REVUE N° 13 | ANNE 2013 / 1

L’exigence de travail psychique d’un couple face à la crise

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Dans ce texte, l’auteur décrit la constitution de l’objet-couple, ses organisateurs, ainsi que les diverses fonctions qu’il acquiert, comme la construction du roman conjugal, la position d’objet tiers et d’aire transitionnel ainsi que lieu de dépôt pour les parties psychotiques des conjoints.  Dans la crise de couple, ces fonctions feront défaut ou disparaîtront.  Elles devront être reconstruites dans la cure à travers la relation transférentielle.

Mots-clés : objet-groupe, objet-couple, , organisateur psychique, organisateur familial, illusion couplale


In this text, the author describes the constitution of the object couple, its organizers, as well as the various functions it acquires, such as building the matrimonial novel, the position of the object third, the transitional area and the place to deposit the psychotic parties of spouses. In the crisis of couple, these functions will lack or disappear. They will have to be rebuilt in the cure through the transferential relationship.

Keywords: object Group, object couple, psychic organizer, familial organizer, couple illusion


En este texto, el autor describe la constitución del objeto pareja, de sus organizadores,  así como las distintas funciones que adquiere : la construcción de la novela matrimonial, la posición del objeto tercero y del área transicional, el lugar de depósito para las partes psicóticas de los cónyuges. En la crisis de pareja, estas funciones faltaran o desaparecerán. Tendrán que ser reconstruidas en la cura a través de la relación transferencial.

 

Palabras claves: objeto grupo, objeto pareja, organizador psíquico, organizador familiar, ilusión de pareja


ARTICLE

L’exigence de travail psychique d’un couple face à la crise

SERGE ARPIN[1]

Dans son article Le petit groupe comme objet, Pontalis cite Bion, « spécialiste de dynamique des groupe, [qui] parle du groupe — bravant Durkheim ou Lewin — comme « agrégat d’individus » et [qui] qualifie ingénument de fantasme la croyance en l’existence d’un groupe comme réalité transcendant les individus, avec les comportements et les attitudes qu’elle engendre en chacun, fantasme capable d’entraîner, au niveau de l’individu, quelque chose comme une dépersonnalisation. »[2] D’abord, déjà dans son titre, Pontalis fait allusion à un concept clé de la psychanalyse, celui de l’objet, c’est-àdire, de l’objet de la pulsion. Ce qui signifie que le groupe est un objet de la pulsion, investi d’amour et de haine, dans la ronde des objets partiels et totaux.  Pour investir cet objet, les individus qui constituent le groupe, d’abord simple agrégat, doivent co-construire et créer ensemble cet objet. Je fais l’hypothèse qu’une fois cette création réalisée, les membres du groupe auront tendance à vivre avec terreur le retour du groupe à l’état de simple agrégat. Cet état peut être assimilé au néant. Cette terreur est en rapport avec les angoisses de morcellement, de démembrement et d’annihilation.

Pour expliquer la création de l’objet-groupe, à partir de Pontalis et à l’instar de Spitz, les théoriciens psychanalytiques du groupe ont à leur tour utilisé le concept d’organisateur tiré de l’embryologie. Dans ce sens, René Kaës distingue deux systèmes d’organisateurs des représentations du groupe comme objet : les organisateurs psychiques groupaux, « définissant des relations d’objets scénarisées et articulées entre elles de manière cohérente pour un but de satisfaction pulsionnelles » et des organisateurs socioculturels. La « fonction de ces derniers est d’encoder de manière normative la réalité groupale (psychique, sociale et culturelle) à travers d’élaboration de représentations idéologiques, utopiques, mythiques ou scientifiques fonctionnant comme des modèles de groupalité. » [3]

On peut se demander pourquoi voulant traiter du couple, je suis en train de parler du groupe. En fait, les concepts dont je vais parler pour comprendre le couple ont été élaborés dans le champ de la recherche sur les petits groupes. Puis par la suite on s’est aperçu que ces concepts s’appliquaient aussi à un ensemble d’autres phénomènes : la famille, le couple et les institutions. Dans ce sens, on parlera d’objetfamille, d’objet-couple et d’objet-institution. Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’un lien analogique ou d’une ressemblance entre ces divers phénomènes, famille, couple, groupe et institution, mais d’un véritable lien génératif permettant de placer l’expérience familiale comme le fondement et le temps originaire du vécu groupal chez le sujet humain.

