérer que l’acceptation du caractère inévitable de la vieillesse et de la mort, incorporé à présent dans l’idéalisation du corps, exprime l’affirmation du triomphe œdipien et de la reconnaissance pour la vie, dans un contexte tenant compte de ses limites.

Masculin/féminin

Une évolution curieuse se produit à l’âge avancé dans le rapport entre le désir érotique et l’amour passionné. J’ai proposé dans un travail précédent (1995) que les modes de développement masculin et féminin de l’intégration de l’excitation sexuelle avec la tendresse étaient différents. Le petit garçon garde habituellement la conscience ininterrompue de son excitation génitale, dès la petite enfance par la masturbation infantile précoce et qui se poursuit par la liberté relative de l’homme en matière de rapports sexuels et d’orgasme. En même temps, les interdits œdipiens et la relation ambivalente du petit garçon à la mère se transfèrent à toutes les relations avec les femmes, créant des difficultés potentielles à l’établissement d’une relation objectale en profondeur qui intégrerait les aspects érotiques et idéalisés, libidinaux et agressifs, des relations internalisées à l’objet maternel. Cette difficulté s’exprime typiquement dans la dichotomie Madone/prostituée de l’adolescence, et sa fixation pathologique à l’âge adulte chez l’homme. Chez les hommes, la liberté sexuelle s’établit aux dépens de la capacité à établir une relation objectale en profondeur avec une femme, et à intégrer la liberté sexuelle dans une telle relation amoureuse. Dans le cas des femmes, au contraire, l’absence typique et inconsciente de stimulation maternelle de la génitalité de l’enfant, mène à des inhibitions précoces de la sexualité vaginale, ainsi que cela a été décrit par Braunschweig et Fain (1971), avec une inhibition des relations érotiques de la petite fille avec la mère. Ceci contribue au transfert de ses aspirations érotiques sur le père, c’est-à-dire, à la mise en place de l’aptitude à une relation en profondeur avec un objet distant. Ce pas “courageux” facilite, dans le cas de la femme, l’acquisition de l’aptitude à une relation amoureuse objectale en profondeur, ainsi que la réalisation ultérieure de la découverte de sa pleine sexualité vaginale dans le contexte d’une relation amoureuse adulte. La pathologie féminine la plus fréquente consiste, de ce point de vue, en un certain degré d’inhibition sexuelle dans le contexte de l’établissement d’une relation amoureuse satisfaisante. J’ai conclu, dans ce travail précédent (1995) qu’en fin de compte, arrivant ensemble à partir de voies de développement opposées, les hommes et les femmes parviennent à la même capacité de synthèse entre libération sexuelle et relation objectale en profondeur, et qu’en fait, l’amour-passion est précisément la marque de cette synthèse entre désir érotique et amour tendre.

À présent, à la lumière de l’observation de relations amoureuses chez des couples âgés, je suggère que ce développement continue à l’âge avancé, avec un surprenant renversement des rôles. Des hommes tombant amoureux et établissant une relation amoureuse passionnée à un stade avancé de leur vie font souvent l’expérience exaltante que leur amour intense pour une femme transcende de nouvelles façons leur désir érotique, que l’amour devient un pont vers l’intimité sexuelle. Dans leur fusion amoureuse avec la femme qu’ils désirent, ils font l’expérience d’un sentiment de sécurité et de certitude totales concernant leur amour, et d’un sentiment de gratification débordant d’avoir trouvé l’objet amoureux de leur vie. L’amour, semblerait-il, devient un moyen d’accomplissement du désir érotique, reproduisant ainsi, pourrions-nous dire, les caractéristiques initiales de la maturation des jeunes femmes. Les femmes, au contraire, qui tombent amoureuses à des stades tardifs de leur existence, peuvent éprouver une liberté du désir sexuel qui devient le pont vers l’amour de l’homme qu’elles ont à présent trouvé. Un patient dans la soixantaine disait en plaisantant à son amie : « Je crains, parfois, que tu ne me traites que comme objet sexuel et que mes sentiments et ma personnalité ne t’importent pas.”

L’idéalisation masculine du corps de la femme aimée peut mener à un lien focalisé, exclusif, du désir érotique à cet objet spécifique, à tel point qu’il en résulte une transformation sublimatoire qui affecte la stimulation sexuelle qu’eût jadis éveillée en cet homme la contemplation, dans l’art ou dans la nature, du corps d’une autre femme. Ceci conduit alors à un nouveau sentiment de gratification totale et à l’accomplissement des désirs de la vie dans l’intimité sexuelle avec cette amante. Chez les femmes, on observera une nouvelle “réconciliation”, pourrait-on dire, entre sensualité clitoridienne et vaginale. Alors qu’elles avaient, durant une partie significative de l’âge adulte, ressenti une subtile incompatibilité entre la stimulation clitoridienne en tant qu’auto-gratification, et l’excitation vaginale dans le don passionné d’elles-mêmes à un homme, elles acquièrent à présent la capacité d’intégrer rapport sexuel et auto-stimulation, ainsi qu’érotismes clitoridien, vaginal et anal. Du point de vue de la permanence de la structuration de la vie amoureuse par la constellation œdipienne, il est significatif que beaucoup de relations amoureuses des années tardives soient des retrouvailles avec un objet amoureux que l’individu avait connu bien antérieurement dans sa vie. Ceci inclut la redécouverte d’un (une) ami(e) ou amoureux(se) de l’enfance ou de l’adolescence, après le décès du conjoint ou un divorce, parfois par l’effet du hasard, mais souvent par la recherche active de rencontres avec une autre personne qui ait de l’importance, après des décennies de vie complètement séparée et sans relation. Cette sélection d’un objet amoureux représente en partie, quand il s’agit d’un objet particulier qui avait semblé interdit ou inaccessible dans le passé, un effort en vue de résoudre des aspects toujours actifs des désirs ou interdits œdipiens. Il peut représenter aujourd’hui la résolution sublimatoire d’un choix objectal incestueux. Martin Bergmann (1987) a suggéré que toutes les nouvelles relations amoureuses constituent des pas vers la résolution d’aspects incestueux d’une relation, et il a proposé l’idée que, s’il n’y a plus de désir incestueux “disponible” comme motivation du ça, il n’y a plus de capacité à développer une nouvelle relation amoureuse (communication personnelle). Dans tout ce qui a été dit jusqu’à présent on retrouve implicitement mon point de vue, dérivé de l’approche des psychanalystes français, selon lequel la constellation œdipienne ne constitue pas seulement une phase du développement psychosexuel ainsi que le conflit inconscient dominant de l’enfance, mais bien une structure permanente organisatrice de la dynamique inconsciente au cours de la vie entière (de Mijolla, A. et de Mijolla Mellor S., 1996).

