REVUE N° 22 | ANNE 2020 / 1
Résumé
Homoparentalité: apports d’une approche psychanalytique
Le mot homoparentalité désigne-t-il des changements profonds dans la famille et la filiation? De quels changements s’agit-il? Les auteurs tentent de répondre à ces questions à partir de données recueillies grâce à une recherche clinique et s’appuient, au plan théorique, sur la distinction entre parenté et parentalité. L’analyse métapsychologique du discours d’adultes homosexuels engagés dans la parentalité met en évidence la permanence des enjeux inconscients liés au devenir parent. Deux conclusions en découlent. Premièrement: des changements dans la parenté n’entraînent pas forcément des changements dans la parentalité. Deuxièmement: dans ces nouvelles configurations familiales les sujets semblent bien créer de nouveaux liens qui servent de support à la mise en place des processus psychiques de la parentalité.
Mots-clés: homoparentalité, parenté, parentalité, recherche clinique, permutation symbolique des places, métapsychologie.
Summary
Homoparentality: contributions of a psychoanalytic approach
Does the word homoparentality indicate major changes in the family and filiation? Which changes are they? The authors try to answer these questions starting from data collected thanks to a clinical research and are based, in the theoretical plan, on the distinction between parenthood and parentality. The metapsychologic analysis of the speech of homosexual adults engaged in the parentality highlights the permanence of the unconscious stakes related to becoming father or mother. Two conclusions result from this. Firstly: changes in the parenthood inevitably do not involve changes in the parentality. Secondly: in these new family configurations the subjects seem well to create new bonds which are used as support with the installation of the psychic processes of the parentality.
Keywords: homoparentality, parentality, clinic research, permutation symbolic system of the places, metapsychology.
Resumen
Homoparentalidad: contributiones de un abordaje psicoanalítico
¿Señala la palabra homoparentalidad un cambio profundo en la familia y la filiación? ¿De qué tipo de cambio se trata? Los autores intentan responder à estas preguntas a partir de una investigación clínica y se apoyan, a nivel teórico, sobre la distinción entre parentesco y parentalidad. El análisis metapsicológico del discurso de adultos homosexuales comprometidos en la parentalidad pone de relieve la permanencia de los procesos inconscientes vinculados con el acceso a ser padres. Dos conclusiones. Primero: los cambios en el parentesco no abarcan necesariamente cambios en la parentalidad. Segundo: parece que en estas nuevas formas de familias los sujetos crean nuevos lazos en los cuales se apoyan los procesos psíquicos de la parentalidad.
Palabras clave: homoparentalidad, parentesco, parentalidad, investigación clínica, permutación simbólica de los lugares, metapsicología.
ARTICLE
Dans le cadre des sciences humaines, les travaux sur l’homoparentalité ont mobilisé jusqu’à maintenant essentiellement les anthropologues (Godelier, 2005) les sociologues (Gross, 2004) les juristes (Mécary, 2006) et les psychologues du développement (Gonzalez et Lopez, 2006 ; Vecho, Schneider, Zaouche-Gaudron, 2006). En revanche, sur cette question, les travaux d’orientation psychanalytique restent rares (voir toutefois: Delaisi de Parseval, 2005; Corbett, 2003). Il faut dire que, dès le départ, en France tout au moins, le terrain a été quelque peu miné par les positions péremptoires de certains qui n’ont pas favorisé un travail réflexif ni, a fortiori, une démarche de recherche s’appuyant sur des données cliniques.
Or une telle démarche est possible, selon certaines conditions. La première d’entre elles nous paraît relever d’une nécessité d’ordre pragmatique mais pour autant pas forcément la plus facile à mettre en pratique par le clinicien. Elle suppose d’accepter de s’extraire des lieux habituels d’exercice de la clinique, c’est-à-dire de rencontrer des sujets dans un cadre autre. La deuxième présente un autre type de difficulté: il s’agit de mettre entre parenthèses certaines habitudes de pensée acquises au cours de la formation de clinicien. Commencer tout d’abord par mettre entre parenthèses un supposé savoir sur l’homosexualité et, notamment, une contrainte à la classer parmi les perversions. Ici une disjonction notionnelle, que ne facilite pas le vocable homoparentalité, peut se révéler fort utile: la disjonction entre homosexualité et parentalité. Après tout, sur le plan théorique rien n’autorise, a priori, à affirmer l’existence d’un lien évident entre l’orientation sexuelle, ou choix d’objet en termes psychanalytiques, et l’expérience de la parentalité. Mettre entre parenthèses ensuite la référence à l’enfant. Ou plutôt la référence à l’enfant du discours psy, à ses supposés besoins, aux supposées conditions nécessaires à son épanouissement. Il s’agit de se départir, en somme, d’une position d’expert qui juge et évalue à partir d’un supposé savoir établi sur l’homosexualité et sur le point de vue de l’enfant, dans un premier temps en tout cas.