En isolant la tendance de l’humain à chercher la groupalité, et ainsi à construire la croyance en l’existence d’un groupe, au-delà de l’agrégat des personnes, on a fait l’hypothèse, avec Ruffiot que l’expérience originaire de l’humain avant d’être sujet était  fondu dans le berceau familiale, dont le sujet émergeait en construisant sa propre histoire et celle de sa famille, en écrivant son roman familial personnel. À cause de l’empreinte très profonde laissée par son émergence du berceau familial, le sujet conservera tout au long de sa vie cette aspiration à se refondre à nouveau dans un grand tout. C’est dans cette tendance ou ce désir (peut-être dans le halo du fantasme originaire du retour au sein maternel) que prend source cette possibilité du fantasme groupal d’entraîner la dépersonnalisation, dont parlait  Bion, dans l’expérience de la fusion nécessaire à la construction de la croyance au groupe, à l’objet-groupe. Cette dépersonnalisation, c’est la perte des frontières personnelles pour s’immerger dans le grand tout. Tendance qui dans l’absolu ne s’actualise pas totalement à cause de l’angoisse de la perte du moi, mais qui restera toujours en tension comme aspiration pleine de promesse au bonheur céleste, mais en même chargée de terreur.  Dès qu’un agrégat d’individus se présente, cette aspiration fusionnelle est réactivée chez les sujets du groupe en devenir afin d’initier la coconstruction de la croyance dans le groupe aboutissant à la création de l’objet-groupe.

Dans la logique de ce qui précède, on distinguera, un groupe primaire, la famille, temps originaire de la groupalité chez l’individu, et le petit groupe, ou groupe secondaire, dans lequel on entre avec l’espoir de réparer les failles de la groupalité vécues dans la famille d’origine (Kaës). Pour rendre compte de la construction de l’objet-famille, Eiguer a utilisé à son tour le concept d’organisateur, à l’instar de Kaës sur l’objet-groupe. Il a distingué trois organisateurs  familiaux. Je cite :

  • Le choix de partenaire qui inaugure le monde d’objets inconscients du couple et de la famille, et qui propose le premier modèle de lien objectal.
  • Le soi familial, qui inclut le sentiment d’appartenance, l’habitat intérieur et l’idéal du moi familial, et.
  • L’interfantasmatisation. Il la définit à la page précédente : L’inter-fantasmatisation inconsciente décrit un double processus : d’une part, les membres du groupe articulent inconsciemment le fonctionnement de liaison entre représentations des uns et des autres. Ils sont envahis par un mouvement d’illusion narcissique où ils se permettent, tout comme le nourrisson et sa mère, de créer des fantasmes « à l’unisson ». Ce premier niveau serait le cadre autorisant et contournant le processus d’inter-fantasmatisation. D’autre part, les membres du groupe se représentent simultanément des fantasmes de contenus semblables.  (D. Anzieu, 1975, p. 264)[4]

En décrivant les organisateurs familiaux, Eiguer a isolé le moment originaire de la fondation du couple comme temps premier de la construction familiale, même si tout couple n’aboutit pas nécessairement à former une famille. C’est ici que le couple se détache sur le fond de la réalité familiale. Je propose d’ajouter ici un quatrième organisateur que je placerai en deuxième place, la naissance de l’enfant. Celle-ci est en effet le déclencheur d’un processus de transformation majeur s’opérant dans le couple, devenant alors famille.  Une triple transformation s’enclenche sur le plan identitaire et structural au niveau du couple et des conjoints (Darchis).  Un homme et une femme deviennent père et mère, un couple d’amants se transforme en couple parental et cette nouvelle unité instaure la famille à l’image des familles d’origine tout en s’en séparant pour créer un nouveau chaînon générationnel. C’est un moment que Darchis[5] a nommé crise réorganisatrice pouvant par ailleurs devenir malheureusement dans certains cas, crise désorganisatrice.