Trouver-retrouver

Une patiente dans la soixantaine tomba profondément amoureuse d’un homme qui avait représenté une figure paternelle pour son défunt mari et développa une relation amoureuse pleinement satisfaisante avec cet homme nettement plus âgé, et ceci pour le restant de sa vie. Une autre femme, au milieu de la soixantaine, rencontra par hasard, après des années de relations non satisfaisantes avec divers hommes, un de ses amoureux du début de l’adolescence, ce qui mena à une relation qu’elle vécut comme le grand amour de sa vie. Un patient au début de ses soixante-dix ans trouva une relation profondément gratifiante avec une femme du pays où il avait passé les années formatrices de l’adolescence.

Deux éléments sont extrêmement fréquents dans les relations amoureuses tardives: retrouver un objet d’amour perdu et faire une nouvelle rencontre qui contraste avec les frustrations traumatiques d’une relation passée. Dans le contexte de la nouvelle relation amoureuse, des aspects des frustrations et des désirs œdipiens passés peuvent être revécus et surmontés d’une manière parfois spectaculaire. Un patient qui avait établi une relation amoureuse avec une femme d’un pays étranger parlant la langue de son enfance se surprit à fredonner des chansons enfantines alors qu’il reposait, heureux, dans ses bras, au milieu de la nuit. Une patiente se trouva en train de pleurer dans les bras de son amant, se rappelant la mort de son père et des fantasmes érotiques plutôt intimes à son propos, fantasmes qu’elle avait combattus durant les dernières semaines de sa maladie, un souvenir pénible qui lui était resté pratiquement inaccessible pendant bien des années et dont elle put finalement se libérer en le partageant.

Un fait majeur qui émerge à travers tout ce qui a été dit jusqu’à présent concernant les relations amoureuses tardives est leur effet libérateur par rapport aux restrictions surmoïques apportées au désir érotique et à l’intimité. Le glissement de l’équilibre entre moi et surmoi reflète sans doute la confluence d’une maturation psychologique progressive tout le long de la vie, du fait de se rendre compte, consciemment ou inconsciemment, du passage du temps, ainsi que de la sagesse de l’expérience d’une vie. Il reflète aussi la libération graduelle par rapport à la soumission à l’idéologie conventionnelle, lors de l’analyse des rapports entre le couple et le groupe (Kernberg, op. cit.).

Incontestablement, il existe bien des cas où une telle évolution ne se produit pas, quand le processus du vieillissement et l’âge avancé semblent simplement accentuer et faire empirer des traits de caractère dérivés d’un surmoi immature, rigide et punitif. Ces personnes âgées expriment une soumission aux conventions, défendue avec rigidité, et une dévalorisation cynique et amère de la possibilité d’une relation amoureuse, reflétant par là une combinaison d’envie inconsciente à l’égard des couples heureux et la reconnaissance implicite de leur incapacité, leur vie durant, à aimer et être aimées. Quand j’opposais pathologie et normalité au début de cet essai, je focalisais mon intérêt sur les implications de la maturité dans le domaine de la sexualité et de l’amour. La maturité dans le domaine sexuel reflète ce que l’on a appris par l’expérience des relations amoureuses dans le passé ; elle reflète aussi un compromis avec sa propre personnalité telle qu’elle a pu évoluer dans le contexte d’une relation amoureuse de longue durée, comme un mariage sur plusieurs décennies, ainsi que la capacité d’apprendre tant sur son propre comportement que sur celui de son partenaire.