Trois conditions à partir desquelles l’un de nous a dirigé, à l’université, une recherche clinique auprès d’adultes homosexuels engagés dans la parentalité. À ce jour une quarantaine d’entretiens[1] ont été menés et nous nous donnons ici pour objectif de proposer une synthèse des hypothèses dégagées dans des publications antérieures (Ducousso-Lacaze, 2004; 2005; Ducousso-Lacaze et Gachedoit, 2006). Comme nous allons le voir, ces hypothèses découlent directement d’une problématique étroitement articulée aux notions de parenté et de parentalité.
De la parenté à la parentalité
À un niveau de l’analyse anthropologique, il est clair que les deux types de situations homoparentales que nous avons rencontrées mettent en question notre système de parenté. Ainsi, avec les couples lesbiens ayant recours à l’insémination artificielle avec donneur (IAD)[2], c’est le principe du nécessaire de la différence des sexes comme organisateur de l’alliance qui est interrogé. En termes de filiation, c’est le principe selon lequel “les parents sont ceux qui ont engendré l’enfant”. Dans les différentes situations dites de coparentalité[3] il arrive que quatre adultes se disent parents du ou des enfants, dont deux n’ont pas pris part à la procréation, la compagne de la mère et le compagnon du père. Cette fois, c’est le principe institué selon lequel l’enfant ne peut avoir que deux parents qui est pris en défaut.
Mais ces changements qui ont lieu dans le contexte anthropologique, normatif et technique (puisque la médecine est impliquée avec l’IAD), s’accompagnent-ils de changements dans la parentalité? Cette question exige de passer à un autre plan d’analyse, ce que la distinction entre parenté et parentalité va nous aider à réaliser. Si la parenté renvoie à des règles socialement construites, la parentalité par contre désigne l’ensemble des processus par lesquels on devient parent du point de vue psychique. Cette distinction (Houzel, 1999) nous permet, tout d’abord, d’insister sur l’idée selon laquelle il ne suffit pas d’être institué “père ou mère de” pour se sentir parent. Des processus relevant de la vie fantasmatique, consciente et inconsciente, doivent l’accompagner, faute de quoi la place de parent, désignée par l’institution, demeure une place vide. Mais en retour, elle pointe qu’il ne peut y avoir d’entrée des processus de la parentalité sans une articulation de ces processus avec des principes institués qui déterminent des places et des rôles selon des règles qui relèvent du travail de la culture.
Cette articulation s’effectue-t-elle dans les situations dites d’homoparentalité rencontrées? Comment la parentalité se construit-elle, alors que l’institution ne peut proposer une logique d’ensemble permettant de penser la place de chacun dans un système de relations? Assiste-t-on à l’émergence d’une forme de parentalité qui serait totalement indépendante de la référence à une logique culturelle de définition et de différenciation des places de chacun? À l’émergence d’une expérience de la parentalité radicalement nouvelle?
Les couples lesbiens avec IAD
La permutation symbolique des places
Pour les femmes rencontrées, comme pour n’importe quel adulte, le devenir parent implique la référence à leurs propres parents. Sur le plan intrapsychique un triple mouvement est à l’œuvre. Il s’agit de s’inscrire dans la continuité de ses propres parents tout en reprenant le processus de différenciation à leur égard et ainsi de renoncer à sa place d’enfant pour la céder à celui qui vient de naître. L’accès à la parentalité suppose donc une perte de sa propre position d’enfant accompagnée d’un mouvement psychique de réactivation des identifications aux parents dans leurs fonctions parentales. Or, les femmes rencontrées n’échappent pas à ce processus. Elles aussi se confrontent à l’exigence inconsciente de renoncer aux satisfactions de l’enfance pour accéder à celles, plus incertaines, de prendre la responsabilité de participer, en tant que parent, à la succession des générations. Elles aussi subissent une réidentification forcée à leurs propres parents. La plupart des entretiens réalisés laissent à penser que, pour celle qui a porté l’enfant, c’est l’identification à la mère qui vient au premier plan alors que, pour l’autre, c’est plutôt l’identification au père, sans que pour autant cette dernière se prenne pour le père de l’enfant. Déterminer le nom d’adresse de la “co-mère” se trouve d’ailleurs au centre de ces enjeux de différenciation. De telle sorte que là où certains avaient prédit l’avènement de l’indifférenciation, pour les couples rencontrés, se produit plutôt le contraire: à la faveur de l’accès à la parentalité apparaissent de nouvelles différences entre les partenaires du couple, aussi bien en termes de rôles que de sentiment identitaire. À quoi il faut ajouter une reprise de la différenciation entre les générations découlant du sentiment d’avoir fait de ses propres parents des grands-parents. Ce dernier point est particulièrement important: il signifie que ces femmes, celles rencontrées tout au moins, accomplissent une opération intrapsychique articulant la dimension subjective avec la dimension institutionnelle et donc culturelle qui organise la succession des générations, opération que Legendre (1990) appelle “permutation symbolique des places”. Les données cliniques recueillies montrent que l’homosexualité ne constitue pas en soi une entrave à cette opération qui, par ailleurs, est périlleuse pour tout adulte.
