REVUE N° 22 | ANNE 2020 / 1
Résumé
Parentalités contemporaines: naître dans une famille homoparentale
A partir d’une thérapie psychanalytique d’un couple homosexuel, nous montrons la transformation de l’image inconsciente du corps familial, au cours du processus, grâce à la dynamique transféro-contre-transférentielle, au sein du néo-groupe familial (Granjon, 2005). L’enfant né par FIV (fécondation in vitro), par l’intervention du corps médical, avec ses “deux mamans” trouvera un “berceau psychique” (Aubertel, 1997), en appui sur la figure grand-parentale bienveillante de l’analyste et aussi sur la communauté gay contemporaine. Nous ouvrons un questionnement final sur “la création d’embryons et donc de bébés sans aucun parent” dans le futur, à partir de l’article de Alexandre.
Mots-clés: berceau psychique, corps familial, famille homoparentale, FIV, image inconsciente, néo-groupe, scène primitive, transféro-contre-transférentiel, transformation, transhumanisme.
Summary
Contemporary parenthoods: born into a same-sex family
From the psychoanalytic therapy of a homosexual couple, we show the family body picture’s unconscious transformation during the process, this given to transfer countertransfer dynamics inside the family neo-group (Granjon, 2005). The child, born through medical artificial insemination, with his “two mothers” shall find a “psychic cradle” (Aubertel, 1997) leaning on the analysts benevolent grandmother’s figure, and also on present day’s gay community. We open here a final questioning on the future issue of “creating embryos and babies without any parent”, this following the paper of Alexandre.
Keywords: psychic cradle, family body, homoparental family, artificial insemination, unconscious picture, neo-group, primitive scenery, transfero-counter-tranferencial, transformation, transhumanism
Resumen
Parentalidad contemporánea: nacer en una familia del mismo sexo
Partiendo de la terapia psichoanàlitica de una pareja homosexual, hacemos veer la transformacion inconsciente de la imagen del cuerpo familiar durante el proceso, eso por la dinàmica transfero contra transferencial en el neo-grupo (Granjon, 2005) familiar. El niño, nacido por inseminacion medical artificial, con “dos madres” debe trovar una “cuna psychica” (Aubertel, 1997) apoyandose sobre la figura de abuela benevolente de la analista y tambien sobre la comunidad gay del tiempo presente. Abrimos aquí un cuestionar final sobre la futura “creación de embryos y de niños sin ningún pariente”, este sigiendo al papel de Alexandre.
Palabras clave: cuna psichica, cuerpo familiar, inseminación artificial, imagen inconsciente, neo-grupo, escena primitiva, transfero contra-transferencial, transformacion, transhumanismo.
ARTICLE
Introduction
La procréation médicalement assistée (PMA) est très présente dans la clinique actuelle des couples. En psychanalyse, de nombreux travaux de recherche à propos de l’homoparentalité et notamment la lesboparentalité, sont menés (Corbett, 2003; Ducousso-Lacaze, 2004; Feld-Elzon, 2012; Moget et Heenen-Wolff, 2015; Naziri, 2010; 2012), pour n’en citer que quelques-uns. Présentant un travail clinique psychanalytique à propos d’un couple de femmes, venu consulter pour des souffrances occasionnées lors de FIV répétées, nous nous inscrivons dans ce corpus.
L’image inconsciente du corps familial en transformation
L’image inconsciente du corps familial (Cuynet, 2005), dans sa dimension groupale et générationnelle va se trouver en transformation, du fait d’un couple parental, homosexuel, apparu à la génération actuelle: une rupture dans la filiation biologique, avec la méthode des FIV, réveille des failles dans la transmission générationnelle et une rupture de l’imago couple (deux femmes ensemble) transforme le fantasme de scène primitive. Nous entendons dans cette clinique contemporaine, que les avancées sociétales et les nouvelles technologies favorisent la transformation de la transmission générationnel en souffrance. Le cadre analytique va alors permettre une perlaboration, tel un ombilic liant passé, présent et futur dans une conjugaison actuelle sur la scène transféro-contre-transférentielle. Au sein de ce couple de lesbiennes, l’une d’entre elles a fait de multiples tentatives de FIV, à l’étranger, pour réussir finalement à devenir mère.