En tant qu’expression de maturité émotionnelle, tomber amoureux à un stade avancé de la vie inclut une idéalisation romantique de la personne aimée, l’expression d’une profonde intuition concernant ce qui manque encore dans sa propre vie et requiert d’être complété. Cela signifie aussi l’évaluation en profondeur de l’autre personne, ceci en relation avec ce que l’on sait de la manière dont on peut envisager d’évoluer soi-même à l’intérieur de la nouvelle relation. Il existe, bien entendu, toujours un élément d’inconnu dans toute nouvelle relation amoureuse, mais il y a aussi une intuition croissante de ce qu’une vie ensemble peut promettre, et l’excitation de cette promesse disperse les ombres d’attentes frustrées dans le passé. De plus, des relations amoureuses dans un contexte de maturité émotionnelle incluent un profond intérêt pour l’expérience de la vie, la personnalité, l’attitude de la personne aimée face aux gens et à la politique, à la nature et à l’art, au loisir et au travail, ainsi qu’une gratification profonde due au fait de partager le monde interne du (ou de la) partenaire, ce qui peut ramener ce vécu à une vie nouvelle, aidant ainsi à préserver de l’extinction un passé personnel. Reconstituer, pour soi-même et pour le couple, l’ensemble de l’expérience vitale du partenaire aimé, peut permettre une extraordinaire expansion de l’expérience vitale d’une personne. La conscience que l’on a également du temps limité qui reste devant soi, la menace de la maladie, de la dépendance due aux infirmités, et la mort comme perspective inévitable dans l’avenir du couple âgé, enrichissent le sens que l’on a de la valeur de la vie quotidienne en commun, aident à balayer les petits conflits de tous les jours et consolident le défi commun face au temps et à l’avenir. Les relations amoureuses à une époque avancée de la vie permettent aussi de vérifier dans quelle mesure les problèmes pré-œdipiens, les conflits autour de la dépendance à l’objet maternel et de l’identification à une mère dispensatrice ont été résolus. La possibilité de la perte d’autonomie du fait de la maladie, entraînant une dépendance prolongée par rapport à l’autre, est chose réellement envisageable, et l’aptitude et la volonté du couple à faire face à cette menace devient un autre aspect implicite de leur relation. Un accident cérébral précoce, une arthrose invalidante, une maladie cardiaque, un cancer peuvent affecter radicalement l’équilibre d’un couple et soumettre à un test majeur la maturité de ses membres, son aptitude à supporter la dépendance ou à assumer celle de l’autre. Évidemment, la sécurité financière et sociale, le maintien ou le rétablissement d’un réseau social significatif qui peut soutenir le couple et préserver de l’épuisement celui qui a l’autre en charge, constituent des éléments clés de la survie de n’importe quel couple à un âge avancé. La capacité à dépendre de l’autre aimé et à se laisser prendre en charge peut être sérieusement altérée par des frustrations orales et agressions précoces non résolues, et par les défenses en résultant, face à des relations ou désirs de dépendance. Pour les femmes, dans des circonstances optimales, avoir à être prises en charge par un homme qu’elles aiment ou avoir à prendre en charge un partenaire souffrant peut, dans les deux cas, s’insérer dans des schèmes culturels traditionnels. Mais elles aussi doivent faire preuve de maturité pour éviter d’être entraînées dans des conditions impossibles, par le jeu d’un schéma tout aussi conventionnel de sacrifice masochiste.

Pour les hommes, avoir à renoncer à des fonctions autonomes et, plus particulièrement, être pris en charge par la femme aimée, est une reproduction directe de la relation précoce mère/enfant. De plus, une telle dépendance va à l’encontre de l’idéologie conventionnelle de la société patriarcale, qui force les hommes à prendre un rôle “paternel” dominant, et les protège contre des angoisses œdipiennes ou préœdipiennes plus profondes. La nécessité d’être pris en charge met à l’épreuve l’aptitude de l’homme à accepter la dépendance, en opposition avec le sentiment narcissique d’humiliation et avec la crainte paranoïde d’être détesté ou objet de ressentiment en raison de cette dépendance, ou avec la sensation d’être dévalué par perte d’attrait œdipien. Ce sont là des défis majeurs à une relation amoureuse à l’âge avancé. La conscience que l’on a mutuellement de ces menaces et la tranquille certitude de la disponibilité de chacun à prendre soin de l’autre en s’impliquant de manière passionnée, le tout basé sur une connaissance solide de soi-même ainsi que de la personne aimée, représentent une dimension significative de l’intimité croissante qui enrichit la liberté sexuelle du couple : les faiblesses, craintes et inhibitions de chacun sont une partie de ce que l’on doit, courageusement, accepter en soi-même et, avec amour, accepter chez l’autre.

Croissance de l’identité

La croissance, durant toute la vie, de l’identité du soi, se reflète (cf. Kernberg, op. cit.) dans la capacité à s’identifier avec un spectre de plus en plus large de générations, et dans l’intégration de plus en plus large de son propre passé et de l’avenir personnel que l’on projette. Ce sentiment du lieu auquel on appartient et les aspirations à une vie partagée aident à consolider le couple mûr et à combiner de manière flexible leurs différents arrière-plans et implications culturels, politiques et sociaux. J’ai mentionné que la possibilité d’apprendre en profondeur sur la vie d’autrui, d’acquérir une connaissance profonde de toute l’étendue de la vie d’une autre personne aimée, représente une perspective excitante de développement pour le nouveau couple.

Toutefois, apprendre l’un de l’autre inclut le défi de surmonter suffisamment la rivalité et la jalousie œdipiennes, pour tolérer les expériences passées enviables de l’autre, et l’idéalisation de rivaux potentiels qui, faisant irruption du passé, pourraient perturber l’avenir du couple.

Ces tâches sont plus difficiles quand la configuration œdipienne du nouveau couple est dominante, comme lorsque la différence d’âge est significative. Si un homme tombe amoureux d’une femme de vingt ou quarante ans plus jeune que lui, cela indique pratiquement toujours que ses conflits œdipiens n’ont pas été résolus. D’ordinaire, l’individu puise dans son “réservoir œdipien” pour vivre sa relation sentimentale, à petites doses. Ici au contraire il y puise largement. Le degré de succès ou d’échec d’une telle relation dépend évidemment de l’ampleur de la menace qu’elle subit en raison de la culpabilité inconsciente de l’un ou des deux partenaires du fait de la rupture des barrières œdipiennes, ou de l’importance des contradictions qui apparaissent entre la motivation inconsciente des membres du couple et la réalité de leur relation.