La figure du père
Deuxième aspect qui ne change pas : la référence au père. Quel père? nous demandera-t-on, le propre de ces familles n’est-ce pas justement de l’évincer? Or, dire cela c’est oublier un fait simple: les femmes que nous avons rencontrées ont un père. Aussi, elles sont porteuses de l’image d’un père qui, pour elles, est associé à la loi culturelle; un père représentant de ce que la psychanalyse appelle la fonction paternelle, cette fonction éminemment structurante pour le psychisme et qui tout à la fois porte les interdits culturels fondamentaux et, dans le même temps, permet de se permettre. À plusieurs reprises, dans nos entretiens nous avons entendu la référence à ce père-là. Il n’est pas rare que, dans un couple, l’une des deux parle de son père comme étant celui dont l’avis importe. Non pas celui dont on dépend, comme un enfant, mais celui qui a servi de référence soit pour s’autoriser à vivre une relation homosexuelle au grand jour, soit pour s’autoriser à devenir parent, soit les deux. Celui dont les paroles ont compté et comptent encore.
Mais cette référence au père de l’une des deux dissimule un enjeu inconscient fondamental. Les récits des remaniements des liens intergénérationnels consécutifs à l’arrivée d’un enfant donnent des indications à son sujet. Dans certains cas, en effet, les couples lesbiens évoquent deux inquiétudes éventuellement liées l’une à l’autre. La première concerne la reconnaissance, par leurs parents, de leur propre couple en tant que couple conjugal et/ou couple parental. Cette reconnaissance ne va pas toujours sans difficulté, soit parce que leurs propres parents rejettent l’homosexualité, soit parce que, sur le plan fantasmatique, la réorganisation des places ne va pas de soi. Ce deuxième cas de figure est particulièrement intéressant car les récits mettent en évidence que les places de père et de grand-père peuvent susciter des confusions. L’absence d’un homme désigné et institué comme père de l’enfant s’articule avec des enjeux inconscients cruciaux pour le couple de femmes mais aussi pour les grands-parents. Il apparaît alors que la réactualisation des fantasmes œdipiens joue un rôle déterminant pour les unes comme pour les autres. Par exemple, fantasmes œdipiens de l’une des compagnes qui peut craindre que son propre père ne se prenne pour le père de l’enfant. Ou bien, fantasmes œdipiens d’un des grands-pères qui peuvent l’amener à se comporter comme s’il était le père de l’enfant, niant toute place symbolique à la compagne de sa fille, dans le lien conjugal et dans la succession des générations (Ducousso-Lacaze et Gachedoit, op. cit.). C’est donc bien la barrière de l’interdit de l’inceste qui est en jeu. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous parlerons de la figure du donneur. Disons pour l’instant que, ce que la psychanalyse désigne par fonction paternelle dans sa dimension interdictrice et différenciatrice joue un rôle déterminant. Pour ces femmes aussi le devenir parent réactualise les enjeux œdipiens et leur corollaire, la nécessaire recherche de compromis intrapsychiques entre des désirs inconscients et la défense contre ces désirs.