Revenons plus spécifiquement au couple proprement dit. Nous pouvons appliquer au couple l’hypothèse de Bion sur le petit groupe.   Le couple est aussi  l’agrégat de deux individus, mais quand il est nommé « nous » ou « on » (Lemaire), « comme réalité transcendant les individus », ce « nous » est aussi à ce moment « un fantasme de croyance ». À ce titre, il s’agit d’une construction, nommé objetcouple, objet de la pulsion, investi narcissiquement et libidinalement d’amour et de haine.  Il faut ajouter que la possibilité du retour à l’agrégat, dans le vécu du désamour, dans l’éclatement de l’objetcouple ou dans la neutralisation du sentiment amoureux, plane  toujours comme menace à l’intérieur du couple, avec ses fantasmes de déchirure, d’arrachement, de démembrement, de morcellement, etc.  En tension, dans le couple, nous observons donc un jeu dynamique constant     entre          construction        et destruction,         organisation        et désorganisation.

Les partenaires du couple vont construire l’objet-couple dans un vécu fusionnel symbiotique, ce « quelque chose [vécu] comme une dépersonnalisation » écrivait Bion pour le groupe. Plus simplement, cela décrit l’état amoureux où un Nous idéal est créé. En faire parti nous grandit et, en même temps, l’autre du couple est idéalisé. En revanche, en être évincé, nous diminue, le moi se vidant de sa libido narcissique au profit de l’objet. Le moi y perdrait sa mise. Pendant ce temps d’illusion, les différences entre les conjoints sont minimisées, avec l’impression d’avoir les mêmes goûts et les mêmes aspirations.  C’est une phase d’illusion analogue à l’illusion groupale (Anzieu)[6].  L’illusion couplale permet que l’objet-couple soit élevé au niveau d’un objet idéal investi narcissiquement et libidinalement, placé à la place du moi-idéal ou de l’idéal du moi.  Dans ce temps originaire du développement du couple,  un processus identificatoire narcissique entre les conjoints se met en action.  Sur le plan fantasmatique, nous aurions l’image des siamois, des jumeaux identiques ou nonidentiques.7 Bérenstein et Puget ont développé cette notion de jumeaux.

Je fais l’hypothèse qu’il y a une différence importante entre les couples selon le fait que l’objet-couple prend la place du Moi-idéal, instance primitive, plutôt que de celle de l’Idéal du moi.  Dans le premier cas, celui du Moi-idéal,  le moi des conjoints aura du mal à s’extirper de l’objet couple pour devenir sujet dans la relation de  couple, demeurant plutôt en état de symbiose, c’est-à-dire en position siamoise. Dans toutes tentatives d’éloignement d’un conjoint de l’autre pour se différencier ou même seulement pour se représenter le couple d’une manière personnelle, les conjoints seront immédiatement saisis par la hantise de l’éclatement de l’objet-couple. En effet, la différenciation réanimera la menace du retour à l’agrégat, au néant, et provoquera des angoisses de morcellement. Je vous renvoie sur ce thème, aux travaux de Caillot et de Decherf[7].

Dans le second cas, celui où l’objet-couple prend la place de l’idéal du moi, le processus de différenciation entre les conjoints pourra se développer progressivement dans le travail de désillusion, illustré par Winnicott dans le champ du nourrisson et par Anzieu dans celui du groupe. (Chapitre sur l’illusion groupale de l’œuvre déjà citée). À terme, l’objet-couple survivra aux menaces de destruction inhérentes au processus de différenciation et il deviendra un objet fiable pouvant être utilisé, selon le concept de Winnicott de l’utilisation de l’objet.  Malgré le fait que les conjoints se différencient progressivement l’un de l’autre, l’objet-couple demeurera en position  d’objet tiers situé dans un espace intermédiaire entre eux, à la fois en position d’intériorité et d’extériorité par rapport aux deux conjoints; c’est ce que Winnicott[8] a nommé aire transitionnel.  Puis, cet objet fantasmatique construit par les conjoints, en plus d’être un objet de la pulsion,  acquerra toutes les caractéristiques de l’objet transitionnel.