Par exemple, si des hommes plus âgés, représentant nettement une figure paternelle, peuvent permettre la gratification des désirs œdipiens inconscients d’une jeune femme, une pathologie narcissique grave peut compliquer la situation. Une femme narcissique peut être intéressée par le prestige d’un homme plus âgé, par sa supériorité politique, culturelle, intellectuelle ou artistique, sa réputation dans un déni de la réalité de sa personne, de ses incertitudes et de ses limites humaines, jusqu’à en être submergée dans sa vie quotidienne. Elle éprouve alors une frustration et un ressentiment croissants dès lors que le pouvoir et la réputation de l’homme n’arrivent plus à compenser ses aspirations frustrées à la dépendance dans la relation. Si, en outre, cet homme plus âgé présente lui-même une pathologie narcissique et de graves limitations à sa capacité à dépendre de la femme qui l’a choisi, une tragédie majeure peut advenir : le film de Peter Greenaway The Belly of an Architect (Le ventre de l’architecte, 1987) illustre une telle constellation par le suicide d’un architecte souffrant et malade trompé par sa jeune femme.

Un homme âgé, narcissique, qui s’attend à ce qu’une jeune femme soit à la fois un sujet admiratif et un objet sélectionné pour être montré et admiré en public, peut rapidement détruire sa relation avec une femme qui l’aime, mais qui voit son propre développement tant social qu’émotionnel bloqué par ses exigences. D’un autre côté, la relation entre un homme plus âgé et une femme jeune tend à induire une intense admiration sociale, mêlée d’envie et de ressentiment, les deux premiers ordinairement de la part des hommes, le dernier de la part des femmes. Celles-ci, outre qu’elles expriment par là leur propre culpabilité œdipienne projetée, réagissent aussi à la mise en avant implicite, sur un mode provocant, des relations de pouvoir culturellement prévalentes, à savoir, la domination partagée des hommes âgés et des femmes jeunes. Si un tel couple peut supporter sa culpabilité à propos des implications incestueuses inconscientes de sa relation et se trouve capable de jouir dans l’intimité de la rupture potentiellement interdite des barrières œdipiennes, le fait alors de se dresser face à l’ambivalence sociale généralisée à son égard, peut augmenter l’intensité de sa libération sexuelle.

Les relations entre femmes âgées et hommes plus jeunes, vont, en plus des implications œdipiennes et incestueuses correspondantes, également à l’encontre de l’idéologie conventionnelle dominante concernant les relations entre hommes et femmes et peuvent exposer, la femme en particulier, à la réticence des hommes et des femmes à accepter de voir une figure maternelle s’affirmer sexuellement. Habituellement, la différence d’âge est ici bien plus réduite qu’entre hommes âgés et femmes plus jeunes, et je n’ai pu observer qu’un faible nombre de couples comportant de telles caractéristiques d’âge. Une fois de plus, l’existence d’une pathologie narcissique significative chez l’un ou chez les deux membres du couple peut constituer l’ingrédient pathologique crucial tendant à détruire celui-ci. Des femmes d’un certain âge, avec des fixations œdipiennes inconscientes et du ressentiment à l’égard des hommes mûrs, paternels, peuvent choisir sélectivement des hommes plus jeunes, efféminés, qui peuvent, en retour, obtenir des gratifications narcissiques dans une relation de dépendance limitée dans sa réciprocité et potentiellement menacée par tout affaiblissement de la gratification des besoins narcissiques de l’homme. Les effets traumatiques de la rupture d’une telle relation, rupture dans laquelle la femme plus âgée se sent trahie par un homme plus jeune, recrée le traumatisme œdipien. Cela peut se refléter par un sentiment, chez la femme, de perte totale de sa propre valeur, de son attrait et de la signification de sa vie. Dans toutes les relations impliquant une grande différence d’âge, la culpabilité inconsciente due à des désirs œdipiens et incestueux peut actualiser une pathologie masochiste significative.

La réalité sociale de l’importance du pouvoir financier et politique dont sont investis les hommes âgés et la notion d’une plus grande insécurité financière et sociale chez les femmes âgées influencent incontestablement leurs relations et constituent une source importante de sécurité ou d’insécurité, de restrictions et de tentations dans les relations amoureuses tardives. L’attitude des familles envers les amants – enfants et petits-enfants peut restreindre l’épanouissement du couple d’une manière considérable, si celui-ci n’a pas atteint un degré de maturité lui permettant de se libérer d’une dépendance excessive à l’égard des pressions du groupe, pressions auxquelles il restait soumis à un âge plus jeune. En fait, si la fin de l’adolescence est une période qui se caractérise par la disparition des groupes d’adolescents d’âges divers et leur remplacement progressif par un réseau lâche de couples, la plupart mariés, on peut dire que le stade tardif de la vie d’adulte est caractérisé par la libération progressive du couple à l’égard de tels groupes sociaux, eux-mêmes renforcés par les liens familiaux établis avec les frères et sœurs et les enfants, les épouses et enfants de ces frères et sœurs, et les réseaux sociaux qui s’y rattachent.