Il est donc impossible, pour les femmes rencontrées, de faire comme si la fonction paternelle n’existait pas. D’une part pour la raison que nous avons énoncée cidessus: cette fonction soutient leur travail psychique de différenciation entre les générations et la permutation symbolique des places. D’autre part, parce qu’elles ne vivent pas en autarcie et que la fonction paternelle fait sans cesse irruption dans le monde social et culturel. Elle est représentée dans les autres familles qu’elles côtoient (amis), dans la famille élargie (grands-pères, frères, cousins…) ainsi que dans les contes, films, dessins animés pour enfants. Ce qui ne manque pas, évidemment, de susciter les questions de l’enfant à propos du père (c’est quoi un papa?). Les entretiens montrent que ces femmes choisissent alors (mais sur le plan inconscient il s’agit d’une contrainte) de lui désigner des représentants concrets de cette fonction paternelle: le(s) grand(s)-père(s), les oncles, les amis…
La figure du donneur
Mais un autre homme est évoqué dans les récits obtenus : le donneur. Comment estil représenté? Pour répondre à cette question il convient de distinguer les rationalisations des enjeux inconscients qui les sous-tendent. En effet, ces femmes adhèrent, sur le plan conscient, à une représentation sociale actuellement très répandue: c’est l’amour qui fonde les relations parents-enfants, l’amour suffit. Le recours à une telle représentation remplit plusieurs fonctions. D’une part, il permet d’atténuer le sentiment de culpabilité d’avoir fait un enfant “sans père”. D’autre part, il soutient l’affirmation selon laquelle, pour accéder à la parentalité, les liens de filiation biologique sont secondaires. Enfin il permet d’avancer que le donneur anonyme n’est pas le père de l’enfant, il n’est que le géniteur. Mais nous sommes là au plan conscient, au plan des rationalisations. Or, les entretiens menés montrent que de telles rationalisations ne mettent pas à l’abri de la contrainte, intrapsychique, de se représenter le donneur selon d’autres modalités. L’une d’elles “se cristallise” autour de la métaphore du don. La grande majorité de ces femmes évoquent “un généreux donneur” à l’égard duquel elles expriment de la gratitude. Un processus d’idéalisation est à l’œuvre: le donneur est alors représenté sous les traits d’une pure générosité. Or, comme on le sait, les processus d’idéalisation, dans leur rapport au narcissisme infantile des parents, occupent une place centrale dans l’expérience de la parentalité (Manzano et al., 1999). L’idéalisation du donneur semble donc s’inscrire dans le processus plus large de l’expérience de la parentalité en tant qu’elle réactualise des enjeux narcissiques infantiles pour tous les parents. On peut donc penser qu’en devenant parents, les couples lesbiens ne peuvent échapper à la contrainte inconsciente de construire des scénarios narcissiques (Manzano et al., op. cit.) de la parentalité incluant l’image idéalisée du donneur. Comme tout processus d’idéalisation, celui-ci repose sur un clivage et constitue une défense contre des pulsions agressives. D’un côté, la part idéalisée du masculin rapportée à son pouvoir de donner la vie et de donner à des femmes leur ouvre la possibilité de devenir mères, pouvoir reconnu et source de gratitude. De l’autre, se dégage la part qui renvoie à la dimension phallique du masculin, celle qui semble confronter ces femmes à des conflits intrapsychiques complexes mais aussi la part qui renvoie à un sentiment de dette à son égard (Ducousso-Lacaze, 2008).
Toutefois on peut estimer que ce lien intrapsychique au donneur ne possède pas seulement une dimension imaginaire. Nous ferons l’hypothèse qu’il possède aussi une dimension symbolique et nous la soutiendrons à partir de deux types de données cliniques. Tout d’abord, chez certaines femmes le discours témoigne d’une érotisation du donneur. L’une d’entre elles va même jusqu’à dire qu’il “a donné son corps à travers le sperme”. D’autres estiment que l’enfant est né de l’amour de trois personnes : l’amour des deux compagnes et l’amour du donneur. C’est la preuve, s’il en était besoin, que sur le plan fantasmatique homosexualité et hétérosexualité ne s’excluent pas forcément. Et, malgré les rationalisations évoquées ci-dessus, peut surgir l’idée, dans un quasi-lapsus, que l’enfant a trois parents. Ainsi, sur le plan inconscient, ces couples auraient à se représenter une scène primitive, celle qui a donné naissance à l’enfant, comportant nécessairement le donneur. La vie fantasmatique permet alors certainement à chacune des deux compagnes d’imaginer pour son propre compte des variations dans les rôles, les places, les positions de chacun.
