REVUE N° 16 | ANNE 2017 / 1

INTRODUCTION NUMÉRO 16

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Introduction au numéro

« La crise de la famille « 

Daniela Lucarelli[*]et Massimiliano Sommantico[**]

 

Avec ce numéro, nous avons pensé de nous occuper de la Crise de la Famille. Ma que voulons nous entendre avec Crise de la Famille? Comme nous savons, le terme de crise a un double sens: il dérive, en fait, du verbe grec “krino”, qui signifie “séparer”, et qui indiquait le procédé final du battage, la séparation (“krisis”) des grains du blé de la paille et de la balle. D’ici va naitre le sens de “choisir” et, en grec, une ramification imposante d’autres significations. Nous trouvons, en fait, que “crise” voudrait aussi signifier discernement, interprétation, solution, dispute. Le trait commun de toutes ces significations est le fait qu’elles impliquent toutes, et nécessairement, deux parties. Cette duplicité sémantique est la

caractéristique majeure de la “crise”; une duplicité que l’on pourrait référer à la réalité “intra-” psychique aussi bien qu’“inter-” et “trans-” subjective.

Mais le même terme “krino” peut devenir aussi “critiquer”, c’est-à-dire raisonner sur quelque chose, en trouver les avantages et les inconvénients. Cependant, jamais le terme “crise”, indique quelque chose de seulement négatif, mais toujours quelque chose qui est au milieu, entre deux moments ou conditions différents. Donc, il nous semble que déjà sa signification étymologique nous introduit à une pluralité de lectures qui peuvent se référer au moment de la crise à l’intérieur du contexte et de l’histoire familiale, aussi bien qu’à la mise en crise de la forme familiale dans le domaine de la crise plus générale qui intéresse la société et la culture actuelles. C’est à partir de ces deux versants que nous voulons offrir un approfondissement, parce qu’il nous a apparu que si l’on s’intéresse à un aspect, il ne faut pas oublier l’autre.

Une première partie de ce numéro présente, donc, des contributions qui posent des questions, des interrogations plus générales sur les changements qui caractérisent les liens d’aujourd’hui.

Carles Pérez Testor et ses collaborateurs, dans leur travail La transformación de la familia a principios del siglo XXI: a propósito de un caso, décrivent les profondes transformations de la famille européenne au XXI siècle. En se référant au cas clinique d’une famille au fonctionnement pathologique, les auteurs nous montrent comment, malgré les énormes mutations, la fonction première de la famille reste intacte, c’est à dire qu’elle reste toujours le lieu promoteur de la croissance intégrale de ses membres.

Massimiliano Sommantico, dans son La Ciénaga. Ou le malaise dans la famille comme révélateur du Malaise dans la culture, en suivant les hypothèses de Didier Anzieu et de René Kaës, propose une réflexion sur l’actuel Malaise dans la civilisation, en s’interrogeant, à l’aide du film La Ciénaga, sur les défauts du préconscient.

Philippe Robert, dans son texte Variantes sociales, invariants psychiques?, nous montre comment, malgré le fait que l’Inconscient puisse être entendu aujourd’hui dans différentes configurations de liens, les processus découverts par Freud sont toujours à l’œuvre. L’auteur nous dirige vers l’hypothèse que les changements actuels peuvent avoir des répercussions sur la contenance familiale, notamment à travers l’autorité et les frontières générationnelles. En ce sens, l’auteur propose une réflexion sur les aménagements nécessaires des cadres analytiques et sur le travail contretransférentiel.  Roberto Losso et Ana Packciarz Losso, dans leur article Crisis en la familia, crisis en la pareja, nous montrent la possibilité de penser aux processus vitaux évolutifs des individus, les couples et les familles, en les considérant comme une succession de crises qui mettent à l’épreuve le sujet, le groupe. Mais ils montrent aussi que les crises représentent une opportunité de changement, en termes de processus de deuil. Avec le soutien de deux situations cliniques, les auteurs nous présentent l’idée que les changements dans les familles actuelles peuvent être lus en termes d’une possible augmentation des narcissismes.

Simona Taccani et Cristina Zorzato, dans leur travail Couple’s link, family’s link: critical nodes and changing processes, mettent en lumière des nœuds critiques à l’intérieur des processus de changement des couples et des familles d’aujourd’hui. La focalisation sur une approche groupale, psychique et corporelle aux familles et aux couples leur permet de décrire le couple et la famille comme des objets-groupe avec une réalité intersubjective propre où se jouent alliances, conflits, contrats intra et intergénérationnels. Sonia Kleiman, avec un travail du titre ¿En qué nos interrogan los vínculos hoy?, avec l’aide de la pensée anthropologique, s’interroge sur la nécessité de penser de façon différente les changements de la famille contemporaine et, plus en général, des configurations des liens.