Les “vieux couples”

Quoique cette étude soit centrée principalement sur les relations amoureuses établies dans les années tardives de la vie, bien des caractéristiques décrites s’appliquent aussi bien aux « vieux couples » qui ont développé une relation pleinement satisfaisante sur de nombreuses années. De tels couples peuvent parvenir à un degré de connaissance mutuelle, d’empathie et d’acceptation, qui reflète leur aptitude à des relations objectales en profondeur, leur tolérance à l’égard de l’ambivalence en soi-même et dans le partenaire, avec un net sentiment de confiance dans la prédominance de l’amour sur la haine dans leur relation. Les conflits ou dissensions de la vie quotidienne ne sont pas des menaces pour de tels couples; au contraire, leurs désaccords facilitent l’activation répétée et le travail progressif sur les conflits résiduels entre les objets infantiles inconscients dominants, lesquels représentent un aspect significatif des “discontinuités” normales dans les relations d’un couple (Kernberg, op. cit.).

La structure œdipienne fondamentale de toutes les relations amoureuses s’exprime dans des triangulations “directes” et “inversées”. Les triangulations directes se manifestent dans le potentiel de jalousie qui exprime la crainte de rivaux œdipiens, tandis que les triangulations inversées se manifestent dans des fantasmes d’implication avec un autre partenaire, dérivés du désir de revanche à l’égard de l’objet œdipien inaccessible. Bref, craintes et désirs liés à une “tierce personne exclue” sont toujours présents, quoique très diminués, dans les fantasmes et sentiments d’insécurité à l’intérieur de la relation d’un vieux couple et continuent à induire des soucis récurrents à propos de la confirmation de leur attachement réciproque.

Le vieux couple aimant a progressivement établi un idéal du moi commun, consolidé par une vie passée à construire et à élaborer un monde à eux de valeurs et d’aspirations partagées. Préservé à travers le temps comme une part de leurs mémoires partagées, l’idéal du moi du couple renforce et enrichit la relation. En même temps, les projections mutuelles d’éléments surmoïques infantiles diminuent au fur et à mesure de cycles répétés où se confrontent les décalages entre les projections de culpabilité sur le partenaire, la compréhension réelle et la capacité de pardonner de celui-ci. Ce processus contribue à réduire les pressions surmoïques et facilite le compromis avec les sentiments névrotiques de culpabilité résiduels. De plus, la liberté de partager des sentiments d’insécurité, quelle qu’en soit l’origine, fournit une réassurance mutuelle qui renforce le sentiment de gratitude constituant une partie de l’expérience de l’amour et de la tendresse mutuels.

Et, bien entendu, la liberté et la confiance édifiées dans la vie sexuelle d’un vieux couple maintiennent la richesse et la variété de leur expérience sexuelle, même si la fréquence des relations sexuelles décroît à un âge avancé. Des expériences sexuelles intensément satisfaisantes sur la base d’une intimité qui inclut une tolérance croissante à l’égard de l’intégration d’éléments pervers polymorphes infantiles dans la relation sexuelle génitale, constituent un aspect important de la vie érotique des vieux couples. Des idées culturelles conventionnelles, à propos de l’assèchement du désir chez la génération âgée sont toujours professées par grand nombre de professionnels de la santé mentale, lesquels, par leur déni de la vie sexuelle des personnes âgées, expriment un contre-transfert de nature œdipienne qui leur évite d’avoir à comprendre les conflits sexuels de leurs patients âgés.

Comme mentionné précédemment, la connaissance qu’a le couple des limitations imposées par la durée de vie réduite à l’âge avancé, contribue à augmenter la conscience de son amour, du caractère précieux du temps vécu ensemble et l’affirmation de l’amour en tant qu’attitude courageuse face à la mort, l’ultime vainqueur œdipien.

Une deuxième adolescence?

À un certain point de la vie, la dépendance par rapport aux structures de groupe tend à diminuer et, en fait, une relation amoureuse dans les années tardives peut être le signal de cette autonomie finale du couple, symbolisée par son goût de la solitude et du voyage, et par la sélection d’un petit groupe d’amis correspondant à leurs besoins mutuels dans le contexte d’un éloignement significatif des engagements sociaux, politiques et familiaux de la période antérieure de l’âge adulte. C’est, pourrions-nous dire, une réédition de la révolte adolescente contre le groupe.

Bien sûr, le couple a toujours besoin du groupe pour son développement et sa survie. J’ai fait remarquer (Kernberg, op. cit.) que normalement, l’agressivité “non métabolisée” générée dans la relation du couple, était dispersée dans ses interactions avec le groupe environnant, en même temps que des aspects sublimés de besoins libidinaux œdipiens sont également satisfaits dans ces interactions. Un aspect intéressant de l’établissement d’une relation amoureuse dans les années tardives est l’excitation, le mélange d’envie et de gratification de la part de l’entourage proche, que le nouveau couple fait naître dans le groupe social ambiant. Cette réaction est bien sûr amplifiée si le couple occupe une position politique, artistique ou sociale éminente. Il est intéressant de constater que des femmes qui avaient été sexuellement plutôt inhibées dans le passé sont à présent disposées, dans l’incandescence de cette nouvelle relation amoureuse, à parler librement de leur désir érotique et de leur gratification sexuelle et jouissent, consciemment ou inconsciemment, de l’excitation érotique que ceci provoque chez autrui. Une femme qui s’engage dans une relation amoureuse à un âge avancé peut créer autour d’elle une aura d’excitation qui augmente son attrait pour des hommes qui la connaissent depuis des années. Les hommes engagés dans une telle relation peuvent, inversement, donner à leur entourage une nouvelle impression de sécurité et d’autonomie, d’accomplissement tranquille, qui, par des voies subtiles, augmente leur ascendant à l’intérieur de leur groupe social particulier. Martin Bergmann (1987) illustre cette qualité de l’amour à un âge avancé au moyen de cette citation de l’autobiographie de Bertrand Russel :

«Vieux à présent, et proche de ma fin, je vous ai connue. Et vous ayant connue, j’ai trouvé l’extase et aussi la paix. Je connais le repos. Après tant d’années solitaires, je sais ce que la vie et l’amour peuvent être. À présent, si je m’endors, je dormirai dans l’accomplissement.»