Le faire-part de naissance dit: je m’appelle (je le nommerai Julien), je suis né vendredi soir, je vais bien, et mes mamans aussi.
Le signifiant “mes mamans” questionne immédiatement sur la transformation qu’il va impliquer dans l’image inconsciente du corps familial ancestral.
Les souffrances identitaires de ce couple transparaissent et cela implique de nouvelles modélisations de dispositifs psychanalytiques de soin: un travail psychanalytique sur le lien de couple (Kaës, 2015).
Clinique
Première demande: des angoisses sociétales
Au téléphone, Madame D. (que j’appellerai Danièle) me demande d’emblée si je reçois les couples homosexuels, car elle voudrait prendre RV pour elle et sa conjointe (que je nommerai Béatrice). Elle me signifie que certains praticiens ont refusé de les recevoir.
Suite à ma réponse positive, je suis dans une attitude analytique neutre et bienveillante, deux consultations sont prévues et donneront suite à un travail de thérapie psychanalytique de couple.
Lors de la première rencontre, Danièle se présente, comme la plus âgée (elle a 55 ans) et Beatrice, sa compagne est âgée de 37 ans. Danièle est grande, mince, cheveux court d’allure un peu masculine, Beatrice quant à elle est plus petite et assez ronde.
La demande concerne leur difficulté pour avoir un enfant, Béatrice ayant entrepris des FIV à l’étranger, mais sans succès.
Elles évoquent leur désaccord premier quant au désir d’enfant et Daniel dit qu’elle y a consenti car c’est pour faire plaisir à Béatrice, mais qu’elle n’en avait pas envie. Béatrice dit que c’est très important pour elle d’avoir un enfant. Elle en a le désir depuis très longtemps et vu son âge elle ne “peut plus attendre”.
Nous passons le contrat analytique, avec les règles (d’association libre en couple et pour le couple, règle d’abstinence en séance, associées à la neutralité bienveillante du psychanalyste, à l’égard de chacune et de l’entitée couple) et engageons le travail sur leur lien de couple au rythme d’une séance d’une heure par quinzaine, aussi longtemps qu’elles en éprouveront le besoin.
Des traumas infantiles au sein des lignées
Elles reviendront souvent sur ce désaccord initial quant au désir d’enfant.
Danièle évoque une enfance chaotique, des maltraitances, dans une grande fratrie, avec un père violent, alcoolique et une mère très déprimée. Ils déménageaient sans cesse, car son père, immigré sicilien, (famille immigrée sous Mussolini) était très instable.
Elle a quitté cette famille très tôt pour aller travailler et a repris des études ensuite. Elle est cadre dans une entreprise internationale et voyage beaucoup. “J’ai une histoire difficile” dit-elle “et je n’ai jamais voulu avoir d’enfants, car je ne veux pas reproduire ce que j’ai vécu”.
J’ai fait un travail analytique afin de “cicatriser” mes blessures d’enfant. Elle n’a plus de contact avec sa famille depuis longtemps, si ce n’est un frère qu’elle voit très occasionnellement, le seul qui ait accepté son homosexualité.
“Je comprends que Béatrice ait envie d’un enfant, mais moi cela me fait très peur et à mon âge…” dit-elle.
Elles sont ensemble depuis 15 ans et s’entendent bien, sauf sur ce désaccord qui est plutôt une réticence du côté de Danièle.
Béatrice est enfant unique d’une famille, décrite comme très fermée avec une mère “intrusive” selon ses termes. Enceinte à 15ans d’une relation avec un ami de son père, elle avait dû avorter, évoque-t-elle, les larmes aux yeux. Cela avait commencé très tôt avec cet homme confie-t-elle, j’étais très jeune et sous son emprise. Ensuite je n’ai plus jamais eu de relation avec un homme. J’ai vécu seule jusqu’ à ce que je rencontre Danièle, cela a été une révélation.
Danièle n’a jamais eu des relations hétérosexuelles, “les hommes ne m’attirent pas” dit-elle, ils sont bruts et je préfère la douceur des femmes.
Elles rient ensemble et se disent très complices dans leur choix de vie.
