REVUE N° 14 | ANNE 2015 / 1
PRÉSENTACION
MANUELA PORTO
I – Colloque Lisbonne
Le Rêve dans la Psychanalyse de Couple et de Famille
‘…Le «Quai des Colonnes» a été pendant longtemps l’entrée noble de Lisbonne – nous le présentons ici comme une carte de bienvenue pour ce colloque et pour tous ceux qui voudront partir avec nous à la recherche de nouvelles découvertes.’
(extrait de la présentation du Colloque)
Argument
«Le Rêve dans la Psychanalyse de Couple et de Famille est ‘ une voie royale’ pour accéder au fonctionnement inconscient collectif. Mais son interprétation soulève pour nous de nombreuses questions – Quels lieux de nous visitons-nous ? Quels lieux des autres ?
Quels temps ? Quels lieux, quels temps les familles que nous accompagnons visitent-elles ?
Quels lieux de la famille ou du couple dont nous sommes les analystes, quels lieux de l’analyste ?
Que créons-nous ? Quel sens ? Qu’organisons-nous ? Quoi d’Éros ? Quoi de Thanatos ?
Quoi de la violence, quoi de la peur, quoi du courage, quoi de l’amour ?
Quoi de l’amour, et du désamour, de l’analyste ? Quoi du corps ?
Quoi de moi ? Quoi de moi en toi, en vous ?
Quoi de toi, de vous en moi ?
Que découvrons-nous ou construisons-nous ?
DANS LE RÊVE.»
(Manuela Porto)
Le I Colloque de Lisbonne, organisé par Poïesis, l’Association Portugaise de Psychothérapie Psychanalytique de Couple et de Famille, sous le patronage de l’AIPCF, a été réalisé le 28 et 29 Septembre, 2013. Ont participé à ce petit colloque 116 personnes, dont 30 thérapeutes de pays étrangers (Argentine, Espagne, France, Italie).
Y furent présentées 29 communications. Voici les titres et les auteurs (par ordre de présentation) :
-«Le rêve, la rêverie et mythopoiesis» – Alberto EIGUER
-«Traumdeutung et Famille – la psychologie des processus de rêve dans la famille» – José Pedro SEQUEIRA
-«Mythe, Parole, Poiesis- qu’est-ce que le travail du rêve» – Manuela PORTO
-«Position pré-rêve de l’analyste en séance, par rapport aux mouvements pervers qui apparaissent dans l’articulation des différentes solutions pathogènes narcissiques» – Eduardo GRINSPON -«Une famille sans répit» – Françoise MEVEL & Gérard MEVEL
-«Le travail psychanalytique avec le couple et la famille : le rêve comme possibilité de figurations de trames primitives traumatiques partagées» – Daniela LUCARELLI
-«La répétition dans le rêve répété et dans la relation. L’entrelacement du passé relationnel avec la courant relation amoureuse et de révélation dans le rêve» – Isabel MESQUITA
-«Le rêve comme une ‘voie royale’ vers l’inconscient du couple : un cas d’infertilité» – Alexandra SÁ LEONARDO & Carina BRITO da MANA -«Le devenir d’une recherche psychanalytique éclairée» – Henriqueta MARTINS & Maria EMÍLIA MARQUES
-«Comment une pyramide de sucre peut favoriser l’individuation et la séparation des membres d’un groupe familial» – Marilena VOTTERO -«Devenir adolescent : un rêve ou un cauchemar pour la famille» –
Isabel DUARTE
-«Rêver le trauma pour rêver la vie» – Joana COELHO & Susana QUINTANO & Ana MARQUES LITO
-«Le bébé rêvé par la Mère, le Père et le couple» – Nuno COTRALHA & Conceição TEIXEIRA
-«Le bébé rêvé, la famille rêvée et le ‘paradigme placentaire’ dans la transition de la grossesse à la maternité» – Eduarda CARVALHO -«Rêver dans/la grossesse…Rêver le bébé» – Ana Paula CAMARNEIRO
-«Les deux portes du rêve» – Deolinda COSTA
-«Le rêve comme un présent du passé» – Otília MONTEIRO FERNANDES
-«Entre (vues) : le rêve dans la construction de l’identité» -Maria COELHO ROSA
-«La dimension onirique dans la psychothérapie de de couple : les rêves du lien et les rêves du setting» – Fabio MONGUZZI
-«Le rêve et le cancer du sein : le rôle élaboratif du rêve dans l’expérience de la maladie vécue par le couple» – Sónia REMONDES COSTA
-«Transgénerationalité et féminité : rêves dans la clinique ethno psychanalytique» – Paula PERES di SALVATORE & Maria EMÍLIA MARQUES
-«Le couple parental : recherche à travers les rêves d’une mitopoeïsis qui puisse les aider à trouver la santé mentale familiale» – Elena GAYAN -« La séance comme espace onirique : rêves dans le couple et processus thérapeutique» – Rosina CONSTANTE PEREIRA
-«La résonance du rêve dans la psychanalyse du couple et de la famille»
– Ana MARQUES LITO
-«Rêves partagés entre analyste et famille» – Rosa JAITIN
-«Le rêve comme pont pour le changement entre différents niveaux de fonctionnement mental de la famille» – Anna NICOLÒ
-«Le travail psychique groupale de Rêverie et de Figurabilité en
Psychanalyse du couple et de famille» – Pierre BENGHOZI
-«Le holding onirique groupal en psychanalyse familiale» – Christiane JOUBERT
Dans l’impossibilité de les publier toutes, ce qui serait intéressant, par leur diversité de regards et de perspectives, ou de champs de travail clinique et/ou de recherche, dont elles partaient, nous présentons ici un échantillon de 11 textes de communications du Colloque de Lisbonne. Ils stimuleront, certainement, nos pensées à propos du rêve et de ses rôles dans la vie éveillée de chacun de nous.