D’autre part, ces femmes, lorsqu’elles ont le projet d’un deuxième enfant, “réservent” le sperme du même donneur afin que l’enfant que mettra au monde l’autre partenaire du couple “soit bien” le frère ou la sœur du premier enfant. Ainsi le lien au donneur fonde le lien fraternel. Mais ce n’est pas tout. Il est également articulé dans le discours en tant que limite aux fantasmes susceptibles d’entraîner une confusion des générations et donc aux fantasmes incestueux. Nous résumerons la logique sous-jacente structurant le discours des femmes de la manière suivante: si le lien entre les enfants est un lien fraternel, alors le lien entre les deux compagnes est un lien conjugal, leur couple est un couple parental et leurs parents respectifs des grands-parents… pour les deux enfants. Ce serait là la dimension symbolique du lien fantasmatique au donneur: il soutient la référence à un tiers autour duquel s’articule la garantie d’une procréation non incestueuse, de ce fait, la permutation symbolique des places.
Situations de coparentalité
Venons-en maintenant à un autre type de configuration. Cette fois quatre adultes sont impliqués: un couple de femmes et un couple d’hommes. Les modes de structuration peuvent être assez divers, l’implication des différents adultes auprès de l’enfant dépendant en grande partie de l’histoire singulière de chaque couple. Un essai de généralisation paraît donc plus délicat que pour les configurations des couples lesbiens ayant recours à une IAD et dépasserait largement le cadre de cet exposé. Nous nous appuierons donc sur une vignette clinique tirée d’un entretien avec Nadine, 32 ans, mère de Marie, 18 mois. Elle vit en couple avec Caroline et a conçu son enfant par insémination artificielle avec Guillaume dont le compagnon s’appelle Claude.
Le lien psychique aux générations antérieures
Pour Nadine[4], parler de l’émergence du projet d’enfant, comme le demande l’entretien, l’amène très rapidement à parler de sa mère.
Pour qu’elle puisse envisager d’être mère il a d’abord fallu qu’elle mette en question l’image de sa propre mère. Selon Nadine, sa mère avait à son égard des attitudes étouffantes et leur rapport était “fusionnel, passionnel mais destructeur. J’avais peur d’être la même mère pour ma fille… en fait je suis une mère complètement différente”. Et puis “maintenant j’ai une valeur à mes propres yeux”. Depuis la naissance de sa fille, elle se sent légitime à imposer des limites aux “débordements” de sa mère mais elle insiste sur un point “c’est une meilleure grand-mère que mère”. Ainsi, classiquement, Nadine raconte son expérience de la maternité en référence à l’image de sa propre mère. Nous retrouvons une dimension bien connue de l’expérience de la parentalité; le devenir parent implique sur le plan psychique au moins trois générations: celle de l’enfant, celle des parents et celle des grandsparents. L’expérience de la parentalité passe par un processus complexe de mise en cause des images parentales, ici l’image de la mère, et de permutation qui donne le sentiment de se substituer aux parents dans la fonction parentale. Nadine exprime bien les bénéfices psychiques qui en découlent: elle a fait de sa mère une grandmère; dimension là encore bien connue (permutation symbolique des places) du devenir parent même si, bien évidemment, les caractéristiques de l’image maternelle que porte Nadine sont tout à fait singulières.
Le lien de couple
Évoquant ses expériences amoureuses antérieures, Nadine insiste sur le fait qu’elle n’avait pas songé à porter un enfant avant de rencontrer Caroline. Cette dernière l’aurait amenée à se poser “plein de questions” sur sa mère. Et puis Caroline a su “voir en moi ce que je n’étais pas capable de voir, que je pouvais être une vraie maman chouette”. Nadine précise que dans ses relations amoureuses antérieures elle “se débinait” poussant ses compagnes à porter un enfant. Elle croyait alors qu’elle pourrait être “un super papa” et se souvient de son désir de transmettre les valeurs intellectuelles héritées de son père. Avec le lien amoureux à Caroline débute la possibilité, pour Nadine, de se penser mère elle-même. D’autant que Caroline, plus âgée, déjà mère, ayant renoncé à enfanter de nouveau, confronte Nadine à l’impossibilité de satisfaire, dans le lien amoureux, son désir d’être à la place de son père.
Se dégager d’une image maternelle “étouffante” tout en s’inscrivant dans une lignée féminine semble, pour Nadine, source de conflits psychiques importants. Dans ce contexte subjectif le lien de couple supporte la création de solutions de compromis. Dans un premier temps, Nadine établit des liens avec des femmes qui lui permettent de mobiliser ses désirs d’identification à son père dans sa fonction de transmission, tenant ainsi à distance son désir d’enfanter. Une deuxième solution de compromis est soutenue par le lien à Caroline, mais aussi, on va le voir, par le lien au père de l’enfant, et va permettre, pour Nadine, un début de dégagement à l’égard de l’image maternelle et de se penser mère elle-même. On a beaucoup étudié comment le lien amoureux à un homme peut permettre à une femme de se détacher subjectivement de sa mère et ainsi de se penser mère. Ce que montre le récit de Nadine, c’est que le lien de couple homosexué peut également participer à un tel processus. Caroline semble constituer pour Nadine une image maternelle de référence (Bydlowski, 1997).