Béatrice, professeur de langue, partage avec sa compagne, voyages, sorties culturelles, échanges intellectuelles, et tendresse réciproque.
Elles ont de nombreux amis, homosexuels, hommes et femmes et aiment les recevoir dans leur maison à la campagne.
La maison que l’on a acheté ensemble est très importante pour nous dit Danièle et surtout pour moi car j ‘ai été en errance, enfant, et là je suis ancrée. “Moi aussi je m’y sens bien” réponds Beatrice, “on l’a décoré ensemble, on a un jardin, c’est très agréable”. Nous pensons aux travaux d’Eiguer (2004) sur L’inconscient de la maison, signant leur envie d’ancrage.
Désétayage sociétal et vécu incestuel: un bébé-réparation qui coûte cher
Notre soucis actuel dit Béatrice c’est que les FIV ne “marchent pas, j’en suis à la 5éme et toujours rien”. Je l ‘accompagne chaque fois en Hollande dit Danièle, elle espère, puis se déprime car rien, et cela coûte très cher chaque fois.
Elles décrivent l’hôpital accueillant, mais très cher: “on est exploitées mais on n’a pas le choix” et parlent des difficultés avec les gynécologues en France pour le suivi: une gynécologue a dit à Béatrice “vous n’ avez qu’ à faire l’amour avec un homme et cela réglera vos problèmes”.
On avait tenté la méthode artisanale avec un couple d’amis hommes, mais moi cela me gênait beaucoup dit Danièle, je crois que j’allais devenir jalouse; c’est ridicule car cela se passait avec la seringue et c’est moi qui faisait l’injection, et puis cela ne marchait pas non plus. Alors je lui ai proposé de faire les FIV.
Elles sont pacsées et songent au mariage pour que ce soit mieux pour le bébé, “bien qu’en France je devrai faire une demande d’adoption” dit Daniéle.
Au bout de quelques séances, revenant sur leur soucis par rapport à cet enfant qui n’arrive pas, Béatrice va évoquer elle aussi ses craintes: “Je crains que mes parents s’approprient cet enfant, car ils ont un tel désir d’être grand-parents que cela me fait peur…”.
Elles vont très souvent chez les parents de Béatrice, Danièle n’ayant plus de contact avec sa famille depuis très longtemps. Beatrice se plaint que ses parents sont trop présents, dans leur vie, mais Danièle est attachée à eux: ils sont prévenants, attachants et si attentifs à nous deux; ils sont presque de ta génération dit Beatrice qui se tournant vers Danièle et lui adresse “tu es une bonne mère pour moi” et je n’en ai pas besoin de deux.
Nous pensons là aux travaux de Roussillon (2004) à propos de l’homosexualité primaire en double, et à l’archaïque féminin (Poupart et Pirlot, 2013), au cœur de l’organisation de leur lien de couple.
Mon père dit déjà que ce bébé sans père aura besoin de lui pour le remplacer, évoque Béatrice.
Accès pour Danièle à une “fonction paternelle”, tierceisée: rêver l’enfant
Du féminin archaïque à la bisexualité psychique
Peu à peu Danièle prend sa place dans ce projet d’enfant, se rassure (je lui renvoie que c’est leur projet à elles deux) et dit qu’elle se surprend à rêver de ce bébé, qu’ elle a envie de préparer la chambre.
Beatrice en est ravie.
Lors d’une séance où l’on revient sur les craintes de Béatrice, je pointe que les parents ce sont elles-deux, et qu’ensemble elles pourront gérer “les grands- parents pour qu’ ils restent dans leur fonction”.
Je t’aiderai à cela dit Danièle à Beatrice et elles se prennent la main.
Dans ce néo-groupe, nous sommes trois femmes, avec des différences générationnelles posées et la libido commence à circuler. Je les perçois très touchantes, dans mon contre-transfert.
Quelques séances plus tard Beatrice dira à Danièle “tu joueras un rôle plus paternel et moi j’assurerai ma fonction maternelle, protégée par toi” et j’ajoute en plaisantant ainsi les grands-parents seront à leur place.
Evocation des traumatismes des lignées
Des maltraitances, des vécus incestuels au sein des lignées vont être évoqués et le travail du néo-groupe thérapeutiques va permettre une distanciation et une transformation.
