REVUE N° 24 | ANNE 2021 / 1
Introduction au numéro “Les médiations en thérapie familiale psychanalytique et de couple:dispositifs, techniques et processus”
Christiane Joubert [*], Christophe Bittolo[**]
L’usage des médiations, aujourd’hui assez courant dans les prises en charge individuelles et de groupe, semble plus méconnu et moins interrogé en psychanalyse de couple et de famille.
Dans le champ des pratiques cliniques de groupe, de nombreux travaux sur les processus psychiques des médiations thérapeutiques (Lecourt, 1988; Chouvier et al., 2002; Vacheret et al., 2002) mettent en évidence l’importance de l’articulation du médium aux affects et aux sensations mobilisés et actualisés en séance. Cette articulation et son appui dans le processus thérapeutique permettent le passage du caractère innommable ou indicible de l’expérience à sa dimension imaginaire et à sa figurabilité. La dimension transitionnelle qu’elle mobilise et l’ouverture d’un espace psychique intermédiaire viennent remédier aux butées et aux impasses des processus de transformation psychique en s’appuyant aussi bien sur les processus de symbolisation que d’interfantasmatisation pour ses aspects les plus groupaux. Dans le cadre de la TFA, le psychodrame expérimenté par Decherf puis par Wainrib (2005), repris par Marine Ruffiot (2014), s’est complété par l’usage de différentes techniques présentes dans les psychothérapies d’enfants: dessins, peintures aux doigts, jeux imaginatifs, personnages, marionnettes (Jaitin, 2002), masques, animaux, collages, jouets (boule élastique, animaux), etc. Ces médiateurs figurent des émotions comme la colère, la douceur, l’agrippement, difficilement énonçables et sont des supports d’expression.
Mais d’autres techniques plus spécifiques dans le cadre de la thérapie familiale psychanalytique et de couple ont vu le jour: le Photolangage©, médiation groupale (Vacheret, 2002) utilisée avec les familles et les couples (Durastante et Joubert, 2013; Joubert, 2016; 2017; Drieu, 2016), l’écriture, la musique, le bâton de parole, les tableaux appartenant au thérapeute (Darchis, 2016), le plan de la maison, le dessin libre de la maison de rêve, l’arbre généalogique (Cuynet, 2005; 2015; 2016; Sommantico, 2007), le spatiogramme (Benghozi, 2006; 2014; Morosini, 2014), avec La récupération possible du corps familial dans un espace transitionnel partagé. Ces médias mobilisent des représentations de l’image inconsciente du corps individuel et familial. Nous ne citons évidemment que quelques auteurs. Les techniques sont nombreuses, en effet, et mobilisatrices du processus; la médiation interroge les fonctions qu’elle occupe pour le(s) thérapeute(s) à différents niveaux.
Son choix et son usage ne peuvent, en premier lieu, être dissociés de la conception que le clinicien s’est construite de son dispositif. Un contre-transfert anticipé sur l’outil offre en effet une forme initiale à l’espace thérapeutique dans ce que le thérapeute anticipe des difficultés à vaincre et ce qu’il ouvre ou ferme à l’expression de ce qu’il attend d’abord avant d’être surpris par l’inattendu inhérent à la clinique. La médiation est, en second lieu, une composante de l’alliance thérapeutique et elle engage l’investissement subjectif du (ou des) thérapeutes. Elle devient, dès lors, un mode d’expression de son implication, choisi en fonction des blocages ou des impasses ressenties au cours de la thérapie. Mais elle peut aussi constituer un recours défensif contre ce que mobilise la famille ou le couple, dans le champ transférentiel. Enfin, en situation de cothérapie, la médiation interroge sa place dans le lien des cliniciens entre eux et l’analyse inter-transférentielle. La médiation donne aussi une disponibilité créatrice à l’écoute, favorisant l’empathie et l’implication des thérapeutes. Le champ transférentiel est alors au travail.
C’est à partir de ces questionnements que nous proposons divers articles très contemporains abordant les processus des médiations en thérapie familiale psychanalytique et de couple. En voici le sommaire.
[*] Psychologue clinicienne, Psychothérapeute, Psychanalyste-Famille, Groupe, Couple. Formatrice en Thérapie Familiale Psychanalytique et en Photolangage. Membre: Société Française de Thérapie Familiale Psychanalytique, Association Internationale de Psychanalyse de Couple et de
Famille, Société Française de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe. Professeur Émérite des Universités – en Psychopathologie Clinique – Université Toulouse 2, Jean Jaurès, membre du laboratoire LCPI. christianejoubert@netcourrier.com
[**] Psychologue clinicien, psychanalyste, analyste de groupe et d’institution. Maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie. Membre: Laboratoire PCPP, EA 4056, Université de Paris, Association Transition, Institut de Psychanalyse de Paris, Association Internationale de Psychanalyse de Couple et de Famille, Société Française de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe. christophe.bittolo@neuf.fr