Suivent des articles axés sur des questions cliniques plus spécifiques.

Ludovica Grassi, avec son article, Family as a transformative tool, nous introduit à l’idée que la famille est considérée comme une structure essentielle pour la constitution de l’altérité et de la continuité. Le cas clinique présenté nous montre un travail analytique où des possibles réalisations créatives de la structure familiale peuvent offrir des nouvelles solutions à des pertes traumatiques et à des séparations dues à la migration, en dépassant l’alternative entre une répétition mortifère et une étrangeté terrifiante.

Cristina Calarasanu, avec son article Sortie interdite, en s’appuyant notamment sur les thèses de Didier Anzieu et René Kaës décrit le malêtre contemporain comme étroitement lié aux pathologies des enveloppes psychiques, nous introduisant à l’idée que la souffrance, devenue centrale dans la pathologie contemporaine, est liée à la question des limites. On se trouve en présence d’un contenant assez détérioré qui produit un mouvement de regroupement fusionnel qui met la famille dans une position régressive et produit une transgression des limites. Le cas clinique présenté et commenté aussi en référence à Bion et à Meltzer, nous illustre la fonction contenant du cadre thérapeutique.   Damian McCann, avec l’article The couple and family in transition, aborde un thème encore peu traité, mais concernant des éléments qui pourraient mettre en cause nos références théoriques et nous décrit les défis spécifiques que les couples et les familles affrontent lorsqu’un des partenaires ou parents décident de transitionner. Avec l’aide de situations cliniques, l’auteur aborde également la contribution importante que les psychanalystes de couples et de la famille peuvent donner en aidant ceux qui luttent avec la transition pour trouver un résultat plus pondéré.

Ausilia Sparano, avec l’article Suspended on a rope: the family unconscious as seen in a consultation with the parents of a preterm neonate, s’interroge sur le fantasme partagé par un couple de parents, dont la fille née grande prématurée était hospitalisée au service des soins intensifs néonatals. La famille est mise en crise et, en particulier, l’auteur explore les mécanismes de compulsion de répétition et d’identification projective qui caractérisent cette famille et ses défenses face à l’accouchement prématuré, entendu comme événement traumatique s’inscrivant au niveau transgénérationnel dans l’inconscient familial.

Ce numéro contient aussi la section Vocabulaire avec le terme “Crise”, écrit par Rosa Jaitin, qui présente l’élaboration qui fait René Kaës de ce concept et la Rubrique de présentation et commentaire de livres, avec David E. Scharff qui analyse le livre édité par Anna Maria Nicolò, Pierre Benghozi et Daniela Lucarelli, Families in transformation: a psychoanalytic approach, et le commentaire de Massimiliano Sommantico sur l’ouvrage de René Kaës, L’extension de la psychanalyse. Pour une métapsychologie de troisième type.


[*]  Psycologue, Psychanalyste, membre ordinaire de l’IPA/SPI, experte en psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent (IPA), directeur de la Revue AIPCF (Revue de l’Association Intérnationale de Psychanalyse de Couple et Famille), président de la Section Couple et Famille de l’EFPP (European Federation for Psychoanalytic Psychotherapy ), professeur et superviseur à l’Istituto Winnicott iW à Rome, membre fondateur de la SIPsIA (Società italiana di psicoterapia psicoanalitica dell’Infanzia, dell’Adolescenza e della Coppia) à Rome, professeur et superviseur au cours PCF (Corso Postspecialistico di Psicoanalisi della Coppia e della Famiglia) à Rome, membre du comité de rédaction de la revue Interazioni (Franco Angeli, Milan), auteur de nombreux articles sur la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent et sur la psychanalyse du couple et de la famille.  daniela.lucarelli@gmail.com

[**]  Chercheur en Psychologie clinique à Université de Naples “Federico II”, psychologue, psychothérapeute, psychanalyste de couple et de famille, membre du CA et du CS de l’AIPCF, candidat de la Société Psychanalytique Italienne, Rédacteur en Chef de la Revue de l’AIPCF, rédacteur de la revue Interazioni, auteurs de nombreux articles sur la psychanalyse d’adultes, de couple et de famille sommanti@unina.it

Revue Internationale de Psychanalyse du Couple et de la Famille

AIPPF

ISSN 2105-1038