Danièle reste inquiète par rapport au risque de la répétition de la maltraitance infantile, doutant de ses capacités à s’occuper d’un bébé. Elle craint de ne pas y arriver. De son côté, Béatrice craint de ne pouvoir occuper dans la génération sa place de mère.
Ces angoisses se déposent peu à peu au sein du travail analytique. Je les entends, les contiens. Je me sens bienveillante et empathique à leur égard, comme une imago grand-parentale, une “bonne grand-mère” face à ce couple, les autorisant à ce désir d’enfant pour leur couple. Le néo-groupe (Granjon, 2005) que nous formons est sécurisant et fiable, et leur permet de chercher une légitimité à leur désir d’enfant.
De la différenciation générationnelle et du corps médical à l’œuvre
Suite aux vacances de Noël, je les retrouve, radieuses, main dans la main, m’annonçant que cette fois-ci “ça y est, cela a marché, Béatrice est enceinte”. Elles évoquent leurs vacances ensemble en Hollande au moment des fêtes et avant de retourner faire une nouvelle FIV. C’est la première fois qu’elles passent Noël, hors de la famille de Béatrice. Cela a été difficile de dire non à la tradition de Noël en famille avec les parents de Béatrice, mais elles ont eu envie de partir en amoureuses. Elles craignent que la grossesse ne tienne pas.
Je continue de les suivre jusqu’à la fin de cette grossesse qui se passera bien: elles font de l’aptonomie ensemble et rêvent ce bébé à venir.
Lors d’une séance elle m’annoncent que c’est un petit garçon: dans le contretransfert, je me sens comme une grand-mère à qui on annonce cela. Elles sont ravies et pensent à leurs copains hommes pour parrains (un parrainage non religieux précisent-elles, car elles sont athées).
Daniel a repeint la chambre du bébé et elles ont aménagé la maison pour son arrivée. Elles se marient et font une grand fête avec tous leurs amis gay (sans les parents précisent-elles) car c’est un peu difficile pour eux, ce milieu là. Elles iront ensuite au restaurant avec les parents de Béatrice pour fêter cela.
Danièle va reprendre contact avec son frère pour lui annoncer la nouvelle.
Elles seront invitées chez lui un week-end et rencontreront ses deux enfants devenus adolescents. Des liens familiaux fragiles certes, se remettent en place du côté de Danièle; elle apprend alors que ses parents sont décédés depuis 10 ans pour le père et 9 ans pour la mère, et s’interroge sur le peu d’émotion qu’elle a ressenti lors de cette annonce. Il y a si longtemps que j’en ai fait le deuil dira-t-elle, “c’était trop douloureux dans mon enfance”.
Un berceau psychique (Aubertel, 2006) pour Julien
Lors de la naissance, je reçois ce faire part qui me touche: “Je m’appelle (je le nommerai Julien), je suis né vendredi soir, je vais bien et mes mamans aussi”. Une semaine après la naissance je fais la connaissance de Julien, beau bébé, accroché, comme un petit kangourou, à Béatrice qui l’allaite.
Danièle est aux petits soins pour eux et en est ravie. Julien sera présenté à son oncle (le frère de Danièle et aux parents de Béatrice qui sont “fous de joie” d’être grandsparents.
Le bébé présenté à la communauté gay
Lors d’une fête, elles présentent leur bébé à leur groupe d’amis gay et lesbiennes et les deux parrains sont actés.
Le travail avec cette famille continuera encore une année jusqu’à ce que le processus de séparation pour Julien commence à se mettre en place.
Au début Béatrice avait des difficultés à le poser, ils étaient très collés et peu à peu avec l’aide de Danièle le processus de séparation s’est mis en place progressivement jusqu’à la crèche pour Julien. De figure protectrice, Daniéle assure son rôle de tiers face à la dyade mère-bébé.
Une inscription de Julien dans le socius et au sein de l’arbre généalogique
La coparentalité: Danièle va faire les démarches nécessaires pour adopter Julien et cette obligation va représenter pour elle une souffrance. En effet elle se sentait légitime dans sa parentalité avec cet enfant, du fait d’être en couple avec Béatrice. La filiation symbolique est en souffrance pour Danièle du fait de la difficile inscription de son rôle parental au sein de la société.