Enfin, je prête une autre fonction à l’objet-couple, celle de l’objetpalimpseste ou objet-parchemin, substrat et lieu de l’écriture du roman conjugale sous ses diverses versions, grattées, effacées et réécrites constamment, mais dont les traces des versions anciennes demeurent.  Cette fonction évoque pour moi le texte de Freud, le Blocnote magique[9]. Cet objet-palimpseste est certes un espace d’écriture, mais aussi d’effacement, de traces et de mémoire. Les romans familiaux de chacun des conjoints s’y arriment pour recomposer un nouveau roman écrit en commun, celui du couple.

La construction de l’objet-couple constitue un travail d’assemblage ou de liaison entre les psychés individuelles, leurs représentations et leurs fantasmes. D’un autre côté, la déliaison y participe aussi, dans ce qui est écarté, éliminé ou rejeté, puis parfois repris pour que l’ensemble soit recomposé autrement. On observe un jeu constant de décomposition-recomposition ou de désassemblage-réassemblage dans un processus constant de transformation.  À côté de ce processus de transformation, d’autres éléments peuvent se fixer et se rigidifier, en lien parfois avec des processus désespérant de répétition.  Toutes ces construction sont le résultat d’un véritable travail psychique justifiant très bien l’hypothèse de la fiction d’un appareil de travail nommé appareil psychique couplale. Cet appareil construit et transforme de la matière psychique spécifique à la réalité du couple, dans un espace commun aux conjoints dont des zones sont totalement indifférenciées alors que d’autres sont complémentaires.  Pour ne citer que quelques unes de ces créations purement couplales, l’objetcouple, les alliances inconscientes, les pactes narcissiques (Aulagnier)[10], les pactes dénégatifs défensifs ou structurants (Kaës),[11] les fonctions spécifiques attribuées à un conjoint pour le bien de l’ensemble, exercées parfois dans l’inconscience totale.

Le couple qui dure au-delà d’une simple réunion pour le plaisir, le temps d’une nuit ou  des vacances, est un ensemble groupal qui se stabilise et se transforme en institution.  Quoique le couple soit le lieu privilégié de la régression à l’infantile et de l’exercice de la sexualité, il crée aussi des fonctions analogues aux fonctions moiïques entre autres d’enveloppe, de protection et de défense.  Ainsi, comme institution, il se dotera d’un système de régulation interne, stable, pour se protéger des débordements pulsionnels libidinaux et agressifs et d’une organisation plus ou moins structurée de la vie quotidienne ainsi que d’une enveloppe protectrice face à ce qui lui est extérieur.  Le couple deviendra aussi un lieu de réparation face aux blessures éprouvées dans d’autres institutions, c’est sa fonction pare-choc ou havre de paix.  Toutes intrusions dans cette enveloppe favorisée par un membre du couple sera vécu par l’autre comme une trahison, une menace d’éclatement de l’objet-couple et une menace à l’identité du couple.

De plus, en s’inspirant de Bleger[12], il est possible de considérer l’institution du couple, dans sa partie la plus stable et la plus immuable, comme le cadre du couple.  Les conjoints pourront alors y déposer la partie psychotique de leur personnalité, leurs noyaux agglutinés selon Bleger, vestiges de la symbiose primitive avec l’environnement-primaire-mère et avec la zone commune familiale indifférenciée.   Ce dépôt permet à l’institution-couple d’agir comme garde-fou pour mettre chaque conjoint et le couple  à l’abri de la réintrojection massive de la part psychotique de la personnalité de chacun. Tout ébranlement de ce cadre du couple risque de faire resurgir massivement et brusquement à la surface cette part psychotique et d’entraîner les conjoints dans une position schizoparanoïde.  Place alors à la ronde des reproches (Berenstein, Puget) et à la Scène de ménage (Anzieu).