José Pedro Sequeira part de la Traumdeutung, et des idées sur le rêve que Freud y expose, passe par l’ Au-delà du Principe de Plaisir, pour introduire le rêve traumatique, mais il y a deux points fondamentaux dans sa réflexion – d’une part, il nous rappelle que ce qui est interprété, c’est le récit du rêve et pas le rêve ; d’autre part, il s’interroge sur le rêve qui n’est pas décrit dans un dispositif individuel, mais dans un dispositif de couple ou de famille. La communication tombe sur les difficultés de rêver dans les dynamiques familiales, pourvu que les traumas qui les envahissent bloquent le développement psychique et, ainsi, l’activité onirique.
Dans The oniric dimension in couple psychotherapy : link dreams and field dreams, Fabio Monguzzi essaie une conceptualisation de différents types de rêves, en affirmant qu’on peut distinguer des niveaux en ce qui concerne ‘la lecture’ des rêves dans la psychothérapie de couple : un niveau individuel qui montre le scenario des objets internes de celui qui rêve ; un niveau qui se lie à l’organisation psychique conjointe du ‘nous’ du couple ; un niveau relié au champ intersubjectif et qui comprend le psychothérapeute et les deux partenaires du couple, et émergent dans le ’ici et maintenant’ du travail analytique. Le tout est illustré avec une vignette clinique.
«Devenir» – est la thématique principale du texte de Isabel Gonzalez Duarte, en se référant à l’adolescence, et au rêve de devenir un adulte. Elle nous parle ici de ce processus, l’identifiant à une ‘techne’ (activité habile), utilisant ce terme auquel Aristote prêtait aussi un sens profondément créatif. En ce qui concerne ce processus – elle le voit essentiellement comme une période de transformation et de construction, où la famille joue un rôle fondamental (pour que ça ne devienne pas un cauchemar), comme un ‘lieu-miroir’, comme ‘un champ’, lieu contenant, permettant la construction de la subjectivité par la relation intersubjective.
Sonia Remondes-Costa illustre son travail avec des extraits de deux vignettes cliniques. Dans sa perspective, il faut penser au cancer comme une affection d’ordre familial et pas seulement comme un évènement de la vie de celui qui est malade. «Sein, affects, relation, sexualité et rêve» sont des concepts reliés dans la psyché humaine, d’une manière dynamique et intime. Le rôle du rêve apparait d’une importance centrale pour l’élaboration de l’expérience de la maladie des femmes avec cancer du sein, ainsi que le rôle du partenaire qui, avec elles, élabore les rêves d’angoisse concernant la maladie.
Henriqueta Martins et Maria Emília Marques, font la narration d’une étude longitudinale, utilisant l’observation et l’entrevue, et qui couvre le dernier trimestre d’une grossesse de risque, et le premier trimestre après la naissance du bébé. Il y a une lecture analytique de tous les phénomènes et transformations qui sont en train d’arriver, dans la constitution des processus de ‘devenir’- mère, père, une triade (mèrepère-bébé)… La présence et le travail de l’investigatrice, et sa contenance, ont permis la transformation du négatif et de faire de bons rêves. ‘Dans ce lieu intersubjectif…’ l’investigatrice/thérapeute rêve aussi les rêves et cauchemars du couple.
Dans son texte, Daniela Lucarelli nous parle de l’évolution de la conception du rêve (qui, de phénomène exclusivement intrapsychique, parvient à une perspective où il est vu comme ‘expression d’un espace mental partagé’), ainsi que des différentes manières de penser sa fonction (de satisfaction hallucinatoire du désir à une ‘ fonction curative’) (Winnicott, 1947). Dans le setting du couple, elle conçoit le rêve comme pouvant ‘…combler le vide de la non-représentation et de figurer symboliquement les expériences d’origine présymbolique et de nature traumatique’ (Cabré, 2013). Elle le démontre avec beaucoup de clarté, en se référant aux couples, à travers une vignette d’un cas de sa clinique.