Elles feront un bel arbre généalogique, peint comme un tableau; Danièle dessine et peint et fera l’arbre généalogique en forme d’arbre, très vert, pour Julien, lors de son 1eranniversaire, ses deux parrains seront représentés. Elles me disent en plaisantant “on s’est demandé où vous mettre”… La circulation fantasmatique est rétablit, sur un fond désirant retrouvé.
On se quitte avec de l’émotion réciproque pour ce travail effectué ensemble. Elles m ‘envoient parfois des photos de Julien, me parlant de son évolution et je réponds avec bienveillance et remerciements.
Réflexions
Des blessures de la filiation à une inscription sociétale difficile pour Julien
Une intervention externe s’est avérée nécessaire, en appui sur le corps medical, avec les FIV (insémination artificielle avec donneur anonyme) pour que leur désir aboutisse.
Dans leur demande on peut entendre aussi l’importance pour elles, de travailler ce désir d’enfant, en présence d’une personne tierce bienveillante, une figure parentale, autorisant ce couple à exprimer son désir d’enfant dans un contexte sociétal actuellement complexe par rapport à ce sujet.
Un enfant réparateur des traumatismes générationnels, qui coûte cher, à tous les sens du terme (cher en dépenses médicales, et cher dans l’inscription sociétale, avec toutes les démarches que cela implique).
Inscription de Julien dans le corps sociétal
Des souffrances transgénérationnelles (du côté de Danièle, une famille sicilienne qui fuit le fascisme, fuite qui implique un arrachement, en écho aussi avec l’histoire incestuelle d’une famille très fermée du côté de Béatrice, avec écrasement générationnel), sont à l’œuvre dans cette difficulté d’inscrire Julien dans l’espace societal actuel et empêchent ce couple d’exprimer son désir d’enfant.
Un enfant réparateur des traumatismes générationnels, qui, comme nous l’avons vu, coûte cher. Des craintes d’ailleurs subsistent dans le couple parental quant aux difficultés futures que pourra rencontrer Julien par rapport à son inscription dans l’espace sociétal (à l’école en particulier). Danièle ré-évoquera ses souffrances à elle, à l’école, mise à l’écart par les autres, en raison de ses origines siciliennes et de son milieu familial (père alcoolique notoire).
Cela dit la nécessité pour ce couple homosexuel de s’inscrire dans le corps sociétal, comme couple parental. Inscription difficile, qui fragilise le contrat narcissique (Aulagnier, 1984), mais néanmoins possible de nos jours. Voilà une nouvelle avancée vers le futur. L’appui sur la communauté gay, enveloppe groupale, est aussi très important dans cette situation.
Le couple reste toujours, dans notre société le fondement de la famille, mais sous d’autres formes. Un nouveau berceau psychique (Aubertel, 1997) pour Julien, une coparentalité assurée sur un étayage environnemental (la communauté gay, et les deux lignées).
Il reste toujours l’espoir pour le futur au fond de la boite de pandore.
La naissance de Julien perpétue la prolongation du corps familial en transformation, avec de nouvelles appartenances. Perpétuer la vie par le biais du désir est le propre de la condition humaine, dans le passé et dans le futur… et autour de cela, en conclusion et ouverture nous proposons cette réflexion de Laurent Alexandre tiré de L’amour en 2100.
Conclusion et ouverture
En cinquante ans, les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) vont supprimer la reproduction sexuée, en remplaçant la naissance du vivant par sa fabrication technologique. Les “transhumanistes” convaincront l’opinion que la naissance est trop hasardeuse. Mais les généticiens sont sur le point de franchir une étape encore plus troublante, qui ouvre la perspective d’une redéfinition radicale de l’humanité. George Church est un généticien brillant et iconoclaste de Harward, imprégné de culture transhumaniste. Il a détaillé dans la revue Science, avec vingt-quatre chercheurs et industriels, le projet “Human Genome Project-Write”.
