REVUE N° 32 | ANNE 2025 / 1
DICTIONNAIRE
Incestuel
Jean-Pierre Caillot*
Définition
L’incestuel, selon Paul-Claude Racamier, «désigne et qualifie, ce qui, dans la vie psychique individuelle et familiale, porte l’empreinte de l’inceste non fantasmé, sans qu’en soient nécessairement présentes les formes physiques» (1993, p. 47).
Il s’étend également à la vie psychique groupale, institutionnelle et sociétale. L’incestuel appartient au registre de l’inceste.
Historique du terme
Ce terme apparaît dans le rapport Les paradoxes des schizophrènes présenté au printemps 1978 par Racamier au Congrès des psychanalystes de langues romanes à Florence.
C’est à la suite de ses recherches sur la genèse des psychoses que Racamier réfute l’idée d’une origine pré-œdipienne de la schizophrénie. Il ne peut admettre néanmoins que toutes les familles pathologiques des schizophrènes soient incestueuses. C’est alors qu’il découvre l’incestuel, nouvelle forme le plus souvent agie, parfois hallucinée ou somatisée de l’inceste non fantasmé.
Par la suite, dans les travaux de ses successeurs apparaissent les termes d’incestualité (M. Hurni) et de meurtrialité (J.-P. Caillot) familiales qui vont caractériser les deux versants amalgamés de ces équivalents d’inceste et de meurtre, que sont l’incestuel et le meurtriel.
Questions ouvertes et débats
Ces nouveaux concepts innovants d’incestuel et d’incestualité familiale bouleversent notre compréhension théorique, clinique et thérapeutique de toutes les pathologies narcissiques paradoxales et traumatiques telles que les psychoses, les perversions, les somatoses, les addictions et divers troubles du comportement alimentaire et sexuel. Désormais, ils nous permettent d’aborder l’immense continent de la paradoxalité des pathologies narcissiques graves. L’incestuel constitue avec l’inceste agi l’antoedipe pathologique qui évince l’œdipe.
La relation d’objet incestuel appartient également à la position narcissique paradoxale (J-P Caillot).
Intérêts cliniques
Ces concepts permettent dans notre pratique de différencier l’œdipe de l’antœdipe.
Dans l’œdipe, les représentations générationnelles sont dans l’ordre des choses ; dans l’antœdipe normal qui contrebalance l’œdipe, le renversement générationnel est fantasmé, les enfants sont devant les parents.
En revanche, dans l’antœdipe pathologique, dans la position narcissique paradoxale, existent différents modes de renversement générationnel non fantasmé : agi, halluciné ou somatisé.
Ainsi, ces concepts jouent un rôle essentiel au cours du travail des différentes étapes du processus psychanalytique antœdipien des pathologies narcissiques paradoxales où l’on peut observer le passage du traumatique au désir, de l’antœdipe pathologique à l’œdipe, de la position narcissique paradoxale aux positions psychiques œdipiennes.
Mots connexes
Inceste, incestualité, antœdipe pathologique, position narcissique paradoxale.
Bibliographie
Anzieu, D. (1975). Le transfert paradoxal, Nouvelle Revue de Psychanalyse, 12, 49-72.
Caillot, J.-P. ; Decobert, S. et Pigott, C. (sous la dir.) (1998). Vocabulaire de psychanalyse groupale et familiale, tome 1. Paris: Les éditions du CPGF.
Caillot, J.-P. (2015). Le meurtriel, l’incestuel et le traumatique. Malakoff: Dunod.
Caillot, J.-P. (2024). Le désir et le traumatique. Malakoff: Dunod.
Racamier, P.-C. (1980). Les schizophrènes. Paris: Payot.
Racamier, P.-C. (1992). Le génie des origines. Paris: Payot.
Racamier, P.-C. (1993). Le cortège conceptuel. Paris: Apsygée Éditions.
Racamier, P.-C. (2010). L’inceste et l’incestuel. Malakoff: Dunod.
* Psychiatre, psychanalyste membre de la SPP, il est le co-fondateur avec S. Decobert, C. Pigott et P.-C. Racamier du Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale dont il est l’un des anciens présidents. Il est co-fondateur avec les docteurs M. Hurni et G. Stoll de l’APAOR (Académie Psychanalytique Autour de l’Œuvre de Racamier).