Rosina Constante-Pereira réfléchit sur «la séance comme espace onirique» et montre comment le lien thérapeutique se constitue comme un fond onirique maternel, étayant l’espace d’illusion du néo-groupe et développant une «rêverie processuelle collective», c’est-à–dire, un rêver ensemble dans la séance et au fil des séances, et produisant des rêves individuels tissés dans l’intersubjectivité. L’accent est mis sur l’importance du contretransfert et de la fonction de contenance du thérapeute, celui-ci se trouvant renforcé par la rencontre des traces de son propre berceau onirique et de son discours familial resignifié par l’expérience, ce qui permet un espace onirique groupal de plus en plus souple.
Christiane Joubert nous présente ‘le rêve comme voie royale d’accès aux signifiants inconscients, en collusion dans le lien, au sein du néo-groupe thérapeutique famille-thérapeute.’ C’est comme si ‘ ces signifiants véhiculés par le transgénérationnel, et accrochés au corps du sujet’, se révélaient par le rêve, et pouvaient être ‘désagrippés du corps’ pour
‘redevenir mobiles… grâce à la dynamique transfero-
contretransférentielle’. L’auteur illustre ces faits psychiques, en utilisant des vignettes cliniques qui montrent le travail sur les signifiants, en thérapie familiale psychanalytique, et sur leurs manifestations dans la famille et dans le néo-groupe (ce que Ruffiot désignait comme ‘holding onirique groupal’).
«Mythe, Parole, Poiesis – qu’est-ce que le travail du rêve ?»- de Manuela Porto part de l’analyse de rêves d’un couple de familles d’origine et de culture différentes : lui, venant d’une famille colonisée, elle d’une famille de colonisateurs, tous deux habitant le même territoire. _Quel travail, quelles procédures permettent, en partant du langage sensoriel du rêve, aboutir à dévoiler un ‘sens’ qui le fait devenir un processus créatif ? La ‘ temporalité’ est toujours présente, liée à la transmission psychique, à la répétition, aux mythes des origines, aux temps du rêve… – travail créatif, révélateur, réparateur- et aux de l’analyse.
Paula Peres di Salvatore et Maria Emília Marques partent de l’idée-clef que la subjectivation est inséparable des vécus transgénérationnelles. Ainsi, les auteurs, outre une révision de la littérature principale sur le thème de la transmission psychique, en faisant ressortir des idées qui étaient déjà présentes chez Freud, décrivent comment elles utilisent une méthodologie qualitative, en faisant usage de l’observation et de l’entrevue psychosociale, avec des récits de rêves et de mythes. La population choisie est constituée par trois générations de femmes de chaque famille (femmes du Cap Vert, résidant au Portugal).
«La résonance du rêve dans la Psychanalyse du Couple» est le ‘phénomène de la communication inconsciente…’ (Anzieu) étudié et présenté par Ana Marques Lito dans son texte. L’auteur y affirme que «La reconstitution psychanalytique de l’histoire familiale vient, donc, rendre le rêve possible, la rêverie en quête des fantômes originaux et/ou des Nœuds problématiques transgénérationnelles condensés dans la souffrance actuelle qui mobilise la demande…» (Lito & Ferreira, in Press). Elle illustre sa communication avec une vignette clinique d’un couple qui a suivi une psychanalyse pendant quatre ans.
Nous remercions, tout d’abord, le Prof A. Eiguer, qui le premier a eu l’idée de faire un colloque à Lisbonne, et a cru en la possibilité de notre jeune Association (alors âgée de 4 ans) de l’organiser. Le thème a été laissé à notre choix.
Nous remercions l’AIPCF pour son support, sur le plan financier, et pour la publicité du colloque.
Nous remercions, également, tous les collègues qui sont venus, de l’étranger ou du pays, et tous ceux de notre association qui ont participé, ou travaillé durement aux tâches de l’organisation.
Notre gratitude va aussi à tous ceux qui ont présidé et dynamisé des Tableaux de Communications ou des Sessions Plénières : Alberto Eiguer, Eduardo Grinspon, Carles Perez-Testor, Françoise Mével, Gérard Mével, Daniela Lucarelli, Luis Simões Ferreira, entre autres.
Nous remercions, finalement les Co-Directeurs de la revue de l’AIPCF (Prof Ezequiel Jaroslavsky et David Benhaïm), par leur disponibilité à publier ce numéro sur le Colloque de Lisbonne.
Entre tous, il y a eu un vrai esprit poïétique – une construction conjointe, un dialogue enthousiaste et créatif.