Ces leaders de la biologie de synthèse veulent créer, à partir de cellules souches qu’il sera possible de modifier par les techniques du génie génétique, un génome humain entièrement nouveau. Cette technique devra permettre la création d’embryons et donc de bébés sans aucun parent défini, empruntant au besoin le matériel génétique de plus de deux personnes etc… ce qui a ému de nombreux scientifiques et théologiens, même si cette perspective est plus lointaine. Il ne s’agirait même plus de concevoir des “bébés à la carte” mais de créer une “nouvelle humanité”.
Nous pensons alors à l’œuvre de science fiction Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley.
Les analystes que nous sommes pourront alors se demander ce qu’il adviendra du désir d’enfant, du fantasme originaire de scène primitive, et de la filiation en rapport avec cette nouvelle identité. L’apparition à notre époque de modes de filiation, tels notre exemple clinique, autres que ceux issus du couple hétérosexuel, ne font que préfigurer des modifications biologiques et sociétales futures d’une bien plus grande ampleur. Et ces modifications exigeront aussi une approche psychanalytique qui devra aussi faire l’objet de nos réflexions.
Bibliographie
Alexandre, L. (s.d.). L’amour en 2100. WE DEMAIN, une revue pour changer d’époque, 15: 93. www.wedemain.fr.
Alexandre, L. (2011) La Mort de la mort. Comment la technomédecine va boulverser l’humanité. Paris: JC Lattès.
André-Fustier, F., Aubertel, F. (1997). La transmission psychique familiale en souffrance. In Eiguer A. (sous la direction de), Le générationnel. Approche en thérapie familiale psychanalytique, pp. 80-145. Paris: Dunod.
Aubertel, F. (2006). Indications pour une thérapie familiale psychanalytique. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 1, 46: 61-70. DOI: 10.3917/rppg.046.0061. Aulagnier, P. (1984). L’apprenti historien et le maître sorcier. Paris: PUF.
Corbett, K. (2003). Le roman familial non traditionnel. Revue française de psychanalyse, 1, 67: 197-218. DOI: 10.3917/rfp.671.0197.
Cuynet, P. (2005). L’image inconsciente du corps familial. Le Divan familial, 15, 2: 43-58. DOI: 10.3917/difa.015.0043.
Cuynet, P. (2015). L’arbre généalogique en famille. Médium projectif groupal. Paris: In Press.
Ducousso-Lacaze, A. (2004). A propos du père dans la parentalité lesbienne. Le divan Familial, 13, 2: 29-42. DOI: 10.3917/difa.013.0029.
Ducousso-Lacaze, A. (2014). Questions pour la clinique psychanalytique à partir d’une situation d’homoparentalité. Dialogue, 203, 1: 15-27. DOI: 10.3917/dia.203.0015.
Eiguer, A. (2004). L’inconscient de la maison. Paris: Dunod.
Granjon, E. (2005). L’enveloppe généalogique familiale. In Decherf G., Darchis E. (sous la direction de), Crises familiales: violence et reconstruction, pp. 69-86. Paris: In Press. Kaës, R. (2015). L’extension de la psychanalyse contemporaine. Pour une métapsychologie du troisème type. Paris: Dunod.
Moget, E., Heenen-Wolff, S. (2015). Analyse du fonctionnement psychique d’enfants grandissant avec un couple de femmes. Enfances, Familles, Générations, 23: 34-51.
Naziri, D. (2010). Devenir mère au sein d’un couple homosexuel: la place du tiers. Revue belge de psychanalyse, 56: 35-59.
Naziri, D. (2011). Du droit à l’enfant au travail psychique la parentalité: approche psychanalytique de la maternité lesbienne. Cliniques méditerranéennes, 83, 1: 109-124. DOI: 10.3917/cm.083.0109.
Naziri, D., Feld-Elzon, E. (2012). Becoming a mother by “aid” within a lesbian couple: the issue of the third. The Psychoanalytic Quaterly, 3: 683-711. DOI: 10.1002/j.21674086.2012.tb00514.x.
Poupart, F., Pirlot, G. (2013). Réceptivité et féminin dans les deux sexes. Revue française de psychanalyse, 77, 5: 1120-1135. DOI: 10.3917/rfp.784.1120.
Roussillon R. (2004). La dépendance primitive et l’homosexualité primaire “en double”. Revue française de psychanalyse, 2, 68: 421-439. DOI: 10.3917/rfp.682.0421.