Guillaumin[13] propose une définition de la crise comme une mise en échec des moyens de régulation et de l’identité du groupe-couple ainsi que de celle des conjoints. Toutefois, il y a les crises nécessaires de la vie, liées aux cycles de la vie, pouvant assez souvent se résoudre relativement bien, mais qui peuvent aussi prendre des tournures très pathologiques. Voyons d’abord la crise pathologique. Le couple est alors ébranlé dans son socle et dans son fondement, c’est-à-dire dans son cadre. Cet ébranlement concourt à rendre les fonctions régulatrices inopérantes. D’autres parts, ces fonctions seront débordées par un trop plein d’excitations traumatiques, emportant avec elles, tel en effet tsunami, l’aire transitionnelle, l’objet transitionnel et l’objet-palimpseste. Comme l’écriture du roman conjugal sera compromise, il y aura peu de moyens pour élaborer et pour transformer la crise. Dans ce cas de figure, l’objet-couple ne sera plus placé en position tierce entre les deux conjoints. En conséquence ceux-ci seront en oscillation constante entre deux positions radicalement opposées, soit être fusionnellement collés ou soit, à distance l’un de l’autre, sans aucun lien; une fusion ou une béance et les deux en alternance[14]. C’est à ce moment pour favoriser la survie, que la paradoxalité vient au secours des conjoints, comme moyen de suturer ces deux positions impossibles, en la transformant en lien paradoxal. «Si tu m’aimes vraiment autant que tu le dis, ne m’aimes plus, ce sera mieux ainsi.» Le travail de la paradoxalité est peut-être seulement ce qui reste disponible comme travail psychique quand la fonction d’écriture du roman couplale fait complètement défaut. Enfin, l’ébranlement du cadre couplal entraîne avec lui la réintrojection massive des noyaux agglutinés (noyaux psychotiques de chacun), amenant à la surface des vécus persécutoires, des idées de références (Je sais que tu as fait ça exprès parce que tu sais que ça me fait mal), des scénarios quasi délirants ainsi que des agirs fous.  Tous des ingrédients pouvant bien alimenter la scène de ménage décrite par Anzieu[15].

Je nomme travail de la crise, en m’inspirant de la notion du travail du deuil, de Deuil et mélancolie[16], l’élaboration psychique mise en œuvre pour passer au travers de la crise en faisant les réaménagements nécessaires qu’exige la situation qui a déclenché cette crise.  Je prends pour modèle de ce travail, la crise périnatale, que je n’ai évidemment pas le temps de décrire ici d’une façon très élaborée.  Mais je vais isoler trois éléments qui m’apparaissent indispensable à ce travail, la capacité de régression au service du moi (Kris), la transitionnalité et la fonction mythopoiétique. Je cite Élisabeth Darchis :

La naissance d’une famille est une période de crise familiale « déconstructive-constructive » provenant notamment du réaménagement indispensable de la contenance familiale d’origine. La venue de l’enfant convoque le matériel infantile et générationnel qui, après avoir été retrouvé, doit être en partie remanié et transformé, pour inscrire la famille en tant que nouveau maillon dans la profondeur de la chaîne générationnelle.  Parfois, cette crise réorganisatrice est entravée lors de retrouvailles avec un héritage psychique inélaborable. Le retour de traumatismes, d’angoisses archaïques ou de fantômes, bloque le travail de reprise du patrimoine psychique et la métamorphose générationnelle est difficile, voire impossible. Le groupe familial lutte contre le changement et tente de maintenir défensivement les membres de la famille dans l’immobilisation et l’indifférenciation.  La contenance familiale s’organise alors, dès la périnatalité, dans la confusion des générations.[17]

Dans la crise périnatale, la crise réorganisatrice, nous observons la régression des conjoints  et des autres membres de la famille élargie au berceau familial, dans la  zone commune familiale indifférenciée et complémentaire. C’est la phase de régression et de déconstruction.  Puis, les conjoints devront réussir à remanier ensemble une partie de ce matériel pour créer un couple parental, pour le nouveau-venu, à la fois à l’image du couple parental de leur parent et en même temps décalé. C’est dans l’aire transitionnel, aire de jeu et de la créativité, selon Winnicott, que ce travail de construction se fera dans le couple. Les conjoints y transforment à la fois leur identité personnelle, devenant père et mère, et celle de leur couple, qui se transforme de couple d’amants à un couple parental. Enfin, une part importante de ce travail en est une d’écriture du roman conjugal éditant, avec le nouveau-né, un nouveau roman familial dont les racines plongeront profondément « dans la profondeur de la chaîne générationnelle ».     Nous avons retrouvé dans le travail de la crise, régression, transitionnalité et écriture du roman conjugal et familial. Pour aider les couples en panne dans une crise pathologique, il faudra dans le champ thérapeutique instaurer ou ré-instaurer ces éléments qui font défaut au couple qui consulte. Dans l’espace thérapeutique, il faudra favoriser l’établissement de la transitionnalité et rétablir les fonctions d’écriture du roman conjugal, au travers de l’écriture du roman thérapeutique dans l’analyse du transfert.