Gabriel Garcia Marquez, dans L’amour au temps du choléra (1985), décrit le sentiment de fragilité physique et d’insécurité émotionnelle au moment où s’engage une relation amoureuse à un âge avancé qui renouvelle une relation datant du début de l’adolescence, ceci par le brusque déclenchement de troubles digestifs chez le héros au moment de sa première rencontre avec la femme qu’il avait désirée une bonne partie de sa vie. Néanmoins, au plus fort de la relation qui suit, ils se trouvent engagés dans un voyage extatique en bateau sur une rivière traversant un pays dévasté par la maladie.

On peut se demander à quel point la situation idéale que j’ai explorée ici n’implique pas un niveau de maturité qu’il n’est pas réaliste d’admettre pour une part importante de la population. Et ceci à coup sûr pour beaucoup de ceux qui sont atteints d’une pathologie caractérielle significative, qui rend fort improbable pour eux d’atteindre à la maturité en amour, du fait de complications qui peuvent même s’accroître au fil des années.

De plus, pour bien des gens même dépourvus de pathologie caractérielle sérieuse, les efforts en vue de réaliser une relation amoureuse satisfaisante peuvent être entravés par la déception et l’amertume à propos de projets existentiels qui ont échoué, ou par des frustrations et des traumatismes dans le domaine sexuel. Comme argument contre ce point de vue, je crois pouvoir dire que nos observations portant sur des cas de développements optimaux nous fournissent une vision pratique des potentiels humains qui, même s’ils restent souvent non réalisés, constituent une norme de référence par rapport à laquelle nous pouvons évaluer de façon plus précise la nature des limites que nous présentent nos patients quand nous étudions leur vie amoureuse. Comme dans d’autres domaines des conflits humains, la « normalité » correspond bien à un idéal qui permet de nous focaliser avec précision sur les zones correspondantes de la psychopathologie.

Cette perspective devrait permettre d’abandonner plus facilement le point de vue conventionnel selon lequel l’amour sexuel et les attachements passionnés sont peu probables chez les personnes âgées en bonne santé, tandis que la solitude et les déceptions, l’abandon de la recherche de relations gratifiantes, seraient à considérer comme l’état normal des choses. Il existe incontestablement bon nombre de personnes qui ont fermé la porte menant à des expériences nouvelles et différentes, ceci par sabotage inconscient de leurs propres intérêts, destruction narcissique de leurs occasions d’aimer, mise en place répétitive dans leurs relations amoureuses de modèles masochistes aboutissant à la solitude et à la frustration. Il y a bon nombre d’autres hommes et femmes qui, si nous confrontons de tels schémas autodestructeurs à la lumière du cadre théorique de ce qui serait réellement possible dans leur vie, pourraient être aidés à prendre un nouveau départ.

J’ai été impressionné par la façon réussie dont des hommes et des femmes créatifs ont restructuré leurs vies à la cinquantaine, à la soixantaine ou à soixante-dix ans, et dont ils ont combattu les tendances autodestructrices qui sont un aspect universel de la psychologie humaine. Un aspect évident, mais parfois négligé, de cette tâche vitale réside peut-être dans le degré auquel de telles tendances autodestructrices s’expriment, non seulement par la destruction des occasions de relations amoureuses gratifiantes et par des schémas réactionnels hostiles déniant l’importance de la sexualité, mais encore par une hostilité inconsciente envers leur propre corps, par une négligence pleine de défi à l’égard de leur santé physique et de leur apparence. La fonction normale de la préoccupation narcissique pour son propre corps constitue un aspect important de la recherche d’intimité sexuelle. Entre les extrêmes de l’esclavage narcissique par les préoccupations corporelles d’une part, et la négligence narcissique généralisée pour sa santé et son aspect physique d’autre part, il existe au milieu le souci réaliste de son corps. Dans la pratique clinique, la relation existant entre la négligence narcissique face à la santé physique et l’apparence corporelle d’une part, et la négligence à l’égard du potentiel de relations intimes avec autrui d’autre part, est remarquablement stable. La fonction narcissique normale de la préoccupation pour sa propre santé implique une identification avec une fonction maternelle de préoccupation du soi, de prise de soin de soi-même, qui reflète aussi bien la capacité de préoccupation pour autrui, de prendre soin d’autrui, et de tolérer qu’autrui prenne soin de vous. Ici, l’intimité sexuelle structurée sur un mode œdipien et l’intimité préœdipienne, la dépendance, le soin, et le désir érotique fusionnent dans une relation qui peut représenter la clé du bonheur qui se reflète dans le poème de Bertrand Russel.

