REVUE N° 17 | ANNE 2017 / 2
Introduction au numéro
Psychanalyse et Culture. Diversité culturelle en psychanalyse de couple et de famil>
David Léo Levisky[1] et Maíra Bonafé Sei[2]
Dans l’histoire des civilisations nous rencontrons des formes multiples d’organisations familiales, collectives et individualisées, avec des parentalités naturels, donc des liens de sang, et d’autres dont la parentalité est attribuée aux pagés et autres divinités, mais appartenant aux même liens culturels (Attali, 2007).
Nous rencontrons également, dans les familles actuelles, des formes mutiples d’organisation, y compris dans une même culture, grâce au monde globalisé et aux migrations, qui mènent à la perte de valeurs et à des sentiments de déracinement au milieu de cultures incompatibles (Barbery, 2006, p. 325). Des familles centrées sur un homme avec plusieurs femmes ou l’inverse, une femme et plusieurs hommes, ou encore, des couples de même sexe, qui s’unissent et se lient à un enfant qu’ils élèveront, pouvant ou non, être le fruit des ovules ou des spermatozoïdes de l’un d’entre-eux.
Les technologies de fertilisation et les processus génétiques d’insémination, ont rendu possibles les formes les plus variées de conceptions “in vitro” ou dans des “utérus de location”. Le matériel reproducteur des futurs bébés peut provenir de personnes étrangères à ce noyau de rapport parental, comme il peut provenir de relations de type incestueux, consanguin, lorsque des grands-parents ou des parents, des sœurs et des tantes se prètent à la gestation et vont jusqu’à offrir du matériel génétique pour la reproduction. L’éthique s’est ainsi modifiée et s’est transformée rapidement.
Cette multiplicité de possibilités et de changements rapides, vont interférer dans le processus de développement psycho-affectif des bébés, dans l’incorporation des différentes figures parentales et dans les processus primaires d’identification. Les nouvelles configurations mentales doivent avoir, à la fois, des aspects constants et universels et d’autres distincts, qui sont en voie de configuration sans que nous ayions beaucoup d’expérience de ce qui est en train d’apparaître dans nos cliniques. Sans porter aucun jugement de valeur, on vit dans la surprise avec le côté surprenant des nouvelles relations, face auxquelles nous rencontrons des difficultés d’accompagnement et d’appréhension, car en tant que professionnels, nous sommes également en plein processus de transformation et d’appréhension de la nouveauté qui prend forme. Il est certain que nombre de ces configurations sont distinctes de celles que nous venons de mentionner et qui vont dès lors se manifester contretransferentiellement. “L’écoute psychanalytique” du matériel inconscient et de ces manifestations nouvelles sont les défis de la clinique actuelle de psychanalyse du couple et de la famille, avec son historicité propre, ses fantasmes, des vieux et des nouveau mythes, des identifications et des processus symboliques à décodifier, mobilisant pour le professionnel, des interventions, des interférences et des interprétations, à la recherche d’une homéostasie familiale possible.
Cette présentation, simple et brève démontre la complexité de l’organisation des familles contemporaines où le traditionnel et l’actuel se fondent et se confondent dans les liens identitaires de la monoparentalité, de la parentalité homo et transsexuelle.
Blay Levisky (2017) écrit à propos de la famille contemporaine: «c’est un noyau social de personnes unies par des liens affectifs, qui généralement partagent le même espace et maintiennent, entre elles, une relation solidaire» (p.46 ). Vaste définition qui ne spécifie pas quels types d’espaces partagent ces personnes, leurs idéologies politiques, sociales ou affectives, dès lors que ces personnes s’identifient et développent des liens, indépendants de leur genre, dans un climat de solidarité.
Si nous acceptons cette multiplicité de configurations familiales, il revient au psychanalyste du couple et des familles, de découvrir la place de son écoute, de sa compréhension, ses possibilités d’interprétation et d’intervention, distante d’une évaluation portant des jugements et dans le cadre d’une éthique professionnelle qui reste à construire.