Le lien au père de l’enfant
Abordons maintenant ce que dit Nadine de Guillaume, le père de sa fille. Le récit de la première fois où elle a vu Guillaume, en public, ressemble au récit d’un coup de foudre: ses propos captivaient l’assemblée. Elle a cru qu’il s’agissait du conférencier annoncé. Depuis, pour Nadine, les qualités de Guillaume n’ont fait que se confirmer: “Jamais, jamais il déborde, en rien… Ah, je me suis pas trompée ! C’est le rêve! […] Oui, oui, vraiment, Guillaume, c’est le rêve!… Enfin, il est extraordinaire, quoi!” Ne prendre en compte que les conduites présente l’avantage de faciliter les catégorisations: puisqu’elle vit avec une femme, Nadine est homosexuelle. Mais à travers les paroles de Nadine sur Guillaume se manifeste la complexité de sa vie psychique. Les sentiments qu’elle éprouve à l’égard de cet homme ressemblent à de l’amour. Deux remarques parmi d’autres possibles. D’une part, on peut constater, comme nous l’avons déjà dit, que lorsque l’on s’intéresse à la vie psychique et plus seulement aux conduites, la différence entre homosexualité et hétérosexualité acquiert une certaine relativité. D’autre part, on peut se demander dans quelle mesure la parentalité ne réactualise pas nécessairement des fantaisies hétérosexuelles. Faire un enfant suppose, d’une manière ou d’une autre, de “faire appel” à un représentant de l’autre sexe et donc sollicite probablement un éprouvé plus ou moins sexualisé à son égard.
Qu’aime particulièrement Nadine chez Guillaume? “… C’est quelqu’un qui a une part de féminité, d’un point de vue sensibilité, et ça c’est génial! Mon père était comme ça, et par rapport à un enfant, c’est génial, quoi ! C’est un, c’est un type, qui a pas peur de… […] il va faire tout ce qu’une femme peut faire avec un enfant”. “… Avoir rencontré quelqu’un d’aussi extraordinaire quand on a autant aimé son père, parce que… la barre était haute!”. Ainsi les fantaisies hétérosexuelles à l’égard de Guillaume semblent s’appuyer sur un vécu infantile que l’on connaît bien par ailleurs: le vécu œdipien. Est donc à l’œuvre un principe banal selon lequel le partenaire amoureux a quelque chose à voir, sur le plan inconscient, avec les premiers objets d’amour même si, en toute rigueur, Guillaume n’est pas le partenaire amoureux de Nadine.
Mais, dans ce lien, Guillaume est aussi investi de la fonction paternelle dans sa dimension de séparation. Ainsi évoquant la possibilité d’avoir un enfant en recourant à l’IAD, Nadine estime que cette solution livrerait l’enfant à sa propre mère si, à elle, il lui arrivait malheur, tandis que “Là, y a un père! Y a le barrage par rapport à ma mère, déjà!”
Difficultés relationnelles
Nadine évoque aussi des conflits avec Claude, le compagnon de Guillaume. Selon elle, il voudrait prendre une place trop importante auprès de Marie et “se prend pour le père, voire la mère” et même veut que l’on considère sa propre mère comme la grand-mère de Marie. Nadine insiste sur l’importance de la filiation biologique, et de la filiation instituée: pour elle, Marie doit avoir deux lignées clairement identifiées. Elle estime qu’ajouter la lignée de Claude (sa mère) et celle de Caroline créerait de la confusion.
La vie quotidienne dans ce genre de configuration familiale n’est pas simple. Pour les adultes se pose régulièrement la question de leur place auprès de l’enfant. Qui est le père? Qui est la mère? Qui est parent?
À quelles lignées appartient l’enfant? Mais ces questions, sources de “frictions”, ne sont pas très différentes des questions fréquentes dans les familles dites recomposées. Par exemple, un enfant doit-il appeler grand-père et grand-mère les parents du mari de sa mère ou de la femme de son père ? Cette question peut facilement engendrer des tensions dans la famille recomposée “classique”.