Pour conclure

Nous sommes parti d’un sentiment d’inhibition et d’embarras dans l’exploration des relations de couples à des stades avancés de leur vie et sommes arrivé finalement à percevoir l’excitation, la profonde gratification, éprouvées par le groupe face à un couple qui rompt la vision conventionnelle des couples âgés comme dépourvus de passion et désexualisés. L’intensité de l’amour romantique persiste à travers toute la durée de l’existence en tant que potentiel permettant de transformer la réalité quotidienne en un paradis privé. Dans le cas d’individus que leur maturité émotionnelle prépare à aborder une telle expérience, l’amour romantique dans les années tardives peut être aussi excitant et sexuellement plus libre et plus gratifiant, émotionnellement plus complexe et enrichissant qu’à des stades antérieurs de la vie amoureuse. Il accomplit les désirs inconscients de toute une vie pour la gratification œdipienne et pour la rupture des interdits portant sur la tentation incestueuse, et peut fournir un chemin tout à fait unique vers le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue.


Relations amoureuses dans les années tardives
Otto Kernberg
https://doi.org/10.69093/AIPCF.2023.28.03


Bibliographie

Alberoni, F. (1987). L’Érotisme. Paris: Ramsay.

Bergmann, M.S. (1987). The Anatomy of Loving. New York: Colombia University Press.

Braunschweig, D. et Fain, M. (1971). Éros et Antéros. Paris: Petite Bibliothèque Payot.

De Mijolla,A. et de Mijolla, S. (1996). Psychanalyse. Paris: Presses Universitaires de France.

Garcia Márquez, G. (1985). El Amor en los tiempos del cólera. Buenos Aires: Editorial Sudamericana.

Greenaway, P. (1987). The Belly of an Architect. Hemdale Film Corporation.

Kernberg, O. (1995) Love relations. New York: Aronson.

Meltzer, D. et Williams, M.H. (1988). The Apprehension of Beauty. Old Ballechin, Strath Toy: Clunie.


REVUE N° 28 | ANÉE 2023 / 1

RECORDANDO A ROBERTO LOSSO CON AFECTO Y RECONOCIMIENTO


ARTICLE

Recordando a Roberto Losso con afecto y reconocimiento

Irma Morosini

El jueves 22 de junio de 2023 falleció el Dr. Roberto H. Losso a sus 95 años, rodeado por su numerosa y querida familia y por su compañera Ana con quien compartió su camino, interés y dedicación al psicoanálisis, formando un coordinado equipo terapéutico atendiendo parejas y familias.

Muchos de nosotros lo conocimos, aprendimos con él, formamos parte de sus equipos de trabajo y hoy queremos brindarle nuestro sentido homenaje repasando parte de su trayectoria profesional.

Roberto Losso se recibió de médico (Universidad de Buenos Aires). Fue doctor en Medicina y Cirugía (Universidad de Roma), psicoanalista y especialista en psiquiatría. Se formó con grandes pioneros del psicoanálisis en América Latina entre ellos Enrique Pichon-Rivière y Jorge García Badaracco. Fue Miembro titular didacta de la Asociación Psicoanalítica Argentina (APA) y de la International Psychoanalytic Association. Fue profesor de Salud Mental, Psico-semiología y Psiquiatría, en la Facultad de Medicina de la UBA, profesor de Clínica de Pareja y Familia en la Universidad Kennedy (especialidad en Psicología Clínica) y de la Carrera de Médico Especialista en Psiquiatría de la Facultad de Medicina de la UBA (Instituto de Postgrado de APSA). Coordinó por varios períodos el Departamento para la Investigación Psicoanalítica de la Familia y la Pareja en APA. Fue profesor titular de Psicopatología y de Práctica de Psicología Clínica en la Facultad de Psicología de la Universidad del Salvador en Buenos Aires. Escribió varios libros como: Mente y hormonas. Un enfoque psicosomático de la endocrinología (Ed. Docencia, 1983), Psicoanálisis de la Familia. Recorridos teóricos – clínicos (Ed. Lumen, 2001) y capítulos de diversos libros, en relación con el tema psicoanálisis de la familia y la pareja, y numerosos trabajos publicados en revistas científicas del país y del extranjero.

Fue miembro co-fundador de la Asociación Internacional de Psicoanálisis de Pareja y Familia (AIPCF) en 2006 en Montreal (Canadá), y por nuestro común interés por el psicoanálisis de la pareja y la familia compartimos espacios intercambiando experiencias, aprendizajes, momentos de decisiones como fue la organización del Congreso Internacional de Buenos Aires en el 2010, preparamos e invitamos a otros colegas a debates, conferencias en la Asociación Argentina de Psicoanalistas de Familia y Pareja de la cual ambos fuimos co-fundadores con otros colegas. Roberto me invitó a participar en grupos de estudios en APA. y escribimos algunos artículos juntos.

Lo caracterizaba su carácter armonioso, su palabra mesurada, su actitud respetuosa, su caballerosidad, por lo que era una figura de consulta habitual. Tuve el honor que prologara un libro que escribí en pandemia y que plasmó en papel parte de las muchas conversaciones e intercambios de ideas entre ambos.

Hoy asumo la responsabilidad de despedirlo, aunque prefiero decir de recordarlo con todos los colegas que integramos el comité de redacción de esta revista, publicando en este número un trabajo suyo escrito en coautoría con Ana Pacziarz-Losso. Me alegra pensar que disfrutamos de una linda amistad con él y con Ana la que perdurará en nuestro emocionado recuerdo.