Nous avons sélectionné pour ce numéro de la revue de l’AIPCF quelques-uns des travaux envoyés pour le VIIe Congrès International de l’AIPCF réalisé à São Paulo, Brésil, en août 2016, dont le thème central était: “Psychanalyse du Couple et de la Famille et Culture”:
Olga B. Ruiz Correa considère la migration du groupe familial comme une expérience importante qui peut constituer une situation traumatique à partir des circonstances qui la provoquent. Pour l’auteur, “Il nous faudrait évaluer les diverses résonances dans la réalité psychique inconsciente au niveau des divers espaces subjectifs et intersubjectifs”.
Maria Cecília Fernandes Silva discute l’influence des implications liées à la culture pour déterminer le mode de fonctionnement de ces famille d’immigrants qui quitté leur pays, et ont souffert des difficultés qui sont apparues lorsqu’il a fallu à s’adapter à une nouvelle culture.
Flavia de Maria Gomes Schuler et Cristina Maria de Souza Brito Dias ont cherché à comprendre l’impact de la migration maternelle de six mères dans la vie de sept adolescents, en notant les stratégies adoptées pour faire face à la rupture, à leurs nouvelles conditions de vie et à leurs avenirs.
L’article de Ondina Greco indique que dans l’intimité de deux couples composés d’un mari italien et d’une femme étrangère récemment immigrée, on peut remarquer une dynamique d’identification projective de la mère envers l’enfant tandis que le mari répond à l’attitude de sa femme d’une façon très différente. Un conflit entre la nostalgie du passé et la nécessité de s’adapter au nouveau pays sont présentes. Ce douloureux conflit est clivé et une partie est projetée sur l’enfant.
Rosa Jaitin discute des questions concernant la transmission des connaissances dans le domaine de l’affiliation culturelle, en indiquant qu’il s’agit d’un moyen d’assurer la continuité des liens générationnels lorsque l’affiliation familiale ou l’affiliation corporelle ne joue pas ce rôle.
Leconte discute d’un cas de thérapie familiale, dont la famille était liée à un contexte de migration. Dans ce cas, il a été remarqué que l’utilisation des propres références culturelles de l’analyste permettait de soutenir le retrait des liens mortifères et de sortir d’un état de confusion générationnelle.
Aline Vilhena Lisboa e Teresa Cristina Carreteiro ont discuté de l’influence du travail offshore sur les liens familiaux des familles de la côte de l’état de Rio de Janeiro. Les auteurs suggèrent qu’il y a un nouveau mode de lien entre les membres de la famille, pendant la période d’absence du sujet qui travaille en haute mer dans l’accouchement et l’échelle des opérations, en soulignant une particularité de coexistence que nous appelons partagée.
Daniela Lucarelli e Gabriela Tavazza discutent les processus de filiation et d’identité, par rapport à la psyché et à la culture. Ces sont des questions qui – aujourd’hui plus que jamais – soulèvent de nombreuses interrogations et sont objet d’importantes transformations.
Nathan aborde le rôle de la psychanalyse dans la prise en charge des familles aborigènes en Australie en raison de l’héritage traumatique de la colonisation. L’auteur souligne que l’utilisation de la contribution psychanalytique des couples et des familles dépend de la prise en compte des enjeux culturels concernant le fonctionnement de ces familles, notamment en ce qui concerne la compréhension des liens intergénérationnels et du lien avec la communauté.
Nous souhaitons que cet ensemble d’articles puisse contribuer au débat sur la clinique psychanalytique des couples et des familles dont la souffrance exige une réflexion profonde et constante.
Bibliographie
Attali, J. (2007). Amours – Histoires des relations entre les hommes et les femmes. Paris: Fayard.
Barbery, M. (2006). L’élégance du hérisson. Paris: Gallimard.
Blay Levisky, R. (2017). Espressões da intimidade nos vínculos: interferencia da cultura. Revista IDE, 63: 41-58.
[1] Psychiatre, Psychanalyste didactique à la Société Brésilienne de Psychanalyse à São Paulo; lié à la Association International de Psychanalyse – IPA, membre de l’AIPCF et du Conseille Directeur et Fiscal de l’Association Brésilienne de Psychanalyse de Couple et de Famille, doctorat en Histoire Social, Ex-
Éditeur de la Revue Brésilienne de Psychanalyse. davidlevisky@terra.com.br
[2] Psychologue, Master, Doctorat et Post-Doctorat en Psychologie Clinique, Professeur du Département de Psychologie et de Psychanalyse de l’Université d’Etat de Londrina. mairabonafe@gmail.com