À partir du discours de Nadine, on notera que les sujets peuvent alors faire appel à des références instituées ou biologiques que leur configuration familiale contredit par ailleurs. Deux raisons possibles à cela. D’une part, la transgression que suppose cette configuration familiale peut être source de sentiments de culpabilité et d’angoisse. Faire appel à des principes reconnus par la culture peut avoir des effets apaisants. D’autre part, au cœur du conflit, la référence à ces principes peut servir les intérêts du sujet et la cause qu’il défend: la sienne en fin de compte, même s’il prétend défendre la cause de l’enfant comme le font souvent les adultes d’aujourd’hui (Laflaquière, 1990). Les deux raisons ne sont évidemment pas exclusives l’une de l’autre.
Conclusions
Le continuum dans l’évolution ontogénétique se poursuit et interagit avec l’évolution phylogénétique qui semble à un point crucial de sa progression à l’heure actuelle: le parent perd de sa charge sexuée et sexuelle, développe un potentiel symbolique majoré et tend à se diluer à travers une série de figures ou instances plus éloignées du cercle familial, lieu des premières identifications. Pourquoi la psyché y perdrait-elle? Elle engrange et superpose, choisissant au moment opportun les objets dont elle a besoin. Faut-il se désoler du déclin de l’empire paternel, de l’appauvrissement de l’aire maternelle? L’aide à la parentalité tant prônée semble devoir se porter aussi vers les autres acteurs de la parentalité déléguée, qui renâclent parfois à endosser cette charge.
Réexaminer les concepts de parent, père et mère, en fonction de données observables dans nos thérapies, permet d’y repérer et d’en comprendre les aspects nouveaux. Ils intègrent les caractéristiques de la société d’aujourd’hui: rapidité, plasticité, évolutivité, fragmentations et recompositions s’opérant selon un rythme croissant. Pour les comprendre, nous constatons que la théorie queer, porteuse du credo de la fluidité des identités, organisée autour de la performance d’identités plurielles qui se manifestent chaque jour (Navarro Swain, 1998), ne tient pas les promesses affichées, dérivant vers une conception de l’identité qui nous apparaît comme volontariste. Se passer du concept de bisexualité psychique, c’est ignorer du même coup la source d’une dynamique où les conflits entre pôle masculin et pôle féminin s’actualisent en chacun de manière continue pour alimenter et animer sa vie psychique, et partant, des capacités parentales différenciées. La psychanalyse, renforcée par la théorie de liens, nous permet d’envisager des identités protéiformes mais plus stables, référées à l’inconscient et à son intemporalité, offrant de ce fait un recours potentiel dans les situations les plus étranges ou difficiles.
Permanences
Alors, la dite homoparentalité signe-t-elle un changement radical dans la parentalité ? Ce que nous avons dit des couples ayant recours à l’IAD et des “quatuors” laisse entendre que quelque chose ne change pas dans la parentalité entendue, rappelons-le, comme l’ensemble des processus conscients et inconscients par lesquels on devient parent. Les familles dites homoparentales ne sont pas le lieu de l’avènement d’une expérience radicalement nouvelle de la parentalité. L’expérience du devenir parent, pour le sujet homosexuel aussi, s’inscrit dans le cadre de l’institution de la succession des générations. Ce point est d’importance. Il signifie qu’une configuration familiale, même si elle ne correspond pas aux principes du système de parenté en vigueur dans la culture, échappe difficilement à une référence à l’institution et à certains de ses principes organisateurs. La question de la définition des places, repérables et différenciées, au sein du groupe familial reste un enjeu essentiel pour les couples lesbiens ayant recours à l’IAD comme pour les “quatuors”. Et nous avons vu comment ce travail psychique de définition et de rédéfinition de ces places est sous-tendu par la réactualisation des fantasmes œdipiens liées à l’expérience de la parentalité. Dès lors les sujets se trouvent soumis à des contraintes inconscientes exigeant d’eux qu’ils trouvent des solutions de compromis entre leurs désirs et les interdits culturels fondamentaux qu’ils ont intériorisés. Un bel exemple en est la manière dont l’interdit de l’inceste, loi culturelle par excellence, vient structurer la réorganisation des liens intergénérationnels pour les couples lesbiens ayant recours à l’IAD. L’expérience de la parentalité mobilise donc chez les sujets homosexuels, comme chez les sujets hétérosexuels, des désirs qui visent spécifiquement les images de leurs propres parents : désir de les supplanter, désir de leur ressembler, désir de les inscrire à la génération des grands-parents. On sait qu’il n’est facile pour personne d’assumer ces désirs et qu’ils sont source de conflits psychiques et de sentiments de culpabilité pour tout adulte devenant parent et parfois de collages œdipiens (Legendre, 1990; Grihom et Ducousso-Lacaze, 2006).