Bibliographie

Anzieu, D. (1984) Le Groupe et l’Inconscient; L’imaginaire groupal. Dunod, Paris.

Anzieu, D., (1986), La scène de ménage, in L’amour de la haine, Nouvelle revue de psychanalyse, No 33, Gallimard

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Bleger, J. (1979), Psychanalyse du cadre psychanalytique, in Crise rupture et dépassement, Kaës, R., Missenard, A., Kaspi, R., Anzieu, D., Guillaumin, J. et Bleger J., Dunod, Paris.

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Pontalis, J.-B,  (1968)  Le petit groupe comme objet, in Après Freud,

Idées, Gallimard (page 267)

Winnicott, D. W. (1975), Jeu et réalité, Éditions Gallimard


[1] Institut Montréalais de psychothérapie psychanalytique

[2] Pontalis, J.-B,  (1968)  Le petit groupe comme objet, in Après Freud, Idées, Gallimard (page 267).

[3] Kaës, R. (1976) L’appareil psychique groupal, Paris, Dunod.

[4] Eiguer, A. (1987) La parenté fantasmatique, Paris, Dunod.  (p. 104-105).

[5]  Darchis Élisabeth. (2005)  La crise familiale en périnatalité et ses aléas confusionnels, in Crises familiales :  violence et reconstruction, Decherf, G. et Darchis Élisabeth, Éditions in Press, Paris.

[6] Anzieu, D. (1984) Le Groupe et l’Inconscient; L’imaginaire groupal. Dunod, Paris. 7 Berenstein, I. et Puget, Janine, (1991) Considérations sur la psychothérapie du couple : de l’engagement amoureux au reproche, in La thérapie psychanalytique du couple, Eiguer, A., Ruffiot, A., Padrón, C., Berenstein, I., Puget J., Decobert, S. et Soulé, M. Dunod, Paris.

[7] Caillot, J.P. et Decherf, G. (1988),  Thérapie familiale psychanalytique et paradoxalité, Clancier-Guenaud.

[8] Winnicott, D. W. (1975), Jeu et réalité, Éditions Gallimard, Mayenne.

[9] Freud, S. (1925), Note sur le « Bloc magique », in Œuvres complètes, vol. XVII 1923-1925, Presses universitaires de France.

[10] Aulagnier, Piera, (1975),  La violence de l’interprétation, Le fil rouge, Presses Universitaires de France, Paris.

[11] Kaës, R. (1993), Le Groupe et le sujet du groupe, Dunod, Paris.

[12] Bleger, J. (1979), Psychanalyse du cadre psychanalytique, in Crise rupture et dépassement, Kaës, R., Missenard, A., Kaspi, R., Anzieu, D., Guillaumin, J. et Bleger J., Dunod, Paris.

[13] Guillaumin, J. (1979), Pour une méthodologie générale des recherches sur les crises,  , in Crise rupture et dépassement, Kaës, R., Missenard, A., Kaspi, R., Anzieu, D., Guillaumin, J. et Bleger J., Dunod, Paris.

[14] Decherf, G., Darchis E. et Knera L. (2008) ont développé ce thème dans Souffrances dans la famille, in Press.

[15] Anzieu, D., (1986), La scène de ménage, in L’amour de la haine, Nouvelle revue de psychanalyse, No 33, Gallimard, Mayenne.

[16] Freud, S, (1915), Deuil et mélancolie, in Œuvres complètes, No XIII, Presse Universitaire de France, Paris.

[17] Darchis Élisabeth.(2005)  La crise familiale en périnatalité et ses aléas confusionnels, in Crises familiales :  violence et reconstruction, Decherf, G. et Darchis Élisabeth, Éditions in Press, Paris.

Revue Internationale de Psychanalyse du Couple et de la Famille

AIPPF

ISSN 2105-1038