REVISTA N° 28 | AÑO 2023 / 1

RECORDANDO A ROBERTO LOSSO CON AFECTO Y RECONOCIMIENTO


El psicoanálisis familiar y de pareja permite acceder a la transmisión psíquica inconsciente entre generaciones y trabajar sobre la envoltura genealógica. El marco psicoanalítico del grupo familiar permite depositar y elaborar los traumas del linaje, favoreciendo una rica mitopoiesis que cada sujeto puede aprehender. El síntoma se comprende no sólo en la dimensión intrapsíquica, sino también como un escenario en el que se activa lo transgeneracional. Una viñeta clínica pondrá de relieve el aspecto transgeneracional del síntoma y el restablecimiento de la envoltura genealógica.

Palabras claves: clivaje – cripta – fantasma – intergeneracional – psicoanálisis familiar y de pareja – transgeneracional – transmisión inconsciente – trauma


La psychanalyse familiale et de couple permet d’accéder à la transmission psychique inconsciente entre les générations et de travailler sur l’enveloppe généalogique. Le cadre psychanalytique groupal familial permet le dépôt et l’élaboration des traumas des lignées, favorisant une mythopoïèse riche, dont chaque sujet pourra se saisir. On entendra alors le symptôme, pas seulement dans la dimension de l’intrapsychique mais aussi comme une scène sur laquelle s’active le transgénérationnel. Une vignette clinique mettra en évidence un aspect transgénérationnel du symptôme et la restauration de l’enveloppe généalogique.

Mots-clés : crypte, clivage, fantôme, intergénérationnel, psychanalyse familiale et de couple transmission inconsciente, transgénérationnel, traumatisme.


Family and couple psychoanalysis provides access to unconscious psychic transmission between generations and enables us to work on the genealogical envelope. The family group psychoanalytic framework allows the traumas of the lineage to be deposited and elaborated, fostering a rich mythopoiesis that each subject can grasp. The symptom is understood not only in the intrapsychic dimension, but also as a stage upon which the transgenerational is activated. A clinical vignette will highlight the transgenerational aspect of the symptom and
the restoration of the genealogical envelope.

Keywords: Crypt, cleavage, ghost, intergenerational, family and couple psychoanalysis, unconscious transmission, transgenerational, trauma.


ARTÍCULO

Recordando a Roberto Losso con afecto y reconocimiento

Irma Morosini

El jueves 22 de junio de 2023 falleció el Dr. Roberto H. Losso a sus 95 años, rodeado por su numerosa y querida familia y por su compañera Ana con quien compartió su camino, interés y dedicación al psicoanálisis, formando un coordinado equipo terapéutico atendiendo parejas y familias.

Muchos de nosotros lo conocimos, aprendimos con él, formamos parte de sus equipos de trabajo y hoy queremos brindarle nuestro sentido homenaje repasando parte de su trayectoria profesional.

Roberto Losso se recibió de médico (Universidad de Buenos Aires). Fue doctor en Medicina y Cirugía (Universidad de Roma), psicoanalista y especialista en psiquiatría. Se formó con grandes pioneros del psicoanálisis en América Latina entre ellos Enrique Pichon-Rivière y Jorge García Badaracco. Fue Miembro titular didacta de la Asociación Psicoanalítica Argentina (APA) y de la International Psychoanalytic Association. Fue profesor de Salud Mental, Psico-semiología y Psiquiatría, en la Facultad de Medicina de la UBA, profesor de Clínica de Pareja y Familia en la Universidad Kennedy (especialidad en Psicología Clínica) y de la Carrera de Médico Especialista en Psiquiatría de la Facultad de Medicina de la UBA (Instituto de Postgrado de APSA). Coordinó por varios períodos el Departamento para la Investigación Psicoanalítica de la Familia y la Pareja en APA. Fue profesor titular de Psicopatología y de Práctica de Psicología Clínica en la Facultad de Psicología de la Universidad del Salvador en Buenos Aires. Escribió varios libros como: Mente y hormonas. Un enfoque psicosomático de la endocrinología (Ed. Docencia, 1983), Psicoanálisis de la Familia. Recorridos teóricos – clínicos (Ed. Lumen, 2001) y capítulos de diversos libros, en relación con el tema psicoanálisis de la familia y la pareja, y numerosos trabajos publicados en revistas científicas del país y del extranjero.

Fue miembro co-fundador de la Asociación Internacional de Psicoanálisis de Pareja y Familia (AIPCF) en 2006 en Montreal (Canadá), y por nuestro común interés por el psicoanálisis de la pareja y la familia compartimos espacios intercambiando experiencias, aprendizajes, momentos de decisiones como fue la organización del Congreso Internacional de Buenos Aires en el 2010, preparamos e invitamos a otros colegas a debates, conferencias en la Asociación Argentina de Psicoanalistas de Familia y Pareja de la cual ambos fuimos co-fundadores con otros colegas. Roberto me invitó a participar en grupos de estudios en APA. y escribimos algunos artículos juntos.

Lo caracterizaba su carácter armonioso, su palabra mesurada, su actitud respetuosa, su caballerosidad, por lo que era una figura de consulta habitual. Tuve el honor que prologara un libro que escribí en pandemia y que plasmó en papel parte de las muchas conversaciones e intercambios de ideas entre ambos.

Hoy asumo la responsabilidad de despedirlo, aunque prefiero decir de recordarlo con todos los colegas que integramos el comité de redacción de esta revista, publicando en este número un trabajo suyo escrito en coautoría con Ana Pacziarz-Losso. Me alegra pensar que disfrutamos de una linda amistad con él y con Ana la que perdurará en nuestro emocionado recuerdo.


Revue Internationale de Psychanalyse du Couple et de la Famille

AIPPF

ISSN 2105-1038