Les travaux sur l’homoparentalité montrent donc que, contrairement à ce qu’ont dit certains, l’orientation homosexuelle n’est pas en soi un obstacle à la mise en place du travail psychique indispensable pour renoncer à sa position d’enfant. Autrement dit, il semble bien qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir une sexualité potentiellement reproductrice (hétérosexualité) pour être en mesure d’accéder, sur le plan psychique, à une position de parent.
Changements
Dans quelle mesure les analyses du paragraphe précédent ne conduisent-elles pas à l’idée que les familles dites homoparentales ne sont pas véritablement porteuses de changements? Répondre à cette question suppose, à notre avis, de distinguer des niveaux d’analyse. Au niveau de l’analyse sociologique ou anthropologique, les familles dites homoparentales constituent indéniablement une nouveauté. Pour la première fois, dans notre culture, la différence des sexes des parents n’apparaît pas comme une référence fondatrice incontournable. Nous l’avons dit : les principes même de notre système de parenté sont questionnés. Au niveau politique, ces configurations familiales interrogent le fonctionnement de nos sociétés dites démocratiques: devons-nous par une décision politique redéfinir notre mode d’institution des liens d’alliance et de filiation (Ducousso-Lacaze et Scelles, 2006) ? Qu’en est-il au niveau psychologique ? La réflexion à partir de la notion de parentalité suggère qu’à ce niveau-là les changements restent limités. Et pourtant l’exemple de Nadine peut nous aider à faire preuve de davantage de perspicacité. Certes, Nadine mobilise des processus psychiques que nous connaissons bien par ailleurs, les enjeux œdipiens notamment. Mais elle ne les mobilise pas en “s’appuyant” sur le lien d’alliance, lien conjugal, entre un homme et une femme. Elle les mobilise en “s’appuyant” sur un lien conjugal avec une femme et un lien non conjugal, mais fortement investi, à l’homme qui est le père de son enfant. Ajoutons qu’elle s’appuie aussi sur le lien entre les deux couples qui se répartissent la garde de l’enfant. Un commentaire comparable peut être avancé pour les couples lesbiens ayant recours à l’IAD: dans leur cas le processus de parentalisation, avec la réactualisation des enjeux œdipiens qui l’accompagne, s’appuie sur le lien conjugal homosexué et sur le lien, imaginaire mais pas seulement, au donneur anonyme.
Peut-être sommes-nous là au plus près du changement au niveau psychologique. Contrairement à ce qu’ont cru pouvoir annoncer certains, quel que soit leur bord, les situations dites d’homoparentalité ne signent pas inéluctablement la fin de la structuration du groupe familial par le complexe d’œdipe. Les données cliniques que nous avons synthétisées indiquent plutôt, sur cet axe, à la fois une permanence et un changement.
Permanence de la réactualisation des enjeux œdipiens dans l’expérience de la parentalité. Changement, dans le même temps, qui se manifeste par la mobilisation de cette capacité des personnes à créer des liens non institués, voire non conventionnels, qui tout à la fois supportent la réactualisation des enjeux œdipiens et permettent de soutenir une position parentale.
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[1] Sur la base d’entretiens semi-directifs, intégralement enregistrés, on propose aux sujets de raconter, en fait de reconstruire, leur histoire ; dans le cas présent l’histoire de leur homosexualité, l’histoire de leur couple, l’histoire de leur projet d’enfant, l’histoire de leur vie avec l’enfant. Les relances prévues visent à les amener à intégrer dans leur récit les attitudes, les paroles, les réactions de leurs proches: parents, frères et sœurs, grands-parents… Les sujets ont été rencontrés, à leur domicile ou bien dans un bureau de l’université, à la suite d’un premier contact avec une association de parents gays et lesbiens ou bien par l’intermédiaire de “connaissances de connaissances”.
[2] Rappelons que les couples lesbiens n’ont pas droit à l’IAD en France. Ceux rencontrés se sont rendus, pour la plupart, en Belgique.
[3] Coparentalité: Il s’agit d’une situation où un homme et une femme, sans vie de couple, se lient pour concevoir et élever un ou plusieurs enfants (Gross, 2004). Dans les situations que nous avons rencontrées, l’homme et la femme en question vivent en couple homosexuel, c’est pourquoi nous parlons de coparentalité à quatre.
[4] Cette vignette clinique a donné lieu à une analyse approfondie dans une publication antérieure (Ducousso-Lacaze, 2008).